Créée en 2022, Ti Sèm est une association haïtienne évoluant dans l’Ouest et le Sud du pays et dédiée à l’accompagnement des jeunes filles et jeunes femmes en situation de grossesse précoce et d’exclusion sociale. Portée par une mission profondément humaine, l’organisation s’engage à « lutter contre la stigmatisation, accompagner ces jeunes mamans vers l’autonomie et promouvoir leur inclusion dans la société », explique sa fondatrice, Étienne Marie Wadlène.
L’idée de Ti Sèm est née d’une observation frappante. « J’ai vu trop de fillettes que je connaissais devenir mères avant leur majorité », raconte Wadlène. Face à ce constat, elle a voulu créer un espace de soutien et de reconstruction. « Il fallait briser ce cycle pour réduire le taux d’enfants-parents et le cercle de la pauvreté. Ces jeunes filles, souvent encore des enfants elles-mêmes, méritent notre soutien, notre empathie et notre compréhension. »
Le nom Ti Sèm – qui évoque une « petite sœur »- incarne la philosophie même de l’association : la sororité, la proximité et l’accompagnement dans la durée.
« Nous ne sommes pas simplement une organisation d’aide, mais une famille solidaire où chaque jeune mère trouve une sœur aînée qui la guide, l’écoute et la soutient », affirme la fondatrice.
L’association se positionne donc comme un véritable réseau de femmes solidaires, convaincues qu’aucune jeune mère ne devrait affronter seule ses défis.
Les jeunes mères en Haïti affrontent une accumulation d’obstacles : abandon scolaire, pauvreté extrême, rejet social, manque de soins médicaux et isolement psychologique. Selon Ti Sèm, près de 75 % d’entre elles quittent l’école sans jamais y retourner, et la majorité vit avec moins de deux dollars par jour.
« Elles subissent une double stigmatisation : comme jeunes femmes et comme mères précoces », déplore Wadlène.
Pour répondre à ces défis, Ti Sèm adopte une approche holistique : formations professionnelles (couture, coiffure, transformation alimentaire), accompagnement psychosocial, microcrédits, ateliers sur la santé et la parentalité, parrainage d’enfants et bourses scolaires.
Des histoires de transformation
Depuis sa création, l’association a accompagné 107 jeunes femmes à travers ses programmes.
« Derrière ces chiffres, il y a 107 histoires de transformation », confie Wadlène avec émotion.
Certaines sont devenues entrepreneures, d’autres ont repris leurs études, et toutes témoignent d’un regain de confiance et d’estime de soi.
C’est le cas par exemple de Fabienne, devenue mère à 13 ans : « Grâce à son courage et à notre accompagnement, elle a pu retourner à l’école tout en prenant soin de son enfant. Elle incarne cette jeunesse haïtienne résiliente qui refuse de renoncer à ses rêves. »
Malgré son impact, Ti Sèm évolue dans un contexte national difficile. L’insécurité, la précarité financière et le manque d’infrastructures freinent le développement de ses programmes. « Pour chaque jeune mère que nous accompagnons, plusieurs autres sont sur liste d’attente », regrette la fondatrice.
La recherche de fonds stables et la sécurité des zones d’intervention restent parmi les plus grands défis de l’organisation.
À court terme, Ti Sèm vise à atteindre 300 bénéficiaires d’ici 2026. À plus long terme, l’association rêve de bâtir un centre d’autonomisation complet avec hébergement et espace d’accueil pour les enfants.
Mais au-delà des chiffres, Wadlène porte une vision claire :
«Nous rêvons d’une Haïti où une grossesse précoce n’est plus un frein à l’épanouissement, mais simplement une étape de vie. Une société où chaque jeune mère a l’accès à l’éducation, à la santé et des opportunités économiques ».
Darline Honoré