Haïti est un vaste cimetière
Un cimetière de 27 750 km2 qui en redemande
Encore et encore
Comme un binge eater
Et on lui donne
À cœur joie
Dans ce jeu macabre
De gentils jokers
Jouant à la roulette russe avec la mort
Où la deuxième chance
Est du qui perd gagne
Mais face à la mort
Qui gagne, qui perd ?
Face à la fuite
Quelle dignité a la vie?
Quand tout ce qu’on a connu est derrière soi
Et la seule possibilité de vivre dignement est de fuir
Fuir sans regarder en arrière
Dire adieu à cette terre qu’on a toujours chérie
Quitter ce premier amour que l’on aime encore malgré tout
C’est un supplice que d’être obligé
De quitter tout ce qu’on a jamais connu
De prendre ses jambes à son cou
De braver le métal et le feu pour sauver sa vie
Rien que sa vie, que l’on perdra au prochain arrêt
Il n’y a aucune sureté ici
Bâclée la certitude de voir demain
Ici, dans notre Syrie, Lybie en miniature
On s’avoue vaincue
On veut se remettre au bon pasteur
Qui prétend avoir les clefs du salut
En fait, les bourreaux possèdent différentes armes
Instrument de leurs machinales diableries : le pouvoir
Ils nous traitent tous comme des bêtes
Et leur monde est un abattoir de brebis
On se convainc qu’ils ne sont pas si inhumains que cela
Qu’ils voient et comprennent notre souffrance
Le début de notre anéantissement
Pourtant ils en sont les promoteurs
Ce chuchotement à nos oreilles qui s’insinue
N’est autre que le bruit de leur haine
Cette petite voix qui dit : ‘‘CRÈVE’’ ‘‘CRÈVE’’ ‘‘CRÈVE’’
Avec ce rire guttural d’outre-tombe
Celle qu’on entend de loin et qui nous fait sursauter pourtant
Notre propre pays nous rappelle constamment
Qu’on n’a pas notre place
Qu’on est des intrus sur notre propre terre
Où seuls les bandits et leurs maitres ont carte blanche
Où eux seuls ont droit de vie ou de mort
Droit de mort surtout
Car ici, plus de vie pour un citoyen paisible
Rien que la mort qui se maquille pour tromper les plus crédules
Rodeline Doly