Wislow Nitza Carmela Cavalier, étudiante en lettres, animatrice de radio et metteure en scène vient de remporter le prix « Jeune Écrivain Guyanais 2020 », un concours tenu tous les deux ans par l’Université de Guyane. Sa nouvelle ,« Le corps d’une amérindienne » qui lui a valu cette distinction ce lundi 22 juin , retrace l’histoire des amérindiens, peuple qui considérait leur corps comme « un langage non-verbal qui leur permet de communiquer avec le monde », pour répéter ses mots. Mus’Elles vous propose de découvrir l’univers enrichissant de celle qui vient d’ajouter des étincelles à la littérature caribéenne.
Mus’Elles : D’abord, si vous deviez vous présenter, ça donnerait quoi ?
Nitza Cavalier : Ça donnerait une belle phrase nominale pour débuter : « Winslow Nitza Carmela Cavalier » ! S’ajouteront bien entendu, mes études, ma famille, mon entourage, mes passions, etc…Alors, c’est simple, je suis étudiante en Lettres à l’Université de Guyane. Je vis avec ma famille, mes deux sœurs et ma mère. Et pour finir, je dirais que je suis une passionnée de tout ce qui est artistique.
Mus’Elles : « Le corps d’une amérindienne » ça sonne bien. Pourquoi ce titre ?
Nitza Cavalier : La thématique du concours était « mémoire(s) ». Au début, je savais que c’était une nouvelle pimentée d’histoires que je voulais écrire, mais le contenu n’était pas encore clair dans ma tête. Je m’étais dite qu’il me faut un sujet propre à la Guyane et qui pourrait porter un message. Guyane est un pays qui héberge plusieurs communautés ; J’ai laissé défiler toutes les communautés qui s’y trouvent dans mes pensées. Et, en pensant aux amérindiens, j’ai ressenti que c’est de leur histoire que je devrais parler. Une sensation que je ne peux pas expliquer.
L’histoire fait partie du corps de la personne qui le vit. Ça tombait bien, Les amérindiens/amérindiennes portent une singulière attention à leur corps, parce que surtout tout ce qui se trouve sur ce corps constitue un langage non-verbal qui leur permet de communiquer avec le monde. Cette communauté a dû vivre le pire dans le passé, certainement, leur corps était le premier à être touché, à être affecté. Leur corps porte en effet toutes les marques de la légende amérindienne. Alors j’ai pensé que ce serait intéressant de transformer le corps d’une jeune femme amérindienne en un bouquin d’histoire pour raconter les mémoires de ce peuple.
Mus’Elles : Que souligne précisément votre texte, le fil de l’histoire qui y est racontée ?
Nitza Cavalier : Le texte parle d’une jeune amérindienne qui porte l’histoire de son peuple sur son corps. Chaque partie de son corps est parsemée de tatouages ou de cicatrices, représentant des douleurs du passé ou certains rituels traditionnels. Elle ne parle jamais et garde ses douleurs enfouies en elle. Le Fleuve du Maroni est son espace intime, un espace qui d’ailleurs est témoin de sa rencontre avec un jeune bushiningué. Ce dernier l’invita à extérioriser son histoire. Comme pour dire que l’histoire est faite pour être racontée…Je souligne que le peuple amérindien a une histoire presqu’étouffée. La jeune femme représente ce peuple, le jeune bushiningué, le partage d’un passé commun et le fleuve du Maroni, une frontière qui a permis la rencontre de ces deux peuples.
Mus’Elles : Qu’est-ce que ce prix révèle en vous, compte tenu de votre rapport privilégié avec la littérature écrite ?
Nitza Cavalier : Je pratique l’écriture depuis un bon moment. Néanmoins, ce n’est qu’en 2016, que j’ai commencé à rendre public mes écrits…Gagner ce prix, c’est comme une estime, je peux dire. Je suis heureuse, c’est toujours sympa de gagner. Cependant je sens que je dois faire beaucoup d’efforts pour me perfectionner. Cela devient une responsabilité.
Mus’Elles : Pourquoi écrivez-vous et quels sont les auteurs qui vous inspirent ?
Nitza Cavalier : Je n’ai pas de raison précise. Je le fais parce que je sens que je suis capable de le faire. Si j’en suis capable, autant me perfectionner. D’autant plus, l’écriture me permet de peindre tout ce qui se passe au fond de mon âme. Je ne suis pas peintre. Vaut mieux utiliser les mots comme peinture et mettre des couleurs dans ma vie. Quant aux auteurs, il y a Nietzsche parce qu’il partage avec moi toute son âme. Il a une façon d’entremêler la spiritualité et la raison qui me fascine. Je ne vais pas dire que je veux être comme lui mais il m’inspire beaucoup. Il est celui qui m’inspire de l’espoir. Il est celui qui m’a inspiré quand j’écrivais mon monologue « J’écris avec du sang », un texte douloureux mais rempli d’espoir. Des auteurs tels Gary Victor, Lyonel Trouillot, Marie-Vieux Chauvet, m’inspirent également.
Mus’Elles : Qu’est-ce qu’on peut espérer de vous ?
Nitza Cavalier : Il faut espérer une Nitza qui ne lâchera devant rien. Qui fera tout pour se perfectionner dans tout ce qu’elle fait. Qui fera en sorte que ses créations soient innovatrices et utiles.
Propos recueillis par Adlyne Bonhomme