Le photojournalisme: Un métier peu pratiqué par les femmes en Haïti?

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Depuis quelque temps, le métier de journaliste en Haïti tend à évoluer. Il n’y a pas que des journalistes reporters à la radio/télé ou de la presse écrite qui traitent et diffusent l’information. Désormais, les journalistes tendent de plus en plus à se spécialiser. A tel point qu’on parle à présent de journalisme reporter d’image ou encore de photojournalisme. Ce métier, à l’instar de certaines autres branches du journalisme, est pourtant peu pratiqué par les femmes en Haïti.

Le photojournalisme n’est pas un métier nouveau en Haïti, les médias ne se contentent plus d’une photo de couverture pour un article traité à chaud. Certains d’entre eux investissent de nos jours de grandes sommes dans des projets de photojournalisme. C’est un métier qui se popularise et s’institutionnalise un peu plus dans le pays. Certains photojournalistes se sont même regroupés. Cependant, parmi les professionnels en photojournalisme, on ne remarque pas beaucoup de femmes.

Absence de formation et des femmes

« Il manque une solide formation en photojournalisme. C’est pallié avec quelques ateliers et une école de photographie. Mais c’est insuffisant », reconnait Valérie Baeriswyl, une photojournaliste suisse travaillant depuis plusieurs années en Haïti. Elle pense que le manque de formation en photojournalisme constitue l’un des facteurs qui expliquent qu’il y a si peu de femmes qui le pratiquent. En Haïti, il existe plusieurs écoles qui offrent des formations en journalisme. Mais, des écoles de photojournalisme, on n’en est encore loin d’en avoir. Tous ceux et celles qui pratiquent ce métier, pour la plupart, sont préalablement des photographes. D’autres ont seulement suivi des ateliers ou des formations sur le photojournalisme le plus souvent initiés par des étrangers.

La représentation des femmes dans la profession de photojournalisme en Haïti est très faible. C’est un métier qui ne les attire pas. Selon la photojournaliste et membre du Kolektif 2D, Edine Célestin, le métier de photojournaliste, est pratiqué à la base par des photographes. Cependant, reconnait-elle qu’il existe très peu de femmes photographes dans le pays. Car « les femmes ont toujours été devant la caméra que derrière elle ». C’est ce qui explique que les femmes ne pratiquent pas le métier de photojournaliste. Malgré les recommandations du rapport de la quatrième Conférence mondiale sur les femmes, qui consiste pour les Etats d’ « accorder leur soutien à l’éducation, à la formation et à l’emploi des femmes pour leur permettre d’accéder dans des conditions d’égalité aux médias, dans tous les secteurs et à tous les niveaux », le métier de photojournaliste jusqu’à date demeure un domaine dominé par les hommes en Haïti.

Photojournalisme, un domaine discriminant pour les femmes !

« Quand je suis sur le terrain, les gens me voient comme une femme. Parfois, un être à protéger. Parfois, un être à harceler. C’est une journaliste aussi. Une ennemie qui vient filmer la misère. Qui va faire de l’argent avec notre photo », explique Mme Célestin qui pense que la caméra ne suffit pas pour faire oublier aux gens que celle qui se tient derrière elle est une femme. Selon la photojournaliste, les femmes photojournalistes subissent une double agression à savoir celle d’être une journaliste, et une autre du fait d’être une femme.

Le rapport des femmes en Haïti avec la caméra a beaucoup fait tarir les débats sur les tables de discussions sur la place de celles-ci dans les médias. Dans un dossier titré « l’Information n’a pas de genre », publié en 2006 par Panos Caraïbes, une préoccupation sur l’image de la femme dans les medias a été soulevé. Selon le document, dans les médias, on a tendance à projeter un idéal de femme à travers des produits commerciaux comme les vidéoclips et les pubs radio télédiffusées. Ainsi, la caméra n’est pas suffisante pour prouver aux gens que les femmes peuvent faire autant de choses que les hommes quand ce sont elles qui la tiennent. Ainsi, le photojournalisme est un vrai challenge pour les quelques femmes qui le pratique encore dans le pays. « S’intéresser au monde qui nous entoure et vouloir le partager au plus grand nombre n’est pas réservé à la gente masculine. Il suffit d’avoir une bonne paire de tennis, une caméra, un téléphone ou un carnet pour noter des informations pour les légendes, et c’est parti ! », croit pourtant la photojournaliste, Valérie Baeriswyl également membre du Kolektif 2D et collabotrice à Ayibopost.

Un métier risqué et précaire

Les risques du photojournalisme sont autant élevés que ceux du métier de journaliste. Et ça l’est encore plus pour les femmes. C’est un métier qui exige de la journaliste d’être tout le temps sur le terrain. Ce qui fait que les risques soient plus élevés et diversifiés  par moment. « Malgré un gilet par balle, un casque lourd, et un masque à gaz, les dangers sont constants et imprévisibles. On n’est jamais à l’abri d’une blessure ou d’un vol par exemple. On reste en bande de préférence et prudent. Il faut toujours se rappeler qu’aucune image ne vaut une vie », soutient Mme Baeriswyl.

Dans l’exercice de leur métier, les femmes photojournalistes sont exposées à de multiples risques. Certaines d’entre elles se font souvent menacer après la publication d’une photo. D’autres sont accusées d’être des agents doubles lorsqu’elles vont faire des photos sur le terrain. Par ailleurs, l’un des dangers le plus imminent pour elles, c’est la situation d’insécurité qui sévit dans le pays. Mais certaines s’y adonnent malgré tout, car « quand on se lève avec le bonheur de faire ce que l’on aime, cela donne du courage pour persévérer », si l’on croit les propos recueillis lors de ce travail. En dehors des évènements et des manifestations, les photojournalistes traitent des sujets à froid ou encore ils montent des projets sur des sujets traités sur le long terme. Ainsi, quand la journaliste n’est pas attachée à un organe de presse national ou international, elle se fait frapper de plein fouet par la précarité. 

Cette situation de précarité fragilise le métier et n’attire pas vraiment les femmes. Ce serait surtout un métier qui se pratique par passion, en dépit des autres difficultés dont les femmes font l’objet. « Je ne vis pas que du photojournalisme parce que ça ne permet pas de nourrir sa famille. En plus des dangers auxquels on s’expose ! », confie Edine Célestin. De quoi renforcer les écarts entre le nombres de femmes et d’hommes qui l’exercent.

Dougenie Michelle Archille


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