Le journal en ligne Imédia a organisé, dimanche 3 avril dans les locaux de la Fondation Devoir de Mémoire Haïti, une exposition de photos en mémoire des journalistes assassiné.e.s, disparu.e.s dans l’exercice de leur profession.
C’est dans une salle pleine de photos d’hommes et de femmes assassiné.e.s ou disparu.e.s que l’on se retrouvait ce dimanche matin, à la Fondation Devoir de Mémoire Haïti, au numéro 40 de la rue Chavannes, à Petion-ville. Les murs habillés de photos de cette flopée de journalistes qui ont suscité l’émoi des visiteurs venus apprécier la qualité de ce travail mémoriel. Certains clichés montrent ces dignes travailleurs de la presse assis derrière de longues tables, en plein exercice de leur métier, enfilant un casque ou un micro.
29, c’est le nombre de victimes recensés. Au milieu de ce champ d’images qui frémit et glace le sang, madame Marie Marguerite Bouchereau Clérié, présidente de la Fondation Devoir de Mémoire Haïti et le coordinateur général de Imédia, le journaliste Marc-Evens Lebrun, ont mis en contexte l’événement.
«Je veux féliciter M. Lebrun et l’Unesco, ainsi que tous les organismes qui ont contribué à rendre possible cette exposition. Car, nous ne devons jamais oublier toutes ces personnes mortes en exerçant leur profession. Comme le dit l’affiche, dehors : S’il n’y avait pas les journalistes, nous ne serions pas informés. Nous serions dans le noir. Et nous ne connaîtrions pas la démocratie », a avancé Mme Clérié.
« S’il n’y avait pas la démocratie, nous ne serions pas là aujourd’hui. Car, sous la dictature, même 3 à 4 personnes ne pourraient se réunir à une enceinte pareille. Commémorer toutes ces personnes assassinées est une obligation, un devoir citoyen. Le faisant, nous envoyons un message à leur famille pour leur dire qu’ils ne sont pas morts pour rien ; à la société pour lui montrer l’importance de leur travail. Mais pour dire aussi qu’ils étaient des gens comme nous et qu’ils ont une histoire. Et à travers ces images, nous avons besoin de chercher à savoir les souffrances qu’ils ont laissé, quand des assassins les a tués», a-t-elle ajouté, arguant que l’État n’aime pas le travail des journalistes, parce qu’il évoque leurs dérives, mais celui-ci est nécessaire.
Zéro impunité
Selon Marc Evens Lebrun, faisant office de Commissaire de l’exposition, « cette activité est réalisée pour commémorer un double événement : d’abord, pour marquer le début de la deuxième phase du projet Zéro impunité, qui est un projet piloté par Imédia en collaboration avec plusieurs organismes dont Unesco, le Haut commissariat des droits de l’homme, la Fokal, la Fondation Devoir de Mémoire Haïti et d’autres organisations œuvrant dans le domaine des droits de l’homme ou des droits des journalistes.
Ces structures, a-t-il poursuivi, se sont mises ensemble pour organiser une série d’activités. Aujourd’hui marque aussi 22 ans depuis que le journaliste Jean Léopold Dominique avait été assassiné. Et c’est l’un des icônes ayant marqué la presse comme un cas typique d’impunité, a fait remarquer le lauréat du prestigieux Prix Philippe Chaffanjon 2020.
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Dans l’idée de ne pas laisser passer inaperçus ces événements et tombés dans l’oubli, nous disons qu’il y a nécessité de réfléchir sur les droits de la personne dans le pays, mais aussi pour commémorer la mort de ces gens-là, pour honorer leur travail. C’est ce qui nous amène ici aujourd’hui. Question, a-t-il dit, de réfléchir sur la situation des journalistes dans le pays mais sur la situation générale de la liberté d’expression, pour ne pas dire la liberté des droits de la personne.
Les femmes dans la foulée des victimes
Dans la foulée de toutes ces personnes mangées par le régime des Tontons Macoutes, disparus ou victimes d’actes brutaux, il y a le nom d’une seule femme proprement citée : Yvonne Hakim Rimpel, militante féministe, « journaliste à la plume acérée », sévèrement battue, violée, retrouvée pieds nus et le corps presque sans vie à Delmas. On est en janvier 1958.
Même si elle n’a pas été systématiquement assassinée, mais le fait qu’elle ait été violée constitue en soi un crime qui ne devrait pas non plus rester impuni, estime M. Lebrun, contacté ce mardi à ce sujet. Et un autre nom peut être mentionné dans cette catégorie de crime : il s’agit de l’iconique Liliane Pierre-Paul.
Il n’est pas sans rappeler, par ailleurs, l’assassinat par balles d’Antoinette « Netty » Duclaire, jeune militante féministe et activiste politique. Ce qui porte à considérer, en vrai, un cas d’assassinat, deux cas de violence sexuelle et également un cas de violence physique en la personne de Marie Lucie Bonhomme, tenait-il à préciser pour la rédaction de Mus’Elles.
Quelques minutes de silence étaient observées, avant que le Coordinateur du jeune média en ligne Imédia, Marc Evans Lebrun, ait déclaré ouverte l’exposition qui a drainé un assez petit nombre de personnes.
Adlyne Bonhomme