Mikerline Guerrier est une ancienne étudiante en psychologie à la faculté d’ethnologie, qui pratique le crochet depuis plus de cinq ans. Survenue au moment idéal, sa rencontre avec l’artisanat, a abouti depuis à une relation fusionnelle. Et pas pour rien. C’est devenu un ami, un compagnon, une échappatoire face à l’angoisse, la dépression…
Savez-vous qu’une œuvre qui saute aux yeux par sa beauté pourrait être née d’un sombre moment, d’un souvenir au gout âcre ? Pouvez-vous croire qu’une simple activité pratiquée dans le but de chasser l’ennui pourrait servir de tatouage pour dissimuler certaines cicatrices ? C’est bien l’histoire de Mikerline Guerrier avec ses créations artisanales généralement de style jamaïcain. Dans son cas, la cicatrice a été la perte de sa meilleure amie. Plongée dans la dépression, la jeune fille n’a pas refusé la main de l’artisanat qui était venu lui remonter le moral. En dépit de l’état inconsolable dans lequel elle se retrouvait, elle n’a pas hésité à agréer la demande de l’aiguille et du fil de sa mère qui voulaient qu’elle les manipule. Depuis, elle ne regrette jamais son choix de se livrer dans ce domaine qui est devenu sa principale passion. « Metye sa ede m rete vivan, m pasyone, se tout vi m. » déclare la jeune artisane dans une entrevue qu’elle nous a accordée.
Dans cette même entrevue, l’ancienne étudiante de la faculté d’ethnologie nous a confié que ce métier ne lui rapporte pas beaucoup d’argent mais il lui permet de rester positive et de développer son sens de créativité. Ce qui la motive de se donner à fond dans la réalisation de chacune de ses œuvres. Si nous n’arrivons à voir que la beauté des articles artisanaux, pour Mikerline Guerrier le métier va au-delà de nos perceptions visuelles
: « Pou mwen reyalize kwochè ale pi lwen pase sa je nou ka ban nou, se yon fòm rezistans. » D’ailleurs, résister c’est ce que fait au quotidien notre artisane en étant actuellement dans un pays autre que le sien. Affectée par les problèmes socioéconomiques d’Haïti, elle fait partie du flot de jeunes qui se réfugient en République Dominicaine en quête d’une vie meilleure. Cependant, même en faisant de petits commerces pour gagner sa vie, la jeune femme de 26 ans ne souhaite pas abandonner son métier de cœur. Son meilleur moment c’est quand on sollicite son service, quand on commande un de ses produits. Le sentiment de pouvoir satisfaire sa clientèle continue à faire sa fierté : « M santi m itil, chak fwa okazyon sa yo prezante se yon posibilite pou m pwouve kapasite m nan domèn nan […] envesti m. »
« M santi m itil, chak fwa okazyon sa yo prezante se yon posibilite pou m pwouve kapasite m nan domèn nan […] envesti m. »
Dotée d’un talent remarquable dans l’art artisanal, précisément le crochet, la jeune carrefouroise reconnait toutefois la contribution du programme « compassion internationale, le club HA-353 en particulier » dans l’apogée de cette aptitude chez elle. C’est en participant à ce programme ayant mis plusieurs métiers à disposition des jeunes et enfants qu’elle a appris à exercer l’artisanat en tant que tel. Cependant, la clientèle de la jeune travailleuse autonome ne dépasse pas encore le cercle de ses amis proches et familles. Ce qui ne l’affecte pas plus que lorsque d’autres rares personnes se procurent de ses produits tout simplement pour l’encourager, sans apprécier réellement son œuvre. C’est une sorte de dévalorisation que Mikerline Guerrier considère, à côté des hostilités souvent remarquées à l’encontre des tendances jamaïcaines, comme la plus grande difficulté à laquelle elle fait face dans l’exercice de son métier. « M ekspoze ak anpil prejije, […] li ta dwe plis pase sa paske sa m ap fè a bèl, li kreyatif… » En dépit de tout, l’artisane s’accroche encore plus fort à sa passion. Elle conseille aux jeunes de se renforcer, de s’investir dans ce qui leur plait tout en se laissant guider par la créativité qu’elle considère comme porteuse d’extraordinaires résultats.
En naviguant sur les réseaux sociaux, vous pouvez rencontrer cette jeune femme qui se livre dans une belle histoire d’amour avec le fil et l’aiguille, cette jeune femme dont la passion lui permet de considérer son métier d’artisane comme un moyen de survie plutôt mentale qu’économique. Mikerline GUERRIER, c’est là qu’elle expose ses produits en attendant qu’elle crée sa boutique. Y jeter un coup d’œil plus perçant vous permettrait peut-être de voir dans l’au-delà.
Fernide René