« Rara jodia e demen », pour une autre perception du rara

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L’association Caracoli, qui collabore  avec la bande à pied « Follow Jah » depuis plus de 10 ans, a procédé le dimanche 12 décembre dernier, à la clôture de son projet « Rara jodia e demen”_un travail d’enquête sur la perception qu’ont les riverains du quartier de Berthé par rapport au rara. L’activité s’est déroulée dans les locaux du centre de formation mixte intégrale de Berthé à Pétion-ville.

Ce projet, qui est la continuité d’un ensemble d’activités antérieures menées avec la bande Follow Jah a été mis en œuvre avec une quarantaine de jeunes participants, qui après recu plusieurs séances de formation, ont réalisé l’enquête, organisé les activités culturelles et la couverture médiatique du projet.

3 ateliers ont eu lieu à cet effet: l’atelier « Chèche konnen », dirigé par le professeur Jean Sergo Louis, où il était question de mener des recherches sur le rara auprès des résidents du quartier à partir d’un questionnaire,  « Mete sou pye », mené Par Gahri Lubin, qui travaillait sur l’organisation d’événements et « Imaj nou », qui a été conduit par Phallonne Pierre Louis, qui s’est occupé de la prise de photos concernant le projet et des lieux de Berthé jugés importants d’immortaliser.

Déclinée sur plusieurs semaines, cette activité a donné lieu à un cycle de ciné-débats sur les différentes facettes et variétés de rara en Haïti et à l’étranger et entretenu le public de la zone sur ce que représente cette tradition et ce  qui se réalise autour au moment même des échanges, pour qu’il puisse en avoir une meilleure idée et être mieux informé.e.

Ce projet répondait aux besoins de savoir ce que les gens du quartier de Berthé pensent de la tradition du rara, particulièrement les jeunes, et pourquoi une grande partie du quartier ne voit pas le rara d’un bon œil. Jean Sergo Louis, titulaire de l’atelier de recherches, confie:

« Sur un ensemble de quarantaine d’entretiens que nous avons menés, le résultat trouvé par rapport aux questions qui étaient posées montre que le rara, malgré le fait qu’il soit marginalisé, est tout de même transmis. Autre chose que je pourrais ajouter, le disant :le rara rattache te à la famille, au territoire. C’est donc le premier signe fondamental dans la naissance d’une bande de rara. C’est- à-dire, c’est un groupe d’amis, de membres d’une famille qui décident de fonder un rara comme un espace de rassemblement, de plaisirs positifs, qui annonce un ensemble de valeurs traditionnelles haïtiennes, qui passent de génération en génération, du monde rural au monde urbain. », ajoutant que le rara dans les milieux urbains, c’est même un mode d’intégration en espace urbain de ceux qui arrivent du monde rural.

Si le rara s’impose encore par sa force de tradition et par sa force culturelle, il est toutefois une urgence de sensibiliser sur ce qu’il représente et l’aider à tenir, croit le professeur Jean Sergo Louis, arguant que le rara n’a pas bonne presse et se trouve  miné par les forces religieuses.

Miltasia Thelemaque fait des études en histoire et patrimoine. Membre du groupe des quarante jeunes ayant travaillé à la réalisation du projet, dit le trouver très utile. Car il permet d’aider à casser certains stéréotypes par rapport au rara.

“Je trouve bien ce projet, il va aider les gens à avoir une vraie compréhension de la question. Nous avons, dans le cadre de l’enquête, posé la question à des personnes, leur demandant, par exemple: ce qu’il leur monte à l’esprit, quand on leur dit rara? Certaines ont répondu: c’est de la sorcellerie et d’autres, une activité de plaisir et d’autres encore, quelque chose de mal. Donc avec ce projet, qui a fait venir pour des débats, des sociologues, des intellectuels et des gens qui se connaissent bien en matière de rara, je pense que ça va aider à voir cette tradition dans ce quelle est véritablement, mais aussi dans ce qu’il représente en terme d’élément culturel.”

En plus d’aider à changer le regard de certaines personnes, des jeunes notamment sur le rara et apprendre à d’autres sur le quartier, des choses qui leur étaient jusque-là inconnues, les résultats du projet “Rara jodia e demen” seront partagés à l’extérieur, plus prochainement en république voisine à des activités où il y aura dans la foulée, un séminaire universitaire sur le rara, raconte Pascale Jaunay, responsable de l’association Caracoli, qui manage la bande Follow Jah:

“Un article universitaire rendant compte de l’enquête sur le rara et du programme en général sera rédigé et devra voyager pour être partagé en république dominicaine où Caracoli organisera l’année prochaine un échange entre Follow Jah et un groupe dominicain.”

Fallow Jah est une bande à pied vieille de vingt ans. Elle évolue dans le quartier de Berthé. Composée de musiciens passionnés, la bande a déjà fait la fierté D’Haiti un peu partout dans le monde : elle a déjà été des tournées en Europe (joué pour l’équipe de France championne du monde en 2018), aux Antilles, en République dominicaine et d’autres pays. Elle a reçu par ailleurs des visites de pays intéressés au rara venus en tournée en Haiti, la Belgique en 2017 par exemple. Ils ont joué dans des mariages de grandes personnalités du pays _ce qui est peu fréquent pour un groupe de rara_ et que le porte parole du groupe considère comme des expériences extraordinaires.

Joseph Réginald, chanteur, musicien et porte parole du groupe rassure que les progrès  continuent et que, si ce n’était d’ailleurs la pandémie, le groupe partirait honorer une tournée de 30 jours en Europe.

«Nous sommes déterminé.e.s à continuer de promouvoir la culture haïtienne, à la pousser le plus loin possible. L’objectif, d’ailleurs, c’est de faire résonner le message par le tchatcha, le tambour et les Kone cornets au monde de notre ferveur et notre savoir-faire »

Ce qu’il confirme, en montrant à travers les photos rendant compte du projet « Rara jodia e demen » exposées pour l’occasion, les différentes pousses composant la pépinière du groupe : les « Ti Follow ».

Adlyne Bonhomme


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