Les cheveux lisses : élément incontournable d’esthétisme ? 

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  Les Noir-e-s, victimes de racisme et d’un passé colonial qui leur tiennent perpétuellement à la gorge et qui détermine grandement les rapports sociaux : on n’a jamais considéré la beauté noire comme représentative. Les Noirs sont (étaient), tout le temps, relégués au second plan, comme des indésirables, des habitants de secondes zones dont il faut à tout prix bâillonner. Et encore pire pour les femmes Noires, qui ont eu la malédiction de naitre, en plus d’être Noire, mais femme dans une société trop fortement virilisée et racisée.

A l’ère où le mouvement #nappy #afro (contraction de naturel et happy) bat son plein pour la pleine acceptation de la chevelure crépue (cheveux des noires/métisses) et où l’ afroféminisme ou revendique des droits sur le corps (incluant corpulence, couleur, cheveux) et sa réappropriation : on peut se demander où on en est ?

Mode et capitalisme

On ne peut pas ignorer le grand élan médiatique et le port accru que prend les cheveux lisses ou plutôt les laces frontales durant les cinq dernières années. Reconnu comme accessoires indispensables par certains, les laces frontales sont portés au quotidien par les femmes de tout âge, surtout, si on en croit certaines d’entre elles, son aspect pratique leur facilite l’élégance qu’il faut, en peu de temps. Si les laces frontales sont pratiques et particulièrement faciles à mettre, comme une chaussette ; on ne peut tout de même ne pas se demander ce qui se cache derrière ce port décuplé des laces frontales ou tout au moins de cheveux lisses ?

En ne négligeant pas l’aspect capitaliste et la tendance occidentale qui a une manière propre à elle d’imposer la mode. Une mode qui lui ressemble ou plutôt une qui nous incite à vouloir les ressembler. Si les laces frontal font quasiment la norme, c’est parce qu’on a tendance à croire que c’est naturel de les porter. Les cheveux lisses représentent le beau et les industries les « bienfaitrices » qui nous les procurent, en faisant des milliards, font en sorte que cela nous soit bien ancré dans le crâne. L’argent devient, à cet effet, une récompense méritée pour avoir accompli une « bonne action ». L’un ne se dissocie pas de l’autre : le capitalisme et la mode sont inextricablement liés et codépendants.

Canons esthétiques

‘‘La beauté, selon Françoise Giroud, est une inégalité fondamentale’’ ; et cette inégalité, on cherche par tous les moyens à la réguler, à la rattraper. Mais y arrive-t-on ? Car, enracinée en nous depuis des siècles, on a le parfait modèle de féminité et de la femme parfaite, faite selon des critères préétablis par l’occident. Il faut à tout prix égaler ce modèle de canon de beauté et les moyens sont légions : produits cosmétiques (crèmes éclaircissantes, les cheveux lisses, les défrisantes etc.) et nous arrivent comme par magie.

Le modèle de femme parfaite

Les canons de beauté représentaient toujours ces femmes au parfait opposé des femmes Noires : c’était toujours des femmes d’une minceur anorexique, la taille fine, des fesses menues, le ventre collé au dos, les doigts d’une finesse vulnérable, des lèvres minces, la peau laiteuse et surtout : les cheveux lisses, souples, en cascade sur le dos. Toutes ces représentations renforcent encore davantage le sentiment d’exclusion et de non-appartenance des filles et jeunes femmes puisque non-représentées dans les médias ; ce qui les poussent donc en retour à rentrer dans les rangs, par tous les moyens possibles et ce faisant, elles renforcent le système qui a trouvé le meilleur moyen de les exploiter financièrement et mentalement.

Eternel contrôle au nom de la mode

Du cheveu crépu au défrisage …

Dans un premier temps, il y avait le déni parfait des cheveux crépus et ensuite leur relégation au niveau inférieur comme non-esthétique. A la fin, il a fallu les lisser, tout comme l’idée de changer de teint (de couleur), d’où est venue l’idée du défrisage (permanente) _en 1905 avec Mme Walker qui a véhiculé l’idée et grâce à son industrie, elle est devenue millionnaire ; l’idée est reprise par G. A. Morgan en 1910 qui améliore le produit_. Mais des recherches en médecine (Mananga-Ossey, 2010 ; Dr Fatimata Ly, dermatologue) ont montré que le défrisage avait des effets secondaires sur le cuir chevelu, les yeux, les hormones… Beaucoup moins de gens se défrisaient alors les cheveux, il fallait donc vite trouver une solution qui compenserait…

Et du défrisage au lace front

Trouver une solution appropriée et qui monterait d’un cran en terme esthétique et de ressemblant n’a pas du tout trainé. Nombres de pays (Brésil, USA etc…) confectionnent des lace (wigs, front) et les pays grands consommateurs sont ceux comptant les femmes Noires, et bien évidemment ce sont des pays pauvres dont l’autonomisation des femmes laisse à désirer. C’est comme sortir d’un maitre pour aller à un autre. Le défrisage demande des retouches au moins tous les mois, et c’est en somme un capital énorme qui se perd. De plus, reviendra la disgrâce des poils capillaires raides qui ne veulent pas disparaitre. Mais le lace front, même s’il ne dure pas longtemps, c’est mieux. Pas besoin de retouche tous les mois et si on le gère bien, il peut durer dans les 4 mois, quoique les poches doivent être bien garnies pour s’en procurer un.

Les cheveux lisses seraient plus professionnels…

Jusqu’à date, on ne peut pas négliger le fait que des femmes sont refusées à des postes à cause de leurs cheveux frisés et d’autres cas où elles sont réprimandées pour se conformer et être plus « représentables ». Car, « les cheveux afro sont perçus comme sauvages, exotiques, sales et masculins » soutient l’auteure Ophelie Manya dans son texte D’Olivia Pope a Tiffany d’Insecure : Pourquoi les femmes noires aisées des séries ont les cheveux lisses, paru en mars 2022. Stéréotypes racistes qui ont été intégrés par les victimes comme normales, poursuit-elle. Aller à un entretien d’embauche avec des cheveux naturels désavantage une femme par rapport à une autre qui porte des cheveux lisses (2020, Etude de Duke University). En Haïti, garder ses cheveux naturels revient aussi à dire que l’on est très religieux (Adventiste, méthodiste, ou autre…) et/ou pauvre. Comme si cela ne pouvait être que contrainte et non venir de soi, de la volonté de garder une certaine identité, proche de ses racines afrodescendantes.

Cheveux lisse : symbole d’aisance

Une femme qui garde ses cheveux naturels est considérée comme pauvre, n’ayant pas l’argent nécessaire pour faire comme les autres _puisque les cheveux lisses coutent vraiment chers_. Les filles/femmes qui portent ses cheveux l’exhibent aussi comme une marque de bonne condition de vie avec toute l’aisance qu’on peut rêver. Il faut croire qu’un lace front qui coute dans les 150 USD est le symbole de la réussite pour certaines et de mépris vis-à-vis de celles qui n’en portent pas, comme si une perruque nous mettait au-dessus d’elles.

Rodeline Doly


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