Soleil
Sang
Cendres
Janmen bliyé
Je ne sais pas pa savé non
Sais plus ai-je su
Yon jou ki jou
Puisque puisque
Désormais schi
Schizo schizo
Phrène
Puisque
Tête
Jambes pieds
Je ne sais pas
Moi quelque part là somewhere
Entre néant et mauvais béton
Et La Boule saignée
Pelée grattée dépecée
Son sable offensé s’est vengé
La Boule ma belle qui fut verte luxuriante et féconde
Aujourd’hui elle grimace
Avec ce qui lui reste de bouche
Avec ce qui lui reste de dents
Elle entend la rumeur du sable
Il dit que la Montagne lui manque, perdue à jamais
Envie de s’ébrouer, de se répandre jusqu’à la ville fantôme
Retrouver quoi
Particules de ce qui fut
De ce temps-là qui fut
Au lieu de quoi une ville-désastre
Un sable rendu muet
Une montagne orpheline
Un fantôme de montagne
Et ce peuple
Hagard encore
Horizon de toiles fragiles dans les mains du vent
Avenues de boue et de fatras
Pudeur dérobée aux piètres paravents
Un sein dénudé
Une cuisse qui oublie d’être gourmande
Un sexe sans faim
De miel tari
De désir mutilé
Ce peuple aux yeux sertis de rêves
Le sourire d’un enfant
La douceur d’une grand-mère
La soif d’un amant
Un ballon épris de liberté dévale un dalot
Haïti rêve encore au milieu de ses plaies
De juteuses papayes
De mangues généreuses
De céleris virils
De sweetness dous-makos
D’écoles aux portes ouvertes
D’enseignement fécond
De pensée fondatrice
De paroles guérisseuses
De violence pacifiée
D’oraisons syncrétiques
Et de ce rêve-là peut-être naîtra-t-il un pays neuf…
Yon jou, est un extrait de la nouvelle O Ayiti m,
parue dans le recueil de nouvelles Entre ces îles et moi,
écrit par Nicole Cage dont la photo illustre ce poème.
