Nina Yasmina Bouraoui, est une écrivaine française née le 31 juillet 1967 à Rennes d’un père algérien et d’une mère bretonne. Elle a plus d’une dizaine d’œuvres publiées à son actif. Elle est commandeure de l’ordre des Arts et des Lettres et ses romans sont traduits dans une quinzaine de langues. Son roman Otages a reçu le prix Anaïs Nin en 2020.
À l’origine Otages était une pièce de théâtre écrite pour le Paris des Femmes en 2015, festival français dédié aux autrices féminines. Compte tenu de sa réception et de son impact, l’autrice a décidé de le convertir en roman pour atteindre un plus grand public sur une longue durée, le roman n’est-ce pas le genre le plus propice et populaire pour délivrer un message adéquat à un public contemporain plus large et plus réceptif ? Le pari fut gagné car le roman Otages reçu le prix Anaïs Nin 2020 l’année de sa première publication. Les thèmes abordés dans le livre ressemblent à un manifeste décrié et poignant sur la violence et toutes ses formes en particulier celles que subissent les femmes durant leur existence en tant que « sexe faible » au sein de la société : viol, harcèlement au travail, violences économique et sociale, etc.
Comment une simple mère de famille de 53 ans sans aucun antécédent judiciaire devient-elle une criminelle ? La vie de Sylvie Meyer bouscule en sourd éclat quand dans un premier temps son mari se sépare d’elle sans crier gare après 25 ans de mariage : Un beau matin, il s’est réveillé et il a dit « Je m’en vais ». Elle n’a pas réagi, ni pour demander des explications ni pour lutter pour son couple, elle avait déjà baissé les bras dans le lourd silence de leur quotidien car elle n’a pas appris à lutter pour son amour. Ils étaient tous les deux otages d’un mariage malheureux. Ce que Sylvie détestait entre autres par-dessus tout, c’était son job ; En particulier, Andrieu, son patron oppresseur et condescendant qui l’a enfoncée encore plus dans sa fragilité muette depuis sa récente séparation avec son conjoint, en lui confiant l’ignoble tâche de licencier les maillons faibles de l’entreprise Cagex sous prétexte de la faillite, alors qu’elle y travaille depuis plus de vingt ans et que la situation n’est pas si alarmante que ça. Au début, elle accomplit et embrasse sa tâche en mettant de côté son état d’âme en pensant à l’avenir de ses deux fils, son emploi c’est tout ce qui lui reste après l’échec de son mariage. Mais cédant sous la pression de sa conscience et de son patron qui devenait de plus en plus agressif et exigeant à propos de sa mission, Sylvie a craqué, elle en avait marre d’avoir peur, elle séquestra son patron toute une nuit dans son bureau la menaçant d’un couteau dans le silence le plus vengeur et plus effrayant qui soit sans lui donner la moindre explication. Voulant trouver une issue et dépasser par les événements, ce dernier proposa de tout oublier et de ne pas porter plainte si son bras droit et fidèle employée la relâchait enfin. Sylvie s’en alla chez elle en pensant qu’elle était tirée d’affaire et pourtant avant l’aube deux policiers vinrent frapper à sa porte pour l’emmener en garde à vue. Une seule action amena, l’irréparable. Et pourtant, une fois derrière les barreaux dans cette sombre cellule de prison, cette dernière a trouvé un souffle de liberté troublant, il n’y a plus de pressions, elle n’est plus une otage de son quotidien, enfin du temps à soi pour faire le compte. Elle écrit une longue lettre à son mari pour vider enfin son sac, se rappelle de son agression à 15 ans par un homme de 35 ans dont elle admirait et était amoureuse. Toutes ces couches de violences qui étaient restées enfouis en elle et se sont effeuillées petit à petit. Elle s’affirme enfin même si c’est dans un cadre qu’elle n’aurait pas souhaité.
Sarita C. Pierre*