Cléantes Valcin Desgraves, une figure oubliée du mouvement féministe haïtien

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Nadine Louis, fondatrice de la Fondation Toya, a retracé, dans la série « Nous sommes la moitié de l’humanité », la vie de l’iconique Cléante Desgraves Valcin  lors d’une vidéo diffusée en direct le 9 mars sur la page Facebook de l’Institut Français d’Haïti (IFH).

« Nous sommes la moitié de l’humanité » est le nom la série dans laquelle est classée la vidéo qui raconte la vie des figures incontournables du mouvement féministe haïtien. C’est éventuellement un clin d’œil au flashmob du même nom que l’IFH  et le festival Street art au féminin avaient porté l’an dernier dans le cadre de la Journée Internationale des Droits des Femmes.

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Dans une vidéo de plus d’une vingtaine de minutes, Nadine Louis, interrogée et accompagnée de Cherlie Rivage, a dressé un panorama sur la vie de la militante Cléante Valcin Desgraves.

Elle est née le 13 janvier 1891 à Port-au-Prince en Haïti (Haïti) d’une mère  américaine Alice Cunningham et d’un père haïtien, Hector Desgraves, pianiste et pharmacien.

Elle a étudié au Pensionnat des Demoiselles dirigé à l’époque par l’écrivaine Virginie Sampeur, ce qui l’a un peu poussée vers la poésie, a révélé Mme Louis.  Ayant grandi à Port-au-Prince, sous l’occupation américaine et a fréquenté les milieux les plus huppés de l’époque.

L’histoire n’a pas retenu grand-chose de son enfance, hormis le fait qu’elle aidait son père à sa pharmacie, côtoyant ainsi tous types de personnes, ce qui lui permettra aussi de créer en elle une vision du monde assez spécifiques. Celle que les êtres humains devraient être égaux en droit. Elle a voué sa vie à la défense de la cause des plus vulnérables, particulièrement celle des femmes, et à l’enseignement jusqu’en 1917.

« Cruelle destinée »

Elle a publié son premier ouvrage en 1924. C’est un recueil de poésie titrée « Fleurs et Pleurs ». Cinq ans plus tard, en 1929, elle sera la première romancière haïtienne à publier son roman intitulé « Cruelle destinée ». Elle a collaboré  à la revue La semeuse et a contribué dans l’ouvrage « Femmes Haïtiennes » ou elle peint une série de portrait de femmes. Auteure de « Blanche Négresse », son second roman, elle a aussi écrit des nouvelles dont « Le voleur ».

A cause des thématiques abordées dans ses écrits telles  le racisme, le féminisme, la condition des femmes et les classes sociales,   « Les livres de Cleantes Valcin Desgraves  devraient être des catalyseurs pour les jeunes filles féministes », a affirmé Mme Louis. En effet, elle fait lire les textes de Desgraves aux jeunes filles leaders de la fondation Toya. Toutefois, le souci de dépeindre la réalité haïtienne telle qu’elle est dans ses œuvres peut laisser croire qu’il y a une ambiguïté dans son statut de féministe, préacise l’intervenante.

Une des pionnières du mouvement féministe haïtien

Elle est l’une des membres fondatrices de la Ligue Féminine d’Action Sociale, la première organisation féministe haïtienne, et du journal « La voix des femmes ».  Elle a milité au sein de la LFAS pour bon nombre de causes, mais surtout pour l’obtention des droits civils et politiques des femmes haïtiennes. Son mari, Virgile Valcin, est détenteur d’une imprimerie qui servira à imprimer les tracts, les articles, les revues de la Ligue Féminine d’action Sociale.

Elle affirmait sa position de féministe jusqu’à lancer à l’endroit de l’écrivain Georges Lescouflair, lors d’une conversation : « Je suis féministe et je vais jusqu’au suffrage des femmes ». Elle militait aussi bien avec sa plume que dans les actions concrètes qu’elle posait, en visitant, par exemple, un hôpital pour femmes ayant des problèmes mentaux et la prison des femmes. Lors d’une de ses visites à la prison des femmes, elle a rencontré la célèbre chanteuse haïtienne Martha Jean Claude, enceinte et détenue en prison pour des raisons politiques.  Elle l’a aidée à sortir de prison et à s’exiler à Cuba. Elle avait une grande bibliothèque ouverte aux gens, plus précisément aux femmes.

Ancienne présidente de la Ligue Féminine d’Action Sociale (LFAS), Cléante Desgraves Valcin est morte une année avant que les femmes n’obtinrent le droit de vote le 26 janvier 1956. Elle était une fervente catholique mais l’Église Sacré-Cœur de Turgeau n’a pas voulu chanter ses funérailles sous prétexte que son mari était un divorcé. Selon Mme Louis, sa position en tant que féministe dérangeait et a dû jouer un rôle dans cette décision de l’église : Finalement, la cérémonie funéraire sera chantée à la première église Baptiste de Port-au-Prince.

Romancière, poétesse, nouvelliste, militante féministe, Cléante Vaccin Desgraves a vécu entre la fin du 20e  et la première moitié du 21e siècle,  cette vidéo racontant sa biographie est une excellente manière de sortir des tiroirs de l’oubli cette figure monumentale de la lutte féministe, première romancière haïtienne de surcroit dont la carrière est trop peu  ou pas du tout racontée dans les manuels scolaires haïtiens. 

 Thara Layna Marucheka Saint Hilaire


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