Haïti: le cancer du sein, un tueur silencieux ?

Spread the love

Regroupant plus d’une douzaine de cancer differents, le cancer du sein peut être traité et même guéri dans la grande majorité des cas, soit 9 cas sur 10. Pourtant,en Haïti, les personnes qui font face à la maladie, peinent à trouver des soins appropriés. Témoignages.

En décembre 2020, alors que Sendiana* prenait une douche, elle a découvert une masse dans son sein gauche. Quelques jours plus tard, elle est allée voir un médecin qui lui a dit que ce n’était rien de grave. Il lui a prescrit une crème qui, selon lui, allait faire disparaître la boule en un claquement de doigts. Mais malheureusement, la masse est devenue plus grosse. Finalement lors d’une autre visite médicale réalisée en mai 2021, Sendiana, 36 ans, a appris qu’elle développait un cancer du sein. La nouvelle lui est tombée comme un coup de massue.

« Quand j’ai appris cela, j’ai beaucoup pleuré. C’est ma patronne de l’époque qui m’a dit de tenir bon et de ne pas me laisser abattre »

Alors âgée de 62 ans, Rachel Nicolas a aussi a remarqué sa masse en prenant son bain. Cela a suscité beaucoup d’anxiété chez elle, car quelques années auparavant, on lui avait diagnostiqué des kystes. De plus, pendant un court instant, elle a imaginé le pire sachant que ses parents sont décédés des suites d’un cancer.

« J’ai déjà eu des kystes. A force de les avoir, j’ai fini par les reconnaître. Quand j’ai découvert la masse, le fait qu’elle soit dure et ne bougeait pas, m’a tout de suite fait penser à un cancer »

Ne voulant pas gâcher la fête de fin d’année de ses proches, avec l’appui de son mari, elle a attendu le mois suivant pour voir un médecin. Celui-ci lui a confirmé ce qu’elle craignait. Elle avait un cancer du sein.

Quelques facteurs qui favorisent le cancer du sein

Selon le Dr Joseph Bernard Junior, spécialisé en oncologie médicale et maladies infectieuses, pour déterminer à quoi est dû le cancer, il est préférable de parler de facteurs de risques au lieu de causes.

« Ces facteurs peuvent, entre autres, être liés à notre style de vie (consommation de tabac ou d’alcool, sédentarité, manque d’exercice physique, malbouffe), à notre environnement (pollution de l’air, radiations ionisantes) ou à des infections (H. pylori pour le cancer de l’estomac, HPV pour le cancer du col de l’utérus, du vagin, de la vulve, du pénis, de l’anus et de la gorge, EBV pour le cancer de l’estomac, les virus de l’hépatite B ou C pour le cancer du foie). Plus une personne présente ces facteurs de risque, plus le risque d’avoir un cancer est élevé ». Il a également mentionné les facteurs génétiques et familiaux qui, de son point de vue, représentent une faible part dans la survenue des cancers. Dans ces cas de figure, ajoute-t-il, le dépistage doit commencer plus tôt, à partir de 25 ans.

Premier signe, une masse dans le sein

La maladie est facile à détecter. La présence d’une masse (une boule) est le premier signe avant-coureur. Cette boule peut être dure et non douloureuse. Un aspect qui pousse souvent la femme à la négliger. Cette masse survient à cause du mauvais fonctionnement de certaines cellules qui, quand elles se multiplient, forment le plus souvent une masse appelée tumeur.

« Cette boule grossit avec le temps et atteint la peau du sein et/ou les muscles qui sont en arrière du sein. Le mamelon (la pointe du sein) peut aussi donner du sang (rouge ou noir) ou du pus (jaune ou verdâtre), dit-il. Etant une maladie envahissante, il va laisser le sein pour se rendre ailleurs, ce qui va donner des ganglions à l’aisselle, sur la clavicule ou au cou. S’il est négligé, il se propagera dans tout le corps (c’est ce qu’on appelle les métastases). A partir de-là, la patiente est au stade terminal de la maladie, donc incurable », informe le directeur médical du programme de cancer d’Innovating Health International (IHI), une organisation étasunienne évoluant principalement dans le domaine du cancer en Haïti.

D’autres symptômes peuvent être remarqués. De fortes douleurs osseuses empêchant de marcher, l’essoufflement en raison de l’atteinte des poumons, la jaunisse ou l’augmentation de volume du ventre en raison de l’atteinte du foie, des crises convulsives en raison de l’atteinte du cerveau. Il provoque aussi le manque d’appétit et la perte de poids.

