Anne-Louise Mésadieu, itinéraire d’une fille d’Haiti

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Elle se dit intrinsèquement attachée à sa terre natale et ressent une forte appétence pour la culture d’Haiti. La compatriote Anne-Louise Mesadieu,  vivant a Chaville depuis trente ans, décorée en Juin 2021 par la Ministre française de la Culture avec grade de Chevalier des Arts et des Lettres, figure aujourd’hui parmi l’une des personnalités féminines haïtiennes les plus puissantes dans la diaspora francophone. Entretien.

 

Il y a une trentaine d’années, Anne-Louise Mesadieu, née un 12 janvier, est partie rejoindre sa mère, dans l’hiver de Chaville, déchirée entre l’émerveillement face à la beauté des bâtiments, des grands magasins, des routes et la peur de l’inconnu, pour se créer une nouvelle destinée loin d’Haïti. Dans une ville sans repère, sans grande communauté haïtienne autour d’elle à l’époque. Sinon, une communauté haïtienne assez discrète, pour ne pas dire effacée, avoua-t-elle lors d’un entretien numérique au long fleuve qu’elle a accordé à Mus’Elles.

La quête d’une identité

Il aura fallu attendre 1998 pour qu’elle rencontre quelques Haïtiens de France. Mais on lui a bien rappelé qu’elle vient d’un pays pauvre, longtemps catapulté dans les médias. Enfant, la réalité de la pauvreté échappait à sa conscience avant de quitter Port-au-Prince pour Chaville où elle a dû, très tôt, embrasser sa culture et son identité en partant à la découverte de la musique haïtienne, de la littérature, de la peinture, de l’histoire de Toussaint Louverture, personnage emblématique de la lutte pour la liberté des noirs.

Elle s’est mise en quête de cette identité-là et à  chercher sa richesse : la culture, « vecteur de cohésion sociale et qui permet à l’homme de s’élever », a-t-elle affirmé.  

C’est par ce désir de trouver rempart contre ce stigma qu’elle s’est intéressée, adolescente, le plus à sa culture natale. Elle s’est mise à écouter Beethova Obas, Emeline Michel et James Germain, à lire ardemment Edwige Danticat et Alexandre Dumas. Pour avoir raison et développer son sens de la répartie, elle a cherché également à comprendre l’histoire de Toussaint Louverture et de Napoléon. Ce n’est pourtant qu’à la fin des années 90 qu’elle se crée peu à peu son réseau et évolue dans une communauté d’expatriés issus d’Haiti.

De par son engouement pour la culture, qu’elle avoue être son unique arme pour naviguer le monde et se faire respecter, elle a commencé à faire de la radio.  D’une part, parce qu’elle voulait apprendre, découvrir son monde,  et d’autre part parce qu’elle voulait partager et promouvoir la culture haïtienne en France. Cette soif de transmettre l’a poussée à travailler sur des émissions en lien avec la culture haïtienne, comme par exemple « Connaissez-vous l’autre Haïti ? ». Elle a également organisé des cafés forums et des rencontres avec de grands auteurs haïtiens dont l’immense Dany Laferrière.

Ancrage politique

Aujourd’hui, Anne Louise Mesadieu est conseillère régionale auprès de Valérie Pécresse, Présidente de la région Ile-de-France et candidate à la présidence. Une candidature qu’elle soutient avec véhémence, car elle se définit de droite sociale et humaniste.

Elle est, par ailleurs, chargée de la coopération internationale, de la francophonie de la région Ile-de-France et préside le plus important fonds de soutien cinéma en termes de budget en France, tout en présidant les résidences d’écrivains. Elle accumule les responsabilités en restant adjointe au maire en charge de la culture dans sa ville d’accueil, Chaville où elle réside depuis quatorze ans. « J’ai eu la chance de faire de belles rencontres dans ma vie, de Charles Pasqua, à Jean-Jacques Guillet en passant par Sarkozy, Valérie Pécresse…, tous ont joué un rôle dans ma petite carrière politique. »

Avec une certaine note de déception, elle souligne qu’elle a occupé le poste de       Chargée des affaires culturelles à l’Ambassade d’Haïti à Paris où, selon elle, la quête de résultats importe peu, paraphrasant La Boétie, théoricien de la servitude volontaire, « Rares sont les ministres des affaires étrangères haïtiens qui sont résolus à ne plus servir pour être libres et non esclaves ».

« J’ai eu de la chance d’avoir fait de belles rencontres qui m’ont permis de faire également de belles choses en Haïti et dans la communauté franco-haïtienne même si je ne m’occupe plus des affaires culturelles à l’ambassade d’Haïti. »

« Royal Bonbon » : premier rôle féminin

Encore poussée par son intérêt pour la culture, Mme Mesadieu a fait une expérience au cinéma dans le film indépendant de Royal Bonbon réalisé par Charles Najman. « Rien ne me prédestinait au cinéma, tout est partie d’une blague ». Elle a fait la rencontre du réalisateur dans une émission qu’elle animait à l’époque et ce dernier lui a proposée d’intégrer son casting, sur le coup. Elle a accepté cette folle invitation et a fait l’expérience de retourner en Haïti pendant deux mois. Elle a pu découvrir le Cap-Haitien et exhume de l’oubli quelques beaux souvenirs du tournage, elle s’est souvenue de l’entrain d’une équipe qu’elle juge autant géniale que dingue, faisant, entre autres acteurs, la rencontre de Dominique Batraville et Erol Josué tout en tenant le premier rôle féminin.

Sa participation à Royal Bonbon lui a ouvert la voie à d’autres opportunités dans le cinéma, même s’il y avait très peu de films pour les noirs en France, il y a une vingtaine d’années. Toutefois, elle ne souhaitait pas poursuivre une quelconque carrière dans ce domaine.

Outre ce tournage réalisé en Haiti, elle continue à entretenir des relations avec sa terre natale. Depuis plusieurs années, elle s’est impliquée dans le social et a acheminé de l’aide à Haïti après le séisme dévastateur du 12 janvier. Après le tremblement de terre d’août dernier qui a touché le Sud du pays, elle a participé à l’organisation d’une vente aux enchères au profit de MSF-Haïti en compagnie de Presnel Kimpembe, footballeur international Français d’origine haïtienne. Elle a également lancé l’opération 1,000 jouets pour enfants démunis d’Haïti depuis 2016.

Elevée au grade de Chevalier des Arts et des Lettres

Décorée en Juin 2021 par la Ministre française de la Culture avec grade de Chevalier des Arts et des Lettres, cette distinction est venue récompenser ses actions pour rendre la culture accessible partout et pour tous.

« Je suis bien évidemment reconnaissante à la Ministre, à Valérie Pécresse qui m’avait confiée la présidence de la commission culture en Ile de France et au réalisateur Djamel Bensalah, et à cette France de la méritocratie et de l’égalité des chances grâce à qui je suis cette Année Louise Mesadieu »

Son parcours qu’elle qualifie d’ atypique, ses rencontres lui ont construit de nouvelles aspirations et une nouvelle identité qui ne lui enlève pas toutefois le souvenir d’où elle vient. Elle œuvre en Haiti pour la culture haïtienne, pour conserver ses liens avec sa terre natale, action qui, pour Mme Mesadieu, est un honneur et un devoir.

Deborah Douyon


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