La belle complicité poétique de Rebecca Odena, étudiante à Strasbourg

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De Port-au-Prince à Strasbourg, Rebecca Odena s’adonne à la poésie pour cracher ses frustrations et pour exprimer, dans le plus beau des langages, ses ressentis sur l’amour, l’amitié, et peigne également sa nostalgie du pays . Portrait.

Rebecca Odena intègre l’Université de Strasbourg en Automne 2020, dans un contexte sanitaire bien particulier, marqué par la propagation de la pandémie Coronavirus. Celle qui a bouclé son cycle d’étude en droit à la Faculté de Droit et des Sciences Économiques de Port-au-Prince, est accueillie dans un cadre étranger qui lui demande un certain temps d’adaptation. Covid-19 oblige, les cours sont dispensés en ligne, le couvre-feu rétrécit  le contact avec le monde extérieur et la méthodologie d’enseignement du système français lui demande une période d’adaptation. Déjà qu’il est assez difficile, selon les dires d’Odena, de s’intégrer et de se fondre dans le décor quand on est étudiant.e étranger.e : le virus n’avait pas du tout aidé.

« L’année académique précédente, j’avais même raté  un semestre à cause des soucis méthodologiques, je n’avais personne vers qui me tourner, on ne se voyait pas, on était enfermé sur nous-même », avoue-t-elle, le ton peiné.

Projets d’études et engagements personnels

Odena ne fait rien pour rien. Ses centres d’intérêts et ses projets, concordent non seulement avec ses élans, mais aussi avec ses engagements. Cette volonté de contribuer au changement, de redorer le blason du système judiciare haïtien et de dénoncer certaines dérives dont notre génération  est témoin. En effet, la jeune étudiante en Master Droit Pénal et Sciences Criminelles, avait préalablement bouclé son cycle de licence, en Haïti, autour du harcèlement sexuel; une thématique qui se retrouve, d’après ses dires, au coeur de ses préoccupations. D’ailleurs,  elle laisse croire aussi qu’ en tant que féministe, son projet d’études est sciemment choisi pour lui permettre d’être en adéquation avec son engagement personnel. Elle ajoute qu’à travers ce choix  d’orientation professionnelle, elle pense ” pouvoir participer à l’amélioration de la prise en charge des victimes de violences sexuelles par la justice Haïtienne et de leur accompagnement tout au long du processus”.

Odena est aussi poétesse.  Dès l’adolescence, la jeune femme accouchait déjà des poèmes. Sous le ton de la plaisanterie,  elle lâche qu’elle a “une centaine de poèmes de cette époque-là” qu’elle ne publiera jamais. Et pour reprendre un ton plus sérieux, elle avoue, par la suite, que tout écrit livré au public est une sorte d’engagement. Quoiqu’elle ne puisse affirmer que ses poèmes soient engagés, elle confie tout de même  que ses écrits ont toujours le goût de la réalité et de ses attentes. À titre d’exemple, la poétesse dévoile qu’en participant au récit collectif, titré “écorchées vivantes”, un projet mené par l’auteure Martine Fidèle et publié en 2017 aux éditions Mémoire d’encrier; c’était déjà pour elle  une façon de dénoncer la situation des femmes en Haïti. “Mes écrits ont toujours une part de moi ou de l’autre. Tout y passe (rage, frustration, manque…) “, ajoute-t-elle à ce propos. 

Rebecca Odena s’implique dans la vie associative sur le campus

À Strasbourg, elle participe à l’atelier de création poétique avec l’un des  professeur de l’université: M. Pascal Maillard. La plupart de ses poèmes, produits à l’issue de l’atelier, sont véhiculés à travers des revues implantées sur le site de l’université. Plusieurs de ses poèmes également, écrits notamment en atelier pour un spectacle titré:  « Mascomanie »; monté en collectif et inspiré des masques chirurgicaux; ont été repris dans les colonnes de la revue Au pied de la lettre. D’ailleurs, ce spectacle-ci, s’était déroulé en novembre dernier au portique, nous raconte Odena.

 «  Récemment, il y a eu aussi  Du piment sous les pieds,  paru dans un article de la revue Savoir unistra de l’ université. Les retours sont plutôt bons. Mon entourage m’encourage à ne pas abandonner l’écriture. J’y compte bien », promet la mastérante en Droit Pénal.

Outre des poèmes qu’elle écrira probablement pour un prochain spectacle, Odena affirme vouloir se concentrer, bien entendu, sur son premier recueil de poésie. Après, ” je pense me mettre sérieusement à l’écriture de nouvelles” lance-t-elle, visiblement intéressée par d’autres genres littéraires. Néanmoins, en attendant, elle apporte sa contribution à titre de bénévole à l’association Secours Populaire Français. « Je participe dans les actions solidaires telles que la distribution d’aide alimentaire aux étudiants. Il y a aussi les collectes de fonds, les braderies», nous a-t-elle expliqué dans une entrevue écrite accordée à Mus’Elles.

Extrait d’un poème

“Ne t’inquiète pas

Si tes pieds ne te portent plus

Si tes veines sont aussi fragiles

Que les premiers pas d’un enfant

Parfois la vie résiste à nos pas

C’est comme être à genoux sur une râpe

Face au soleil brûlant

Mais s’il le faut

Je ramperai pour toi

Qui a dit qu’il fallait marcher

Que sur nos pieds ?

Tant que j’avance

Je marcherai pour toi ” extrait tiré de Je marche pour toi.

De celles qui inspirent la poétesse…

En matière de littérature, Rebecca Odena affectionne particulièrement  Yanick Lahens, Emmelie prophète, Simone de Beauvoir, Marguerite Duras, Marie Vieux-chauvet, Kettly Mars pour ne citer que ces auteures-là.  “Chacune d’elles ont ce petit quelque chose d’unique qui me pousse à aller plus loin dans mes écrits et de ne pas renoncer à mes rêves. Je me dis que tout comme elles, je peux aussi faire la différence”, conclut notre jeune poétesse qui trace encore sa voie.

Jessie Lisa A.R Tataille


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