Solidarité Noailles/Nway Kanpe :  une initiative louable

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L’ambassade d’Espagne en Haiti a réalisé en collaboration avec la Fondation AfricAmerica et l’Association des artistes et artisans de la Croix des Bouquets (Adaac) une foire dénommée: Solidarité Noailles/Nway Kanpe, le mardi 17 et le mercredi 18 mai 2022. Ce, en vue de soutenir les artistes de Noailles et aider à sauvegarder ce pan important du patrimoine culturel matériel haïtien.

Les œuvres géantes et debout installées sur le gazon jetaient les visiteurs d’emblée dans l’émerveillement. Comme le bœuf aux cornes récupérés, le poisson tournant et d’autres animaux faits de métal. La zone du fond de l’hôtel El Rancho était fleuri de fers découpés, égaillé par un embrasement multicolore.

Les artistes et les artisan.e.ss, pendant ces deux jours, ont offert des élans artistiques des plus inouïs aux regardeurs. Au fil d’une vingtaine de tables on était happé.e_ comme à chaque fois que ces artistes exposent_ par l’intelligence d’une approche. Eberlué-e par la grâce d’un geste. Touché-e, somme toute, par un morceau du don.

Le fer, chez les artistes de Noailles n’a jamais rien d’une image de dureté ou de froid. C’est la métaphore d’âmes qui s’offrent d’étonnements admiratifs. Un public peu nombreux, mais visiblement friand d’art a fait le déplacement pour venir visiter l’exposition et se procurer quelques oeuvres d’art. Les artistes emballaient les pièces achetées, partageaient un petit mot avec le client pour se quitter avec un sourire. Certain.e.s échangeaient quelques mots avec un-e artiste sur son travail pour, à un moment donné, laisser place au silence. Se laisser questionner par la force de l’œuvre devant laquelle il/elle se trouvait.

On pouvait remarquer la présence de de deux femmes artistes. J’ai eu l’occasion de m’entretenir avec l’une d’entre elles, Marie Guerlande Ballant, qui a bien voulu partager son histoire avec le village des Noailles.

« J’ai grandi au Village des Noailles, à la Croix des Bouquets. J’ai grandi entourée de mes frères et sœurs aîné-e-s, qui pratiquaient le métier du fer découpé. J’ai développé du goût pour cet art, je me le suis petit à petit appropriée ». Cette jeune femme fluette et mère de deux garçons, propose des pièces à tailles variées et extraordinaires. Sur sa table, pas très grande mais bien rangée, s’expose un bel univers avec lequel le visiteur est invité à flirter. Tout porte à rêver. Mais ce sont ses objets les plus menus qui m’ont arraché le plus d’émotions : ses chenilles, ses papillons et tout ce qui vole sous son burin et son marteau.

Guerlande s’est mise à travailler à son compte personnel, il y a une quinzaine d’années, a-t-elle confié à l’agence Mus’elles.

Son travail lui a valu de fouler quelques sols du monde : elle a été exposée entre autres, en Espagne et en Colombie où elle a bénéficié d’une assez belle réception.

« J’ai été très bien accueillie dans ces pays-là. Ça m’a encouragée davantage à continuer ma création, a-t-elle affirmé »

Grâce au travail du métal découpé, Guerlande dit arriver à faire vivre sa famille, dont ses deux garçons de 14 et 9 ans déjà initiés dans ce métier.

« Je vends mes pièces pour pouvoir vivre et faire vivre ma famille, mais  je suis aidée aussi »

Pour les deux jours de la foire à El Rancho, elle a dit n’avoir pas vendu grand-chose.

« Il n’y a pas vraiment de vente, mais je suis honorée d’avoir été choisie comme femme pour être là », nous a-t-elle dit, pas sans un petit sourire.

De l’impossibilité pour les artistes de travailler comme d’habitude au Village Noailles

Depuis que s’est installé le gang des « 400 Mowozo » à la Croix des Bouquets, les artistes comme les habitants de cette zone ont le sommeil troublé et ne sont pas maîtres de leur mouvement. L’artiste Guerlande n’est pas en reste. Elle paie, impuissante, les contrecoups des exactions des bandits. Elle souhaite y voir revenir la paix pour qu’elle puisse continuer à exercer son travail et recevoir les visiteurs et les acheteurs qui, pris de peur, désertent depuis quelque temps.

« Les gens ne peuvent plus venir au Village. Depuis que ces troubles prévalent dans la zone, nous sommes censé.e.s à la merci de quelques occasions pour pouvoir installer nos produits et les vendre »

« Nous travaillons, mais sommes obligé.e.s après de tout mettre en boite pour attendre qu’on nous appelle pour des activités comme des foires, par exemple »

Guerlande nourrit des projets de créations. Toutefois, elle se trouve la plupart du temps coincée à cause des produits qui n’arrêtent pas de grimper.

« J’ai des idées, mais le coût du matériau parfois fait problème. La main-d’œuvre aussi a augmenté »

Adlyne Bonhomme


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