Taïna Tranquille est l’auteure du livre, “Les petites chaussures rouges”, paru chez Legs Editions, en 2016. Depuis son intégration au staff de la Bibliothèque Nationale d’Haïti, elle ne cesse de mener un plaidoyer pour encourager la lecture chez les enfants en bas-âge et les adolescent.es. Dans ce papier, le parcours et les aspirations de l’ancienne étudiante Faculté des Sciences Humaines de l’Université d’Etat d’Haïti sont passés au peigne fin.
TaïnaTranquille n’avait pas encore bouclé ses études en service social au sein de l’UEH, lorsqu’elle a rejoint le staff de la Bibliothèque Nationale d’Haïti, en 2010. Dorénavant, elle est responsable en chef de la section enfantine, qui n’était plus effective avant son arrivée. Le tremblement de terre avait tout chamboulé lors de son passage. De là étant, elle a reçu une formation pour pouvoir y travailler et a aussi suivi une formation en bibliothèque, en Guadeloupe avec l’Association des Bibliothécaires de France. D’après ses explications, la section implique le prêt à domicile de livres de lectures, l’organisation de camps d’été tant à Port-au-Prince que dans les annexes des villes de province, des activités périodiques à certaines dates-clés comme à l’occasion du 2 avril, journée internationale de la littérature jeunesse. Cela implique aussi de proposer un calendrier culturel, des activités orientées petite enfance et jeunes ados. À côté de cela, il faut s’engager dans toutes les autres activités que fait la bibliothèque, comme les expositions en y intégrant des livres jeunesse qui parlent du sujet de l’exposition s’il y en a.
C’est une tâche qui n’est pas de tout repos pour la jeune fonctionnaire qui doit aussi se former continuellement, pour être à la page des dernières avancées qui se font dans les bibliothèques. Compte tenu de l’insécurité, la section enfantine de la centrale à la rue du centre n’est plus opérationnelle. “Cependant dans les annexes, nous continuons à recevoir les enfants et à organiser des activités à leurs intentions. Nous avons organisé récemment dans le réseau d’annexes, à l’occasion du 2 avril dernier, la semaine des enfants de la BNH”. Pratique qui s’étale sur plusieurs décennies, la lecture a toujours tenu une place de choix dans toutes les sociétés. Taïna Tranquille croit de nos jours, à l’ère du numérique, il est peut-être plus simple de passer par d’autres moyens pour obtenir les informations dont on a besoin. Il existe les livres audio et des vidéos tutoriels qui expliquent en détails par exemple, comment réparer un bug sur son ordinateur. Néanmoins les raisons pour lesquelles, il est capital d’encourager la lecture sont multiples. “La lecture permet d’avoir une pensée plus claire et donc d’être mieux compris.e, entendu.e. La lecture est fondamentale, car elle est la compétence de base, le passage obligé pour accéder aux autres connaissances”. Ce travail est pour cette dernière un sacerdoce.
La lecture, un stimulus pour le cerveau revêt une importance capitale dans le développement personnel. Débuter avec, le plus tôt que possible est un bénéfice. Pour Taïna Tranquille, la littérature jeunesse est essentielle pour les enfants en bas-âge. “À cet âge-là, le livre fabriqué pour être mordu, plié et même mis dans le bain (les livres en plastique) est considéré par l’enfant comme un jouet même si ce même livre contient des images et du texte qui vont être lus par l’adulte (on lit aussi les images), ce qui va faciliter l’acquisition du langage et développer la capacité d’écoute et de concentration de l’enfant”, défend-elle. Ainsi, l’appropriation de ce jouet qui peut aussi être lu constitue une porte d’entrée vers la lecture personnelle en grandissant puisque, l’enfant n’oublie jamais les habitudes acquises en bas-âge. “L’enfant qui s’habitue très tôt au livre sera toujours intéressé par celui-ci pour le reste de sa vie comme l’a dit Rolande Causse « Qui lit petit lit toute la vie »”, poursuit-elle. Une démarche noble dont les petit.es ne sont les seul.esconcerné.es.
Selon son constat dans le pays, la grande majorité des parents ne connaissent pas l’importance de la lecture des ouvrages non scolaires, et que la grande majorité ne dispose pas également de budget pour en acquérir pour leurs enfants. De ce fait, l’école a un rôle de choix à jouer à ce niveau. “Elles devraient mettre des livres à disposition des enfants pour le prêt a domicile et également organiser des activités autour du livre à l’intention des élèves comme des clubs de lecture, des cours de théâtre, des rallyes lecture, autant activités que leur imagination leur donnerait d’inventer pour favoriser le lien entre l’élève et le livre”. Toutefois, il existe d’autres acteurs qui pourraient promouvoir à une plus grande echelle la littérature jeunesse.
“Le premier acteur impliqué dans ce changement demeure à coup sûr l’état à travers les ministères de l’éducation nationale et de la culture. Cependant en élargissant le cadre nous retrouvons tous les chargés d’éducation que ce soient les enseignant.es, de la maternelle à l’université”, élabore-t-elle. Sur la même lancée, elle argue que chaque citoyen devrait faire sa part des choses dans cette lutte. Une fois que ces initiatives sont prises, beaucoup d’autres suivront et seront tour à tour plus originales les unes que les autres. “J’ajouterais volontiers que chaque citoyen a son rôle à jouer pour la démocratisation réelle de la lecture publique en demandant de créer ou en créant des bibliothèques publiques, scolaires dans leurs communes ou leurs quartiers. Ils peuvent commencer avec le nombre de livres qu’ils ont, à créer des activités en faveur des enfants avec qui, ils sont en interaction”, soutient-elle. Selon ses conseils, Il faut peu pour commencer, seulement du courage. Et ce sont toujours des initiatives qui paient en somme d’expériences.
La travailleuse sociale étudie actuellement l’histoire et l’évolution de la littérature jeunesse haïtienne ainsi que l’histoire et l’évolution de la lecture publique et des bibliothèques en Haïti. Fan de Gary Victor, de la Comtesse de Ségur, d’Enid Blyton. Que ce soit pour son travail ou pour son plaisir personnel et celui de ses enfants et d’autres enfants de son entourage, Taïna Tranquille affirme ressentir un plaisir incommensurable à lire de la littérature jeunesse. Passionnée depuis son enfance, Taïna Tranquille, dans ses écrits à l’intention des enfants et des ados dit chercher toujours à y laisser filtrer des leçons de vie. D’ailleurs, elle suggère aux auteur.es comme elle de cette catégorie de se pencher davantage sur un thème comme la confiance en soi, afin que les jeunes lecteur-ices puissent rêver d’un monde meilleur.
Shylene Prempin