Emmelie Prophète : « Être écrivaine c’est le privilège de pouvoir sentir, voir et interpréter le monde»

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La plateforme Mus’Elles propose une nouvelle rubrique intitulée : Muse, une fille, une femme qui inspire. Celle-ci a pour but de permettre à des femmes de conter leur vie et de présenter leurs œuvres peu importe le domaine dans lequel elles évoluent.

Cette nouvelle rubrique permet aussi bien de rendre visible le travail des femmes productrices et créatrices en vue d’encourager que d’inspirer des jeunes femmes surtout à la production et à la création artistique, littéraire ou autre. Pour lancer cette nouvelle aventure, l’équipe de Mus’Elles a rencontré l’écrivaine haïtienne Emmelie Prophète qui nous a expliqué son rapport à l’écriture, à l’autre et à l’univers. Madame Prophète, en décryptant l’importance de la lecture et de la production littéraire, encourage les jeunes femmes désireuses de devenir écrivaines à prendre très au sérieux ce travail qui demande de la passion, de la patience et de l’énergie.

L’auteure de Le Bout du monde est une fenêtre avoue pour être écrivaine, il faut pouvoir entrer dans la peau de tout un chacun. Pouvoir dire le monde, dire le pays, dire la vie sans hésitation et sans retenue. Au fait, écrire c’est pouvoir voir au-delà de ce qui est visible, a-t-elle dévoilé. Etre écrivaine en Haïti c’est un vrai privilège, soutient Emmelie. Le privilège de pouvoir sentir, voir et interpréter le monde. En clair, « je veux dire être écrivaine en Haïti c’est porter cette charge de pouvoir distribuer, donner dans une forme de générosité, s’ouvrir, parler et permettre d’écouter des voix qui sont trop basses ou tout simplement qui n’émergent pas », insiste la romancière autour d’un sourire inspirant.

D’un autre côté, l’écrivaine aux multiples talents certifie qu’elle écrit du lieu de l’autre. Parce que selon elle « l’on devient écrivaine quand on entend l’autre ». Par exemple quand je dois parler de littérature je convoque Gustave Flaubert. Dans Les Villages de Dieu, mon dernier roman, le personnage principal s’appelle Cécé. Moi je dis, Cécé c’est moi. Comme Flaubert avait dit, Madame Bovary, c’est moi. Ceci pour dire que j’écris à partir de l’autre parce que je suis interpellée et j’accumule des images et reçois tous les messages des autres, affirme la romancière. « Tout ce que les autres confrontent résonne en moi, même s’il y a ma vision du monde derrière ce que j’écris, tout en portant la voix des autres » confie l’écrivaine qui est aussi journaliste.

Par contre, Emmelie Prophète pense que les écrivaines haïtiennes en général et en particulier ont pris des risques. Qu’est-ce que la littérature sans la prise de risque se demande-t-elle. Aborder un sujet, inventer des personnages, être dans un langage, le langage étant le plus haut niveau de la littérature, tout cela requiert de partir à l’aventure, vers des sentiers inconnus. « Avec Kettly Mars, Yanick Lahens, Evelyne Trouillot et j’en passe, les femmes nous étonnent. Et il y en a d’autres qui émergent, qui écrivent pour interpréter le monde. Et l’interprétation des femmes du monde fait beaucoup avancer le monde et nous offre des clefs pour le comprendre », explique la poétesse avec un sentiment de fierté.

Plus loin la créatrice accepte qu’il y des œuvres qui changent la vie. Par exemple, quand vous lisez Le Tunnel de Ernesto Sábato, Soie, de Alessandro Baricco, Salammbȏ de Flaubert, Amour Colère Folie de Marie Vieux-Chauvet, ces œuvres-là peuvent changer votre vie. Donc, il y a une mission d’humanisation de la littérature et de l’écrivaine. Ce sont des pointillés qui entrent dans la grande générosité autour de la littérature et de l’art en général qui permettent aux autres de continuer de sourire, de regarder et de voir l’horizon différemment et de se sentir différent aussi.

C’est dans cette perspective que l’autrice de Le testament des solitudes admet que la première de ses motivation pour écrire c’est le besoin de dire. Car tout le monde est confronté aux besoins du quotidien, au réel. Tout le monde voit, circule et entend. Toutes ces choses-là créent un besoin intérieur de raconter, de refaire éventuellement le monde. Si vous sentez ce besoin-là, écrivez ! C’est sur ce cri-là, cette interjection pétrie d’onomatopées et d’énergies positives que l’écrivaine veut inspirer les jeunes femmes haïtiennes qui rêvent de connaitre cette aventure merveilleuse.

Jeanne-Elsa Chéry


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