Une maladie qui touche autant les femmes que les hommes

Il est difficile de trouver des chiffres pouvant évaluer le nombre de cas en Haïti. Le fait que le registre national du cancer n’est pas fonctionnel rend la tâche encore plus compliquée. Toutefois, le Dr Joseph a communiqué ceux de la clinique d’IHI. Le nombre de personnes souffrant de cancers du sein reçus et traités a triplé sur une période de 7 ans, passant de 114 cas en 2014 à 343 cas en 2020. Néanmoins, le nombre a chuté en 2021 (266 cas), en raison de l’insécurité qui règne à Martissant depuis près d’un an. La majorité des patients qui fréquentent l’institut proviennent du sud du pays. Ces personnes sont-elles encore en vie ? Arrivent-elles à se faire soigner ? Des questions qui malheureusement restent sans réponses.

Sur près de 1000 patients souffrant de cancer du sein, 4 femmes sur 5 sont dans la quarantaine ou plus, toujours selon les statistiques de l’IHI. Cette maladie qui peut se présenter sous diverses formes ne touchent pas que les femmes. Les hommes également en sont victimes. Ils représentent 1% des cas.

Pour vaincre cette maladie, les médecins optent pour des traitements médicamenteux comme la chimiothérapie ou pour la chirurgie. Cette dernière peut être la tumorectomie qui consiste à retirer uniquement la tumeur et les cellules qui l’entourent. Elle peut aussi être une mastectomie qui consiste à retirer la totalité du sein. 

Sendiana a eu du mal à obtenir un diagnostic définitif à cause des médecins qui n’étaient pas vraiment sûrs de ce dont elle souffrait. Quand il a finalement obtenu les résultats, le cancer s’était déjà propagé dans son cerveau. La jeune femme fait partie de ces patientes qui ont eu recours à la chimiothérapie.

Le chemin de la guérison

« La chimio m’a beaucoup fatiguée. De la première séance à la troisième, je vomissais tout ce que j’avalais. Plusieurs parties de mon corps étaient devenues noires. C’était très dur. A la quatrième séance, je ne ressentais plus ces malaises. J’ai eu ma 7e  et 8e le mois dernier. Je n’ai plus de douleurs, je ne vomis plus. Les parties qui étaient noires ont repris leurs couleurs », a confié Sendiana, avouant qu’entre temps, elle attend les prochains examens pour savoir si elle a vaincu la maladie.

Rachel, quant à elle, a poursuivi ses soins médicaux en République Dominicaine. Sachant que son cancer était agressif, il était préférable pour elle de se rendre là-bas pour ne pas rater aucune séance. Une situation qui aurait pu se produire ici en Haïti si l’on prend en compte les journées de pauses forcées dues au climat d’insécurité que connaît le pays depuis quelques années. Elle a aussi eu droit à la chimiothérapie ainsi qu’à la mastectomie.

« Au début, j’étais inquiète mais j’ai rencontré une femme qui m’a remonté le moral. Ses quelques mots d’encouragement, en plus du soutien inconditionnel de ma famille, et de mes amis, m’ont aidés à garder la force ».

Aujourd’hui, et ce depuis maintenant quatre ans, elle est en rémission. Elle continue régulièrement de faire des examens pour s’assurer que tout est normal. Elle continue d’apprendre à vivre avec un seul sein. Étant un attribut féminin, le manque de ce dernier ne lui facilite pas la tâche.

« C’est vrai que vivre avec un sein n’est pas facile, vu que le drainage lymphatique n’est plus le même mais je me dis que je suis en vie. C’est l’essentiel et c’est tout ce qui compte. »

D’un autre côté, elle espère que le pays dispose de plus d’oncologue, car la maladie est très présente, bien plus que ce que l’on pourrait croire.

Pour se préparer à faire face à une maladie comme celle-là, il faut faire des préventions, tenir compte des recommandations des médecins.

« Toute femme doit consulter régulièrement un médecin et pratiquer l’autopalpation des seins. Une vie saine, sans tabac ou alcool, avec une alimentation équilibrée et de l’exercice physique pour éviter le surpoids ou l’obésité, recommande Dr Joseph.

Plus le cancer est diagnostiqué tôt, plus les chances de guérisons sont élevées.  Alors autant, consulter le plus tôt que possible.

*Sendiana est un nom d’emprunt

Diane Bissereth


Spread the love

Leave a Reply

Your email address will not be published.