Yvonne Sylvain est née le 28 juin 1907 à Port-au-Prince, sous le gouvernement de Nord Alexis, dans un contexte d’après crise politique, pendant la période de l’entre deux guerres. Elle est la fille de deux défenseurs des droits humains, son père n’est autre que l’écrivain Georges Sylvain, farouche opposant à l’occupation américaine d’Haïti et sa mère, Eugénie Mallebranche , défensure de la cause des haïtiennes contre les violences sexuelles sous l’occupation américaine de 1915.
Yvonne Sylvain fut une activiste et militante féministe membre de la première organisation féministe haïtienne, La ligue Féministe d’action Sociale (LFAS). Au début de sa vie Yvonne s’intéressait à l’art, la sculpture, la critique littéraire, la peinture et à l’instruction jusqu’à ce qu’elle se sente impuissante face à la mort de sa mère ce qui la poussa à se tourner vers la médecine.
Dans un premier temps, elle a fait des études à l’école normale d’institutrice, avant de se diriger à l’âge de 28 ans vers la faculté de médecine où elle sera la première femme à y être admise. En 1940, elle décroche son diplôme de Médecin. Puis elle obtient une bourse d’études de perfectionnement du bureau sanitaire interaméricain et une admission à la Medical School de la Columbia University, où elle se spécialise en obstétrique et en gynécologie.
À son retour au pays, elle enseigna à la Faculté de Médecine de Port-au-Prince et travailla comme obstétricienne-gynécologue à l’hôpital général de Port-au-Prince (actuel Hôpital de l’Université d’État d’Haïti).
Pendant la période de la dictature de Duvalier père, ellefut exilée pendant 12 ans. Pendant ce temps, Yvonne Sylvain exerca la fonction de déléguée en Santé Génétique pour l’organisation mondiale de la santé. Et fait profiter divers pays dont le Sénégal et le Costa Rica de ses expertises en médecine.
Yvonne Sylvain a écrit plusieurs articles qui sont publiés dans le journal haïtien La Voix des femmes et d’autres revues scientifiques sur la condition sanitaire haïtienne. Elle est aussi l’auteure de « Mortalité infantile », un essai statistique tiré des registres de la section maternité de l’hôpital général de Port-au-Prince. Membre de la Ligue Haïtienne contre le Cancer, elle a participé à l’introduction du test qui permet de dépister le cancer du col de l’utérus en Haïti, le PAP test ou test de Papanicolaou. Et elle a instauré l’administration des anesthésies péridurales dans les maternités haïtiennes. Elle fait aussi partie des membres fondateurs de l’hôpital de la communauté haïtienne située à la route de frère.
Yvonne Sylvain, vice-présidente de la fondation haïtienne de la santé et de l’éducation, est originaire d’une famille de tradition intellectuelle très remarquable. En effet Sa grande Sœur Madeleine Sylvain Bouchereau est l’initiatrice de la première organisation féministe haïtienne. La « Ligue Féminine d’Action Sociale » qui est fondée en 1934. Et sa sœur Suzanne Comhaire-Sylvain est connue comme première femme anthropologue en Haïti. Elle est aussi la nièce du cofondateur du panafricanisme Bénito Sylvain, et la sœur du poète Normil Sylvain (1900-1929), le fondateur de la revue indigène.
Après avoir mis un point d’honneur à servir sa communaute, Yvonne Sylvain meurt le 03 octobre 1989, à l’âge de 82 ans. Plus de quinze ans après sa mort, soit en avril 2005 l’Association médicale haïtienne (AMH) l’honore à titre posthume, lors de leur 54ème congrès annuel pour ses contributions à la médecine haïtienne. En effet, c’est son apport au domaine médical plus particulièrement à l’obstétrique et à la gynécologie qui lui a valu sa renommée. Le 14 juin 2022, L’institut Français en Haïti au moyen du verbe de la militante féministe Gabrielle Jovania Pierre a mis les projecteurs sur elle en tant que la première femme médecin en Haïti dans le cadre de la cinquième épisode sa web série intitulée « Bio-Raconté ». Bio-racontée est une web-série lancée par L’institut Français en Haïti (IFH) en mars 2022. Le concept est assez simple. Dans une courte vidéo, la biographie d’une personnalité illustre défunte est racontée. D’où le nom « Bio-racontée ». La série garde les disparu.e.s dans nos mémoires en contant leur histoire et les accomplissements qu’ils et elles ont réalisé.e.s.
Gardons en mémoire, qu’en franchissant la première le plafond de verre qui les contraignait à exercer des metiers considérés comme peu convenables aux femmes de son époque, Yvonne Sylvain a permis aux jeunes femmes haïtiennes de pouvoir se projeter en tant que médecin.
Thara Layna Marucheka Saint Hilaire
