Une chambre à soi est un livre de l’autrice anglaise Virginia Woolf paru en 1929. Il s’agit à la base d’un pamphlet qu’elle partage dans le cadre d’une conférence sur le féminisme qu’elle a dispensée aux étudiantes de l’Université de Cambridge. Une chambre à soi est un livre dont les thématiques sont aujourd’hui encore d’actualité. En effet, l’autrice questionne la place des femmes dans la création littéraire et artistique. Elle y affirme la nécessité pour ces dernières d’accéder à une indépendance économique, mais aussi à un espace de création personnelle afin de pouvoir créer et ce, librement. Luxe qu’elles ne peuvent souvent pas se payer. Elle y parle aussi du talent qui, d’après elle, serait un point de départ commun à la création littéraire mais qui serait insuffisant face à la division genrée de la société qui bride la production des femmes.
Une chambre à soi analyse avec une grande clairvoyance l’argument des hommes qui tiennent que la littérature ne compte pas de classiques écrits par des femmes. Si elle analyse la production de son époque et de son pays, ses arguments sont aussi valables de manière plus générale. À titre d’exemple, aujourd’hui encore la littérature haïtienne enseignée à l’école prend soin de ne laisser apparaître que quelques noms de femmes et encore, il faut attendre le chapitre sur la littérature contemporaine avant que les enseignants les plus passionnés daignent en parler. Virginia revient sur les conditions de la création qu’elle soit littéraire ou artistique et pointe les inégalités présentes dans la genèse même de cet acte. Si dans son livre elle parle clairement des inegalités de genre, une lecture intersectionelle est possible du livre car, la littérature du monde non occidentale, en particulier quand elle est produite par des femmes, est largement moins lu moins vendus et ces dernières sont beaucoup moins publiés que leur collègues masculins, blancs, occidentaux. Un bref coup d’œil dans la liste annuelle des auteurs en signature à livre en folie montre bien la sous représentation des femmes créatrices. Elles n’écrivent pourtant pas moins que les hommes. Et quand nous nous intéressons aux grands prix littéraires, il est évident que les femmes racisées n’occupent qu’une toute petite place.
L’autrice pose les bases de l’analyse de l’invisibilisation du travail des femmes. Pour celles et ceux qui ont lus le textes, l’un des passages les plus connus et qui résume bien la démarche du livre est l’hypothèse de la soeur de shakespeare qui, si elle avait existé et eut été aussi talentueuse que le dramaturge, n’aurait quand même pas pu atteindre la célébrité et la reconnaissance de son frère du fait des conditions matérielles et sociales qui lui eut entravé le chemin.
Virginia Woolf y parle aussi de la critique et du rôle non négligeable de ces derniers -car se sont pratiquement tous des hommes- à balayer d’un revers de main le travail des autrice alors qu’à contrario ils louent celui de leurs compères. Pour en revenir à l’exemple que nous connaissons le mieux, aujourd’hui encore avec une histoire littéraire longue de plus de 200 ans, il n’y a que très peu de femmes critiques et tout aussi peu de critiques ou de travaux intellectuels et académiques sur la production des créatrices haitiennes.
Quoi qu’il faille replacer Une chambre à soi dans son temps, il reste d’actualité dans le regard qu’il porte sur un système délibérément oppressif pour les personnes sexisées dans l’acces à la culture et dans la liberté pour ces dernières de créer et de voir leur travail diffusé, critiqué et entré dans la postérité.
Melissa Béralus