Les gangs: une autre manifestation du patriarcat

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Kris la, BBQ, lanmò san jou, Izo, ont en commun en plus d’être notoirement connus pour leurs exactions de violence, d’être des hommes. Leurs présences ne constituent pas pour autant comme des personnalités violentes isolées.

Rien qu’en suivant l’actualité des personnes recherchées par la police, pour vol ou meurtre ou kidnapping, le délinquant moyen est souvent masculin. Les femmes sont autant capables de violence ou de cruauté, mais nous nous retrouvons avec un taux de 0,04% d’incarcération de femmes en Haïti, selon le rapport de World Prison Brief de 2014. Concrètement sur 100 000 mille habitants il y aurait 4 femmes incarcérées. La criminalité sans cesse grimpante aujourd’hui se manifeste par des actes violents non seulement des hommes entre eux mais envers ou même surtout les femmes. Les femmes et les enfants constituent un tiers des plaintes officielles de cas de kidnappings en 2021 selon le dernier communiqué de presse de l’Unicef.  Nous assistons à une violence patriarcale et capitaliste. Une violence patriarcale parce que les agents de cette violence sont des hommes et que les personnes les plus affectés par cette violence sont les femmes. Une violence patriarcale parce que les agents de cette violence sont surtout pris dans la spirale de la masculinité toxique.

Nous sommes une société patriarcale, les différentes formes de pouvoir sont assurées et maintenues par des hommes et cela au détriment et à l’exclusion des femmes. La fonction de pouvoir est assimilée à l’expression de la masculinité, dominer est censé être un attribut réservé aux hommes. Mais on se retrouve dans un système inégalitaire où tous les hommes ne peuvent dominer, ne peuvent vivre en toute autonomie. Cette incapacité d’assurer leurs besoins et de performer leurs masculinités créent chez certains hommes des frustrations, il ne domine pas et se sentent émasculés. Ils veulent exercer du pouvoir, ils veulent du pouvoir parce que c’est ce qui est censé les caractériser.

Cette dynamique constante d’infériorisation des femmes sur des critères de virilité conduisent les hommes qui par leurs nature ou par les mécanismes sociétales en place ne les atteignent pas à être victimisés. Il n’est de plus grande offense que de comparer un homme à une femme. Et d’un autre côté nous pouvons parler de l’organisation capitaliste de notre société qui empêche à certains hommes d’exercer les attributs qu’ils sont censés avoir comme homme. Nous nous retrouvons avec des hommes qui veulent rejoindre à tout prix leur présupposé supériorité. La violence et ce sous sa forme la plus primaire reste alors le seul moyen d’affirmer leur existence d’homme, de confirmer leur virilité.

Dans un quartier défavorisé, les hommes sont souvent dans une situation où ils ne travaillent pas. Ils ne jouent pas le rôle de pourvoyeur matériel et ne peuvent justifier concrètement pourquoi ils devraient être traités comme des rois et des chefs de la famille. Ils vont chercher des situations qui leur garantissent d’être au contrôle, d’être un homme, d’avoir du pouvoir, d’exister; Ce moyen se trouve être dans la situation actuelle être une arme, un galil. Le pouvoir de vie ou de mort assure à certains de ces hommes qu’ils ont un impact dans la société. Dans une société mécanique de Durkheim ou tout le monde peut trouver sa place en zone urbaine ces hommes n’en avaient pas besoin, le monde fonctionnait sans eux, chaque jour sans occupation, sans fonctions, ils n’étaient d’aucun intérêt mais avec une arme la donne change. Ils se créent une place, ils sont appelés “le puissant chef de gang”, ils ont la place qu’ils sentaient méritée.

Le patriarcat crée un prototype masculin qui crée chez les hommes un nombre important de frustrations, ils doivent être viriles, forts physiquement, intelligents, ils ne peuvent être faibles. L’homme faible est une femme. Et ces hommes dans leur communauté ne peuvent manifester leur existence et l’intégralité de leur masculinité que par la violence; Ils ne correspondent et n’ont aucun espoir d’achever les modèles de réussites masculines proposées. Ces hommes ont besoin d’affirmer leur existence et d’accéder au pouvoir, temple masculin. Ils s’arment, s’organisent ou sont organisés par de plus puissants en gangs.

Dans une société patriarcale, les hommes sont appelés à exercer les fonctions supérieurs, considérés et valorisés. Le travail des femmes est constamment dévalorisé. On ne se plaint pas assez comment faire la cuisine pour nourrir sa famille est quelque chose de féminin et un déshonneur pour les hommes mais faire à manger dans un grand restaurant est une affaire d’homme. Comment les hommes ont abandonné l’instruction primaire quand les femmes y ont eu accès et comment continuellement chaque fois que les femmes en grand nombre les professions qu’on leurs refusaient d’accès le patriarcat rabaissent automatiquement ces professions, la psychologie et la psychanalyse en sont de bons exemples.

Cette situation de dévaluation constante de certaines professions a pour effet de créer des hommes oisifs dans les communautés défavorisées. Ils sont des hommes et ne peuvent par ce statut exercer certaines fonctions et ne travaillent donc pas. Les femmes se retrouvent à être les seules à travailler surtout comme femme de ménage, serveuses, madan-sara ou exercant dans l’informel. Et les hommes dans ces communautés sont des hommes et ne peuvent travailler dans des activités qui se résument à servir  les autres sans mettre en danger leurs masculinités. Ils n’ont donc pas de travail, pas de possibilité d’être les hommes de la famille matériellement et inévitablement doivent trouver quelque chose de masculin pour rapporter de l’argent et exercer de l’influence. Le gang donne cette possibilité, en étant quelque chose de violent, donc de masculin et qui rapporte.

Ils assument des fonctions dans le gang qui sont en accord avec l’image de conquérant et de dominant demander par le patriarcat. Ils ont du pouvoir, ils font peur, ils ont du sexe principalement par le viol. A travers le gang ils peuvent occuper totalement leurs rôles de masculins supérieurs. Cette violence que nous subissons aujourd’hui est donc autant le reflet d’une organisation économique et politique problématique que d’une organisation sociétale d’exploitation et d’humiliation.

Deborah Douyon


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