Avec « Alaso », Nègès Mawon entend revitaliser la pensée féministe

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Le second numéro du carnet féministe Alaso, explorant le thème « Fwontyè » et rassemblant une palette de contributrices issues de plusieurs champs disciplinaires, est sorti hier dimanche 3 avril. Cette date de sortie a été choisie exprès pour marquer la Journée Nationale du Mouvement des Femmes Haïtiennes.

Au-delà des meetings et sit-in, des visio-conférences, des spaces-twitter ou des appels à mobilisation massive sur le béton, Nègès Mawon accueille ou du moins spécifie une nouvelle perspective dans son champ d’intervention. Produire sur les notions de droits qu’on étouffe et piétine, la thématique de la mémoire, les questions de transmission, dans le but d’ enrichir la bibliographie existante devient désormais une aventure à laquelle Nègès Mawon semble prendre gout. C’est une façon de mettre la focale sur l’histoire de la lutte féministe par le brassage d’idées neuves, pertinentes, fouillées, explorant cette fois la thématique « Frontière/Fwontyè » où le corps, que les politiques migratoires prennent pour cible, est questionné. Frontière/Fwontyè propose « des pistes de réflexions sur la frontières non/frontière comme espace de transformation qui, loin de se situer en périphérie, constitue l’épicentre de la sphère sociale et politique », lit-on dans le numéro d’Alaso.

Frontières intimes

Les frontières en question , ne sont pas celles qui servent à nous séparer géographiquement des autres mais des frontières intimes, matérialisées dans l’espace public par des barrières installées devant les maisons ou les quartiers afin de les « protéger », par des voitures aux vitres teintées, des écoles de première, seconde et huitième zones. À l’instar des frontières internationales, les frontières internes peinent à être dissuasives, pire encore, leur inefficacité est chaque jour un peu plus flagrante dans la rubrique insécurité et faits divers, lit-on dans la revue, en guise d’édito.

Cet Alaso est une écriture à plusieurs mains, un carnet d’écrits féministes qui rassemble une palette de contributrices : Edwidge Danticat, auteure de l’essai Vivre mais pas ici, Gaëlle Bien-Aimé (dramaturge et actrice), Nathalie Batraville (professeure adjointe à l’Institut Simone de Beauvoir de l’Université Concordia à Montréal), Rebecca Bruny (journaliste et rédactrice à Ayibopost), Gessica Généus (actrice et réalisatrice), Keylah Mellon (photographe haïtienne-américaine et graphiste freelance basée à New-York), Shanna Jean-Baptiste, professeure adjointe à Rutgers University”, (Wyddiane Prophète (journaliste freelance).

Canal de la pensée 

Dans l’intention de pallier au problème d’archivage de la pensée féministe en Haïti, Nègès Mawon a créé l’an dernier ce carnet visant à offrir un espace qui donne la parole uniquement aux femmes d’horizons confondus. Elles sont des militantes, universitaires, chercheuses, intellectuelles ou artistes féministes. Étant un lieu de dialogue et d’expression féministe, Alaso permet donc de développer/favoriser la production de pensée critique, de débats et d’analyses qui rendent accessibles la pensée féministe sous différents formats et modes de diffusion, a expliqué l’organisation féministe.

Alaso est une idée originale conçue et pilotée par Fania Noël, qui est aussi sa directrice de publication. Alaso se veut « un espace de rencontre, d’analyse. L’envie est de créer des archives, d’impulser des questions », a-t-elle confié dans une entrevue électronique qu’elle nous a généreusement accordée ce mardi.

« Bien qu’il soit une continuation des conversations que j’avais dans le podcast que j’animais pour AyiboPost, Medam yo Ranse, mais ce projet a son identité propre, vu qu’il fait partie intégrante d’une organisation féministe. Il porte donc une intention politique forte, alignée avec les préoccupations et luttes de Nègès Mawon. Je suis ravie que Nègès Mawon ait accepté d’accueillir ce projet qui était pensé comme une partie d’un projet global », a expliqué l’essayiste afro-féministe. 

Autrice de l’un des premiers essais afro-féministes publiés en France,  l’illustre magazine numérique Les Inrockuptibles classe la Directrice de publication de Alaso parmi les 30 femmes qu’il faut entendre, écouter et suivre pour l’année 2022.

Revitaliser la pensée féministe

Le mouvement féministe haïtien a plus d’un siècle, poursuit-elle. Donc, Alaso n’arrive pas à une étape d’émergence, et bien qu’il y ait eu des reculs dus à la situation chaotique de violence et la montée réactionnaire (comment un peu partout dans le monde et la région), le mouvement féministe reste  actif, persiste et continue la bataille que ce soit en Haiti ou ses ramifications dans la diaspora, dit-elle.

« Ce que Alaso propose c’est revenir, dans cette période sombre, à une pratique qui était plus soutenue et répandue par les générations précédentes : la production écrite de pensée, de création d’archives, d’entrée dans les débats publics par seulement pour réagir mais pour proposer. Donc pas d’émergence, mais une revitalisation », a-t-elle conclu. .

Alaso dont la publication se fait deux fois par année comprend dix textes analytiques illustrés. Le carnet, entièrement en noir et blanc, est produit en deux éditions. Etant un projet trilingue, il est produit en Kreyòl/français, pour distribution en Haïti, la France, le Canada, les Antilles françaises, et auprès des groupes féministes partenaires en Afrique francophone et kreyòl/anglais, pour diffusion principalement aux États-Unis, et auprès des groupes féministes partenaires en Amérique Latine et Afrique anglophone, a souligné l’organisation féministe.

Le premier numéro articulé autour du thème « Rezistans » est sorti le 18 novembre 2021, date marquant la commémoration de la Bataille de Vertières. Le second Alaso est, quant à lui, sorti dimanche 3 avril où un Flash mob avait été parallèlement avait été organisé par Nègès Mawon devant les locaux du Ministère à la Condition féminine.

Ceux et celles qui sont intéressés à faire du carnet féministe Alaso leur livre de chevet, l’édition créole haïtien /français est déjà disponible à la librairie La Pléiade à Port-au-Prince. On retrouve cette même édition dans toutes les librairies en France, Belgique, Suisse et au Québec. L’édition créole haïtien/anglais est en librairie à Brooklyn (New-York) à la libraire Black Feminist Café et est également disponible sur Amazon.

Diane Bissereth


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