La glorification des comportements toxiques dans les productions culturelles : 50 nuances de Grey et 365 jours

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Et si nos films préférés étaient des canaux de diffusion de comportements toxiques ? 50 nuances de Grey et 365 jours sont deux œuvres cinématographiques parues respectivement en 2015 et 2020. La première étant l’adaptation en film d’un livre à succès qui s’inspirait d’une autre série de livres adaptée en films : Twilight.

Ces deux œuvres qui n’ont que 5 ans d’écart dans leurs dates de parution ont en commun qu’elles ont généré de grosses rentrées d’argent. Ce qui en a fait des succès, dans le sens commercial du terme même si les critiques ont été moins complaisantes avec elles. Le principal reproche dans les deux cas a été la romantisation de comportements plus que condamnables comme le kidnapping dans le cas de 365 jours, et le stalking et le chantage affectif dans le cas de 50 nuances de Grey. Comment expliquer qu’autant de personnes ait apprécié les deux œuvres dans ce cas ? C’est la question que s’est posée la docteure en philosophie Manon Garcia dans son livre “On ne nait pas soumise on le devient” paru en 2021 chez Flammarion. À travers une analyse philosophique du deuxième sexe de Simone de Beauvoir, elle pose la question de la domination et parallèlement celle de la soumission féminine dont elle reproche qu’elle a été et continue d’être peu posée par les philosophes.

En effet, une grande partie des fans des deux films précédemment cités sont des femmes. Alors que les mouvements féministes ont de plus en plus d’échos dans le monde, cette réalité parait paradoxale, voir même surréaliste. Alors que nous avons un accès facile et illimité aux films et séries et que ces dernières participent à façonner notre vision collective et individuelle de l’amour, ces œuvres nous montrent que nous sommes loin d’avoir fait le tour de sujets essentiels comme le consentement et l’abolition des normes hétéronormées des relations amoureuses. En choisissant de reprendre et d’amplifier les fantasmes de la passion dévorante à la limite de la morale voir même du consentement clair, les deux films suggèrent qu’il est normal sinon acceptable de faire fi de l’agentivité de son partenaire en général, des femmes en particulier. Le choix pour les deux œuvres de peindre les personnages masculins en hommes riches, conforte aussi dans l’idée de relation de domination qui passe par le genre et la classe. Alors que des études sur les couples aux revenus drastiquement inégaux montrent que généralement le partenaire qui gagne moins est en position de vulnérabilité et se retrouve souvent seul et sans argent en cas de divorce, les deux films ne questionnent à aucun moment l’usage démesurément violent qu’en font les protagonistes pour atteindre leur but. Si aucune étude sur la question n’a encore été réalisée, il serait intéressant de voir dans quelle mesure, en opposition au discours post deuxième guerre mondiale, le mouvement tradwife a trouvé un terreau idéal pour les idées que diffusent 365 et 50 nuances de grey. Le mouvement “trad wife” promeut un modèle de femme dévouée, centrée sur la famille et les tâches domestiques, souvent présenté comme une opposition aux valeurs féministes modernes. Ce mode de vie comme le dit implicitement le mouvement est possible grâce à un mari qui gagne confortablement sa vie s’il n’est pas à proprement parler riche. Dans les deux œuvres (50 nuances de Grey et 365 jours), les héroïnes acceptent des dynamiques relationnelles où elles perdent une partie de leur autonomie au profit d’un homme puissant. Le discours “trad wife” reprend cette idée, en proposant que le bonheur féminin réside dans l’acceptation de rôles traditionnels. S’il n’y a aucun mal à voir dans ce mode de vie un idéal, il est dangereux lorsqu’il se présente comme seul espace d’émancipation pour les personnes sexisées. De plus, les trad wife d’internet qui sont pour la plupart suivies par des millions de personnes n’ont jamais caché leur mépris du féminisme et des discours féministes, en particulier celui sur l’égalité et l’équité. Ces œuvres comme les “tradwife” réaffirment les stéréotypes de genre. Il est essentiel de déconstruire les récits qui perpétuent l’idée que la soumission est un signe de force ou que l’amour justifie des abus. Pour se faire; il faut créer des alternatives narratives qui proposent des modèles relationnels égalitaires et valorisent le consentement et le respect.

En reliant la glorification des relations toxiques dans 50 nuances de Grey et 365 jours au discours “trad wife”, on découvre une trame commune : une idéalisation des rôles traditionnels, souvent au détriment des femmes. Ces récits, séduisants en surface, masquent des dynamiques problématiques qui méritent une critique attentive. En les déconstruisant, nous pouvons contribuer à une culture plus équitable, où l’amour et les relations sont basés sur l’égalité et le respect mutuel.

Melissa Béralus


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