Medam feminis yo pa sensè menm…

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Il semblerait que la connerie humaine soit comme les rongeurs : partout. Même en restant tranquillement dans mon coin, elle trouve le moyen de venir jusqu’à moi. Mort à Internet et cette fausse proximité, mort aux réseaux sociaux qui donnent place à toutes les paroles, même les plus stupides au même niveau.

Qu’elle n’a pas été ma surprise d’avoir été littéralement agressée pour avoir tenu une discussion autour du silence quant au travail des femmes dans la littérature en général et la littérature haïtienne en particulier. Et comme une connerie ne vient jamais seule qu’elle n’a pas été ma déception de lire une énième fois des arguments farfelus et de mauvaise foi sur le travail de certaines femmes du secteur féministe haïtien.

J’aurais pu, comme souvent rire de la mauvaise foi de ces détracteurs et passer mon chemin, comme je le fais d’habitude. J’aurais pu prendre une grande inspiration blasée, me muter dans un profond silence de dédain, et enfiler mon visage des discussions sans intérêts, mais… que voulez-vous? La parole se libère chaque jour davantage avec Internet ; alors, autant en profiter.

Je me porte volontaire dans ce papier pour contredire (démonter pièce par pièce, mais restons courtois.es) quelques arguments contre le discours féministe en général haïtien en particulier.

La sincérité

J’entends de plus en plus de gens, remettre en question « la sincérité » des activistes de genre dans le pays. Je trouve amusant que vous soyez choqué.e., déçu.e.s que des personnes qui vouent leurs vies à défendre des questions d’intérêt général comme l’équité et l’intégration reçoivent de l’argent pour le faire.

Il est certain que depuis quelque temps, il y a un redoublement d’intérêt pour les questions de genre et d’orientation sexuelle dans le pays, mais cet argument n’est il pas valable pour la multiplication des festivals en plein expansion dans le pays ? L’art, c’est un travail, l’engagement n’en est pas un?

Je prendrai au sérieux cet argument le jour où, ceux qui le chérissent l’emploieront pour parler des “camarades”, farouches au gouvernement, mais pas à leur chèque de fin de mois, farouches au ONG, mais pas aux contrats de consultations, etc et etc.

Le “milieu” féministe haïtien est un petit groupe de bonnes femmes privilégiées

Oui. Si vous souhaitez parler de la question de genre de manière théorique, vous inviterez celles et ceux qui s’y connaissent en théorie. Qui se sont donnés comme devoir de se former en théorie, pareil que pour la philosophie, la sociologie, l’anthropologie et toutes les autres logies que vous mettrez sur la table.

Pourquoi ? Parce qu’au-delà du féminisme, c’est la question du savoir en général qui est privilégié. Tous les Haïtiens n’ont pas un diplôme dans les domaines que je viens de citer et donc forcement ceux qui ont une parole publique seront ceux-là qui on eu le privilège d’avoir été formés pour tenir cette parole.

De plus, il faut faire une différence entre une conscience féministe et un engagement féministe. Il n’y a besoin d’aucun diplôme pour voir, comprendre et prendre conscience des inégalités de genre. Cela n’implique pas forcement un engagement.

De l’autre côté, l’engagement ne signifie pas uniquement les interventions à la radio. Parler est une compétence que malheureusement tout le monde n’a pas. Certains excellent plus que d’autres à cette tâche, donc arrêtez de reprocher à ceux qui savent et qui peuvent le faire, de le faire. D’autres savent écrire, d’autre encore savent travailler dans l’ombre et de ce travail à la chaîne naissent des initiatives au service de l’égalité et l’équité.

Dieu merci le féminisme ne se résume pas à des expériences individuelles.

Le féminisme est un concept occidental

Le développement durable aussi, de même que le marxisme, les droits humains et la démocratie. Il est vrai que le féminisme comme concept, est purement d’origine occidentale. Mais je doute que Sanite Bélair et Marie Jeanne aient attendu l’occident pour comprendre qu’en tant qu’esclaves, elles avaient mêmement le droit et le devoir de se battre pour la liberté.

