CZart, Une bouffée d’oxygène dans le secteur artisanal haitien

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Elle semble loin l’époque où l’artisanat haitien rayonnait de mille feux et rassemblait tous les ans une foule de curieuXses dans le cadre de la foire artisanat en fête… Aujourd’hui le secteur culturel et artisanal est sous perfusion en Haïti et la situation ne semble pas près de changer.

Impactée par l’insécurité qui s’est emparée du pays, en particulier du département de l’ouest, depuis quelques années déjà, le secteur artisanal est victime comme bien d’autres secteurs du pays. C’est dû à un manque d’investissement et d’encadrement, notamment de l’État, via différents organes comme le Ministère de la culture ou encore le Ministère du commerce.

Si cette situation handicape la création et l’économie que génère ce secteur dans le pays, certaines personnes gardent espoir et continuent de créer bon gré mal gré. Tel est le cas de Caroline Zéphir Mondésir, une artisane qui a lancé la plateforme CZart, qui fait la promotion de la création artisanale. En 2021, CZart devient une plateforme en ligne où il est aujourd’hui possible de suivre de bénéficier de diverses formations autour de l’artisanat.

La particularité de ce site internet c’est de faire un travail de promotion, d’éducation, et de création soucieuse de l’écologie. Ce portail digital permet de réintroduire les déchets dans le cycle de production, comme on peut le lire sur leur site.

Créée en 2016 à Jacmel, c’est pour répondre à un besoin qu’elle estimait présent dans le panorama artisanal de la ville du Sud-est qu’elle a lancé cette initiative.

« Je ne voulais pas gagner de l’argent tous les mois et le dépenser sans investir dans mon travail personnel. Qui plus est, l’artisanat a toujours été une passion pour moi, et j’en ai aussi profité en investissant à renforcer le secteur ».

Entre 2017 et 2022, ce sont plus de 200 jeunes qui ont été formés à la création artisanale grâce à CZart. D’après la fondatrice, qui est elle-même originaire de la ville de Jacmel, il manquait une touche de nouveauté à cette ville qui a su se construire une forte réputation dans la création artisanale, notamment avec le papier mâché. « Mon objectif sur le long terme c’est d’avoir une grande école physique ainsi qu’une plateforme en ligne afin de continuer le travail de formation déjà entamé.

Féministe et engagée dans les questions de droits des enfants en particuliers des petites filles, la femme d’affaire souligne avec humour quelques stereotypes auxquels elle a déjà été confrontée dans le cadre de son travail.

« Parfois quand un client me passe une commande, il ne s’attend pas à voir une femme. Faire ce travail est aussi un moyen de déconstruire ces stéréotypes ».

Si elle le précise, elle met cependant l’accent sur le fait que les femmes ne sont pas sous représentées au niveau de la création artisanale.

« J’ai eu la chance de travailler avec de très bons artisans. Ce n’est pas comme certains autres secteurs d’activités ou l’écart entre l’égalité des chances est très grand entre les femmes et les hommes, fait-elle savoir ».

Très affectée par la situation politique et sociale, Mondésir explique les difficultés pour elle de livrer les commandes, en particulier dans les villes les plus reculées.

« Non seulement certaines commandes sont bloquées chez moi, mais depuis la dernière paralysie, je n’ai pratiquement plus de commande. »

La plupart des artisans vivent uniquement des revenus de leurs ventes, dont ils se servent aussi pour acheter du matériel. La crise, en plus de les privés d’une rentrée d’argent, fragilise encore plus un secteur peu encadré malgré un haut potentiel pour l’économie nationale. 

Même au niveau mental, celle qui détient une licence en communication et relation publique ainsi qu’une formation en gestion de projet s’est lancée dans son entreprise avoue que les divers bloquages ont aussi un impact sur les createurs dont elle, qui peuvent facilement tomber dans une forme de paresse.

Cependant, Zéphir garde la tête hors de l’eau et poursuit avec CZart son travail de formation. La plateforme organise le week -end de l’artisanat qui va à chaque édition dans une ville différente proposer des activités non seulement de formation mais aussi de création aux jeunes. Ces initiatives étant de plus en plus rares dans le pays, CZart est aujourd’hui une bouffée d’air frais pour la création haïtienne.

Le secteur artisanal haitien a besoin aujourd’hui plus que jamais de ce genre d’initiative à un moment ou de plus en plus d’entreprises, de mécènes et de créateurs fuient l’alma mater pour s’installer à la diaspora. Les artistes du Bel-air, de la Grand Rue et du village des Nouailles ont déjà fait les frais de l’insécurité et du silence des autorités. Va t-on vers un pays sans créateurices?

Melissa Béralus


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