Régine Cuzin, commissaire d’exposition et Veerle Poupeye, historiennce belgo-Jamaïcaine ont animé, lundi 17 décembre à la Maison Dufort, un enrichissant débat autour du concept de “curateur d’art” , également connu sous le thème de “commissaire d’exposition”.
Modérée par la Présidente du conseil d’administration du Centre d’art, Michèle Duvivier Pierre-Louis, cette causerie s’était inscrite dans le cadre de l’évènement “Haïti, le printemps de l’art”, initié il y a un an aux fins de tisser des liens entre artistes haïtiens contemporains et d’offrir une visibilité à leurs travaux. À la Maison Dufort accueillant jusqu’au 13 février l’exposition “VIVES” qui donne à voir le travail des artistes femmes des collections permanentes du Centre d’Art et du Musée d’Art Haïtien, Régine Cuzin (cheville ouvrière de l’exposition “Haïti, deux siècles de création artistique”, Grand Palais, Paris, 2014, également commissaire d’exposition française de belle renommée) et l’historienne de l’art belgo-Jamaicaine, Veerle Poupeye livraient leurs réflexions, partageaient leurs expériences sur des notions liées au commissariat d’exposition. Cet échange fructueux a permis à l’assistance venue nombreuse de comprendre l’essence même de ce métier; de saisir le travail et tout le déroulé en amont avant de passer à l’accrochage des œuvres, qui est la dernière étape. Irréversible, selon les spécialistes. Quand on monte une exposition d’envergure où plusieurs artistes sont invité.e.s à faire dialoguer leurs oeuvres, il y a en amont tout un travail d’études, de calibrage, de regard à faire, car une fois les œuvres exposées, on ne peut donc rien changer. Seule une œuvre endommagée peut être déplacée rien que pour la faire réparer et ensuite pour être remise à sa place.
La scénographie est quelque chose de très précis, nous dit Veerle Poupeye, ajoutant qu’une exposition est une installation. Il s’agit en outre d’un travail sur la résonance où il s’agit de savoir quelles œuvres exposer à côté de quelles autres et qui puissent dialoguer entre elles.
« Il y a après toute une série de choses qu’il ne faut pas minimiser, le fait de mettre les cartels (les petites étiquettes qui sont mises pour indiquer qui fait quoi) l’éclairage, il faut définir la hauteur des tableaux et de les placer à la même hauteur à partir du sol. Ce sont là de petites choses très techniques mais qui font un tout. Si elles ne s’appliquent pas de façon rigoureuse, elles peuvent dénaturer une exposition », nous dit Régine Cuzin.
À la question d’un participant si l’on pouvait faire pour une exposition comme font les musées de soumettre les œuvres de l’exposition en avant première pour voir ce que pensent les gens et, éventuellement, changer quelque chose par rapport à ce que les gens peuvent avoir en terme de critiques, Régine croit que non. Elle avance que le ou la commissaire d’exposition n’est pas dans un désir de plaire. Il suffit que l’équipe travaillant sur l’exposition réfléchisse et se mette d’accord sur la manière de faire. Le travail de commissaire d’exposition, affirme-t-elle, est subjectif. Si l’on reste à l’écoute de l’opinion des amateurs.trices d’art et des professionnel.lle.s du métier, d’autres sempiternelles questions vont se soulever et on ne sortira jamais de ce labyrinthe.
À ceci, Veerle Poupeye, qui forme jusqu’au 29 janvier à Port-au-Prince (Centre d’art, rue Roy) des gens interessés au commissariat d’exposition, confie avoir fait face à cette situation compromettante et controversée dans son pays.
Veerle Poupeye soutient, en outre, qu’il est important pour un intéressé de faire des études en art, de maitriser les bases et les fondements de ce métier. Ce dernier peut beaucoup apprendre au contact de commissaires expérimenté.e.s, trainant derrière eux de belles années d’expériences.
Ce que partage amplement Régine Cuzin, qui dit s’être surtout formée par la pratique auprès de commissaires et grâce à des évènements qui y sont liés. Le travail de commissariat d’exposition, en plus des formations théoriques qui s’avèrent nécessaires, est à beaucoup d’égards un travail intuitif, racontent les deux spécialistes . Emoussant le rôle des critiques d’art à un moment de la causerie, madame Pierre Louis dit regretter que dans un pays où l’art et la culture connaissent un tel foisonnement, qu’il n’existe sinon pas du tout, aucun spécialiste en cette matière.
Adlyne Bonhomme