De par l’histoire commune de beaucoup de sociétés, parmi lesquelles la société haïtienne avec l’occident. Il va de soit que parler de philosophie sans citer Platon ou d’économie sans citer Marx est une entreprise peu intellectuelle et quasiment vaine. C’est en ce même sens qu’on ne saurait aujourd’hui parler de féminisme sans citer de Beauvoir, ou les activités anglaises pour le droit de vote des femmes.

Moi ma mère elle n’est pas féministe pourtant il n’y a pas plus égalitaire qu’elle

De plus, tout argument commençant par moi n’a de valeur que dans la mesure où le moi est le seul sujet concerné . Dans le mot égalité, il ne suffit pas simplement de voir l’égalité dans les travaux ménagers, il faut compter le point de vu juridique, social et moral.

Une mère qui ne traite pas sa fille comme la servante de son fils peut être la même à dire à sa fille ne rentre pas trop tard.

Pourquoi ? Parce qu’elle parle à sa fille et qu’une fille a plus de chance de se faire agresser par ce que C’EST UNE FILLE, en restant trop tard dehors. Et quelle bêtise de résumer le discours féminisme aux divisions genrées des travaux ménagers.Nous avons démontré depuis longtemps que le genre, quoique étant une part importante dans les rapports inégalitaires dans les sociétés, n’était certainement pas le seul.

D’où, la naissance de l’afro féminisme, du féminisme décolonial, du féminisme de la différence. Et à ceux qui demandent : pourquoi autant de courants féministes? Moi, je demande, pourquoi autant de courants philosophiques? Pourquoi autant de courants littéraires ?

Une bande de mal baisées sans sens de l’humour qui prennent tout à fleur de peau

Qu’on se le dise, une femme qui rit à une blague sexiste pourrait le faire par ce qu’elle à peur. Voyons!

C’est dommage de ne pas plus s’intéresser au Féminisme de la différence. Un texte très intéressant, mais sans traduction française porte le doux titre : J’ai peur des hommes. C’est le récit d’un homme trans qui devient une femme. Il explique qu’il a peur des hommes pour une raison tout simple mais très sérieux et à prendre en considération : la force.

J’ai peur en sortant de Jaden samba de me rendre seule, tard le soir, à pied jusqu’au Sacré cœur, parce que je risque bien plus qu’un simple braquage. J’ai peur de prendre une moto inconnue à 2 heures du matin pour rentrer chez moi. J’ai peur d’être seule dans un taxi tard le soir, parce que je sais que l’homme à côté de moi pourrait être plus fort physiquement que moi.

Pour en revenir à l’argument plus haut, nous rions à vos blagues et vos insinuations parce que nous nous disons que dans un accès de colère, un homme même un ami peut être violent, et que dans ces cas-là nous autres bonnes femmes seront toujours les victimes.

Donc, oui, il y a de plus ne plus de femmes qui auront le culot de dire que cette blague n’est pas drôle, ce geste est déplacé, ou cette attitude est irrespectueuse. Vous êtes choqués parce que vous êtes tellement habitués à le faire, que vous l’avez intégreé comme normal.

Aussi vrai est-il que je pourrais ne pas comprendre la douleur de quelqu’un qui a perdu sa mère, car j’ai encore la mienne. Aussi vrai vous ne pouvez pas comprendre la violence que nous disons ressentir dans ces moments-là, parce qu’encore une fois de par la division genre de la société nous ne recevons pas ces attitudes de la même façon.

Et vu que le mouvement me too a aidé dans une certaine mesure à faire la lumière sur le cas du harcèlement, il faut mettre quelque chose au clair :

Comme les animaux nous avons, nous autres humains, des codes de séductions, mais à la différence des animaux nous pouvons analyser ces codes et déterminer si oui, ou non, ils nous conviennent.

