Vers son autonomie

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“La grande ambition des femmes est d’inspirer de l’amour”. Molière, eût-il raison, que de silencieuses plaintes s’élevaient déjà vers la voûte céleste, aux prémices d’une existence au féminin. Elles ne couraient pas après l’amour, non: elles aspiraient plutôt à la quiétude du vécu, l’ambition à la Vie. À leurs premiers cris s’associaient déjà les remous d’une société profondément marginale.

La violence contre les femmes demeure l’une des formes de sévices les plus dévastatrices, indifféremment sur le plan physique, psychologique ou sexuel. Et dès lors que ce fléau s’appropriait l’intellect humain, il était à se demander s’il était plus aisé de s’y soustraire ou d’abdiquer.

Il n’est pas anodin, mais conditionné de manière préétablie, qu’une femme ne soit réduite à n’être que le “sexe faible”. En effet, dès les premiers instants de sa vie, il aurait fallu qu’elle soit douce, débonnaire, déférente au possible. En grandissant, elle ne rêve que du “Prince charmant”. Quoi de plus normal, lorsque les étagères de sa bibliothèque croule sous la charge de romans d’amour, exclusivement de romans d’amour, et qu’à défaut de lecture, elle se complaît devant des animations débutant invariablement par l’illustre “Il était une fois”, pour aboutir à la formule inchangée “Ils vécurent heureux pour toujours”, animations durant lesquelles le sexe féminin n’a d’autres alternatives que servir d’appât aux exploits du typique héros masculin?

Plus tard, elle saura que la vie n’est un conte ni de fées, ni de princesses, et encore moins de blancs destriers. Est-elle croyante qu’on lui prêchera d’être “soumise à son mari”. Est-elle athlète qu’on lui fera des remarques du genre: “Tu es douée, pour une fille!”. Est-elle d’une famille bornée qu’elle servira de souffre-douleur aux tuteurs, et recevra une pseudo éducation côtoyant étroitement les limites de l’illetrisme.

Sera t-elle donc excisée, harcelée, violée, mariée précocement, exploitée sexuellement?

Faible de tout cela car déjà modelée par ce sinistre cheminement, engagée parfois involontairement dans une union maritale, elle est humiliée à longueur de journée, maltraitée, cachant des bleus sous son plus beau sourire. Son mari reviendra bien tôt ou tard. Après tout, il l’aime, non? Et cette gerbe de fleurs qu’il apporte est bel et bien sienne. Il ne recommencera plus. Cela lui… passera.

Mais des années après, cela ne lui est jamais passé. Le cercle vicieux se réitère à l’infini. Son quotidien, désormais, n’est ponctué que de coups assenés, de l’attente des suivants, et d’orchidées de la couleur des ecchymoses qui lui maculent trop souvent le corps.

Osera t-elle donc, enfin, défier son bourreau, passant outre du qu’en-dira-t-on? Portera t-elle plainte? Aura t-elle la justice qu’elle espère depuis si longtemps?

Des femmes et des filles sont constamment victimes du déni de justice. Selon l’ONU, 20% des femmes et des filles de quinze à quarante-neuf ans ont subi des violences physiques, sexuelles, en douze mois, par un partenaire intime; Sept cent cinquante millions de femmes et de filles ont été mariées avant dix-huit ans; deux cents millions ont subi des mutilations génitales féminines, et quarante-neuf pays ne disposent toujours pas de lois protégeant les femmes contre les violences domestiques.

Des textes internationaux tentent aujourd’hui d’offrir un support juridique et de pallier les défaillances. La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes est entrée en vigueur en 1981; La Convention interaméricaine sur la prévention, la sanction et l’élimination de la violence contre la femme est entrée en vigueur en 1995; Le Protocole de la charte africaine des droits de l’Homme et des peuples, relatif aux droits de la Femme en Afrique, est entré en vigueur en 2005.

De nos jours, des femmes et des filles parlent, dénoncent, se libèrent du joug de leurs tortionnaires. Elles sont éduquées, libres du choix de leur avenir. Mais, plus encore, faudrait-il qu’elles se sentent aidées et estimées afin de constituer la nouvelle nitescence du lendemain féminin.

Taïna Fleury

Deuxième gagnante
Concours de plaidoirie de @Conversations Essenti’Elles

Décembre 2020


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