Quelques problèmes soulevés dans L’enseignement de l’histoire de l’art du Ministère de l’Education Nationale

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Linda Duval vient d’avoir 18 ans, elle n’a jamais vu une oeuvre d’art en face de toute sa vie, elle n’a jamais mis les pieds dans un musée, alors qu’elle est passée par le moule du nouveau secondaire qui fait bénéficier les élèves d’un cours d’histoire de l’art et d’art plastique.

Malgré les efforts du ministère avec sa réforme Bernard pour former les élèves sur la question, David Joseph qui enseigne l’histoire de l’art dans deux écoles, critique une politique de l’enseignement de l’art qui est concentrée uniquement dans les salles de classes. « Je parle d’art à des jeunes qui n’en connaissent que ce qu’ils peuvent trouver sur internet, confie t-il. Pis, pour se faire, je dois souvent prendre des références qui viennent de l’histoire de l’art occidental car ces exemples résonnent mieux avec ce que ces enfants connaissent de l’art. »

Peiné, l’enseignant raconte son combat pour faire connaître des œuvres d’artistes haïtiens comme ceux de la Grand-rue et du bel air à ces élèves. « Les élèves ne connaissent pas forcément la Joconde, mais quand je cite le tableau, il résonne dans leur tête. Pour eux, si ça c’est de l’art, l’art en général ressemble à ça, donc quand je projette des photos des artistes résistants, leur première réaction est d’estimer que ça n’est pas de l’art. »

Pour l’enseignant, le problème pourrait être résolu si en plus d’un cours sur table comme le font déjà les écoles, il y avait un aspect pratique dans lequel les élèves pourraient visiter des musées, des galeries et discuter avec des artistes etc. Il estime également que le ministère impose le cours d’histoire de l’art, il ne réfléchit pas l’art comme un domaine scientifique qui comprend le patrimoine ainsi que l’esthétique ou encore l’histoire.

Les objets d’art, nous apprend Joseph, sont aussi des objets patrimoniaux, et tous ne se trouvent pas à l’intérieur d’un musée. Nous trouvons des objets d’art dans des églises ou ailleurs. Prenons l’exemple de la couronne de Soulouque, certes elle est dans un musée, mais c’est un objet qui est d’abord historique, donc patrimonial. Un programme d’histoire de l’art devrait permettre à l’élève à la sortie du cycle scolaire de le comprendre car l’histoire de l’art n’est pas qu’une succession de périodes à apprendre par cœur.

Autre problème concernant le matériel source, en effet, il n’existe pas d’ouvrage d’histoire de l’art haitien comme il en existe pour l’art occidental. L’enseignant avoue s’etre battu du bec et des ongles pour que son cours se concentre à 70% sur l’enseignement de l’histoire de l’art et des pratiques haïtiennes, plus qu’occidentales. Les élèves vont trouver beaucoup d’informations sur le romantisme, le futurisme, l’expressionnisme ou l’impressionnisme sur internet, mais il est beaucoup plus dur de trouver des informations sur les mouvements haïtiens, sur l’école du cap, t de l’Artibonite, saint soleil etc

Autre problème et non des moindres, la discrimination des matières. Pour Joseph, la matière qu’il enseigne n’est prise au sérieux ni par les directions des écoles où il enseigne, ni par le ministère lui-même qui n’a pas jugé bon d’inscrire le cours sur la liste des matières du baccalauréat, et ce, malgré la généralisation du nouveau secondaire à tout le territoire. Il y a des matières prioritaires. On a tout en haut les sciences dures, puis les sciences sociales et les langues, puis tout en bas on a le reste.

À titre d’exemple, Joseph n’a qu’une heure par semaine avec chacune de ces classes, quatre au total, pour faire son cours. Entre 2019 et 2022, son temps de cours est passé de 1h, à 45 minutes, afin de gratter plus de temps pour les mathématiques, le français et la chimie dans une de ces écoles. « On répète aux élèves qu’il n’y a pas de matières plus importantes que d’autres, mais nous mêmes enseignants nous savons que ce n’est pas vrai. », argue t-il.

Même s’il est critique sur les moyens déployés pour enseigner l’histoire de l’art à l’école, Joseph estime que c’est une bonne chose que plus d’élèves aient accès à des cours sur la question. « Ils apprennent certes à connaître des œuvres, mais surtout à connaître la différence, ils apprennent le monde autrement que par des faits historiques apparemment isolés, et ça développe en eux l’amour de l’art. Ma plus grande fierté est de voir mes élèves passé du dégoût en début d’année à une franche curiosité vers le mois de juin. »

Il n’est pas le seul content de la décision du ministère de l’education d’imposer un cours d’histoire de l’art aux écoles secondaires. Vanessa Saint Fort qui suit les cours de Joseph depuis deux ans avoue apprécier les cours quoiqu’elle soit perplexe vis à vis de certaines œuvres que le professeur montre en classe. « Parfois il nous montre des choses étranges avec des pneus de voiture et des clous et il dit que c’est de l’art. Des choses qu’un fou pourrait faire. »

Cependant la jeune fille de 16 ans avoue que sans ces cours, elle n’aurait pas su qu’il existait des artistes peintres et sculpteurs haïtiens comme il en existe à l’étranger.

Melissa Béralus


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