Donc quand vous vous permettez de dire à une femme : souris ; dis bonjour ; ne le prends pas comme ça ; viens, on baise. Au plus profonds de nous, nous avons peur que, soit vous nous frappiez, soit vous moquiez de nous parce que la violence morale, il faut en parler aussi.

En fait, c’est juste une secte de lesbienne

Avec le nombre de frustrations sexuelles que portent les femmes, il va de soi qu’entre elles, elles en parlent. S’il fallait attendre les hommes pour comprendre que le clitoris sert principalement à avoir du plaisir, les poules auraient déjà eu des dents.

Blague à part. La sexualité est une question qui intéresse le féminisme, en plus, si vous ne le saviez pas, les mouvements LGBT+ ont été facilités par les mouvements féministes. Si vous lisez le texte Femme genre et sexualité d’Elsa Dorlin, vous comprendrez que brider la sexualité a toujours été une arme des classes supérieures.

N’étant pas sociologue, je ne m’y suis pas intéressée sous cet angle, mais sous l’angle du genre encore une fois. Brider la sexualité de la femme a encore une fois été une arme contre cette dernière, D’où le culte de la virginité, ou la pratique de la déclitorisation.

Donc, le secteur féministe étant le premier à avoir posé la question de la sexualité du lieu de la femme, il n’est pas étonnant que les lesbiennes et autre queer l’aient intégré. Cependant, encore une fois, c’est un faux argument de dire que c’est une secte de lesbiennes.Car c’est n’accorder aucune crédibilité intellectuelle à aucun regroupement de femmes.

Le dernier argument que j’aborderai dans ce texte est celui concernant la vie privée des féministes. Oui, j’entends beaucoup dire que les activités féministes ne prêchent pas par l’exemple.

De 1, il ne faut pas oublier que nous sommes tous surdéterminés. Cette surdétermination vient de la famille, de l’école de l’église, bref de partout. Un ou une féministe est quelqu’un avec une histoire et des pratiques sociales qui participent à ces surdéterminations. Elle peut être oui ou non consciente.

De 2, les surdéterminations ne sont pas graves. Personnes n’aime naturellement les seins énormes, les fesses fermes ou les torses larges. Pourquoi aimez-vous ces choses? Parce que vous êtes surdéterminés tout simplement. Cela ne vous empêche pas de croire en certaines choses, de vous battre ou pas pour certaines choses, et il en va de même pour les féministes.

Du moment que le comportement à l’intérieur du foyer ne dépasse pas le cadre légal (un homme féministe ou pas qui frappe son partenaire), il est libre de faire ce qui lui plaît. Autant, nous ne pouvons pas demander à tout le monde un engagement politique extrême, autant nous ne pouvons pas le demander à une féministe, même si certaines le font.

Melissa Béralus


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One Comment

  1. Avatar
    Botomogne

    D’emblée, je dirais que c’est un très bon article, dans le sens où il embrasse plusieurs axes, mieux plusieurs concepts dits féministes. L’article essaie aussi de démonter les différents clichés qui embrigadent cette notion de féminisme . Cette notion est aussi vieille que le monde, et elle s’intéresse à tous les problèmes du monde comme un courant militant. Peut-être parce que la femme agit plus avec le cœur qu’elle perçoit et dénonce les inégalités. Au Cameroun mon pays, j’ai vu des femmes fortes. La force ne s’exprime pas seulement par le physique, et même, l’histoire nous a indiqué des femmes guerrières. Moi je suis contre les femmes qui pleurent et se lamentent. La société africaine ancienne était fondée sur le matriarcat. Et je pense que ça n’a pas totalement muté. Je refuse de parler des inégalités. On les vit tous les jours certes, mais ma conscience s’en détourné pour une cause plus juste. Oui le problème genre n’est pas la seule fatalité existentielle. Il en fait néanmoins partie et le monde n’aura pas la quiétude tant qu’un seul pan demeurera sous le voile. Et je pense que l’effort du changement est d’abord individuel
    Quand nous apprendrons à voir avec les yeux du coeur!

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