Le taux de femmes souffrant d’infections vaginales en Haïti pourrait être drastiquement réduit si les femmes et filles avaient un meilleur accès à l’eau potable. Ces propos de Richard Germain, gynécologue obstétricien pratiquant à Port au Prince mettent l’accent sur le problème crucial des infections vaginales, dont souffrent bon nombre d’Haïtiennes.
Dr Germain qui aujourd’hui recoit une dizaine de patientes par semaine confie que la plupart des femmes qui viennent le voir souffrent d’infections bénignes facilement traitables. Cependant, le manque d’informations et les différents tabous autour du corps de la femme poussent ces dernières à consulter à la dernière minute.
Rappelons qu’une infection même bénigne, si elle n’est pas traitée peut s’aggraver et devenir chronique. Il est normal pour les femmes de souffrir de petites infections, notamment à cause de la flore vaginale qui comporte des bactéries qui peuvent être à la base de ces infections.
L’accès à l’eau est un problème crucial dans le pays. Dans un article de la banque mondial mis en ligne en 2019, nous pouvons lire que l’inventaire national des infrastructures d’eau potable réalisé en 2017 montrait que dans l’Artibonite les taux d’accès à l’eau varient entre 7% et 74%, et dans la Grande Anse entre 0% et 55%.
Denrée rare et précieuse, si les femmes y ont aussi difficilement accès, c’est qu’au niveau des politiques publiques, elle est mal distribuée. Ce sésame crée des disparités visibles et néfastes. Dans l’Ouest du pays, le quartier de Carrefour feuilles en est un exemple concret. Virgil François qui habite le quartier depuis plusieurs années voyant dans le manque d’eau une aubaine, a lancé un commerce de douche publique. Le principe est simple, les habitants tout en haut de la montagne viennent prendre leur douche aux pieds de la montagne dans les douches publiques, contre 5 gourdes le saut d’eau, et 5 gourdes le morceau de savon.
Francois compte plusieurs femmes dans sa clientèle. S’il reconnaît que l’eau qu’il vend n’est pas potable, il affirme que cette dernière est “propre”.
« Dès que je reçois le camion, j’y verse un demi gallon de chlore, et tous les 6 mois je lave le réservoir. »
Face au problème, Fatima Noël qui a déjà souffert d’infections vaginales dans sa vie confie aujourd’hui n’utiliser que de l’eau qu’elle a par avance fait bouillir et distillé.
D’après Germain, l’eau bouillie est une très bonne alternative, en plus d’être peu onéreuse pour les femmes. Cependant il critique le laxisme de l’État par le biais du Ministère de la Santé publique qui ne forme et n’informe pas assez ni sur le problème, ni sur les possibles solutions comme l’eau bouillie.
C’est une question de santé publique autant que le Covid, ou le choléra. Quand vous regardez le profil des jeunes filles qui souffrent d’infections vaginales à répétition, ce sont celles qui viennent de quartiers populaires, donc celles qui ont le moins accès à l’eau potable, et aux soins de santé. C’est une illustration des inégalités sociales et c’est le rôle de l’État de combattre ces inégalités.
Melissa Béralus