Dépression : un mal qui ronge la société haïtienne

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Ces derniers mois, voire ces dernières années, les Haïtiens sont tous sujets au stress à cause des divers problèmes (kidnapping, peyi lòk, assassinats, viols, guerres entre gangs) auxquels ils font face chaque jour. Ce stress génère plusieurs troubles mentaux, notamment, la dépression qui est la première cause majeure de mortalité dans le monde, le principal facteur de mortalité (par suicide). Elle est la première cause des 800 000 suicides par année. Et, d’après un rapport fourni par l’organisation mondiale de la santé (OMS) en mars 2022, le nombre de personnes atteintes de dépression et d’anxiété à travers le monde est en hausse, soit 25% de la population mondiale. Autrement dit, une personne sur quatre souffre de dépression. Ainsi donc, Roseline Benjamin, spécialiste en psycho traumatologie, qualifie la dépression de maladie du siècle.

La dépression n’a pas vraiment de définition. Nous pourrions la définir comme étant un état physique d’abattement. C’est-à-dire, un triste état dans lequel la vie semble sombre et ses défis écrasants. La dépression est déclenchée par des évènements stressants ou traumatisants dans la vie de quelqu’un. Et elle entraîne une douleur psychologique sévère et durable qui peut s’intensifier avec le temps. Ceux qui sont affectés par ce trouble sont les plus susceptibles de perdre leur volonté d’effectuer des activités quotidiennes, entre autres, certains peuvent même perdre leur désir de vivre.

Selon le DSM-5, un épisode dépressif est une période de 2 semaines ou plus, marquer par au moins 5 symptômes de dépression. Dans la plupart des cas graves, il peut inclure des symptômes psychotiques tels que des délires ou des hallucinations. Par ailleurs, il existe plusieurs formes de dépression et elles ont chacune leur spécificité. Le DSM-5 énumère plusieurs types de dépressions telles que : dépression sévère, dépression modérée, dépression chronique, entre autres.

La dépression n’a pas une cause unique, elle résulte souvent d’un ensemble de facteurs qui, combinés, entraînent l’apparition des symptômes.

Quels sont les symptômes de la dépression ?

Il existe une panoplie de symptômes et ils diffèrent d’une personne à l’autre, ces symptômes vont affecter la vie sociale et professionnelle de la personne. Ils sont classés en cinq domaines de fonctionnement notamment, émotionnel, motivationnel, comportemental, cognitif et physique.

  1. Symptômes émotionnels

La plupart des personnes qui souffrent de dépression se sentent tristes et abattues. Elles se disent « misérables », « vides » et « humiliées ». Elles ont une peur d’abandon et elles changent constamment d’humeur au cours de la journée. Elles ont tendance à perdre leur sens de l’humour, ressente peu de plaisir dans tout ce qu’ils font ; certains arrivent même à ne pas éprouver aucun plaisir (anhédonie). D’autres ressentent de l’anxiété, de la colère ou de l’agitation.

  1. Symptômes motivationnels

Les personnes qui souffrent de dépression perdent généralement leur désir de poursuivre leurs activités habituelles. Elles montrent toutes un manque de dynamisme, d’initiative et de spontanéité. Elles se forcent habituellement à aller au travail, à parler avec des amis, à manger ou même à avoir des activités sexuelles avec leur partenaire. Leur ultime échappatoire serait le suicide. Elles préféreraient mourir parce qu’elles ressentent un sentiment d’inutilité de la vie. Et, on a estimé qu’entre 6% et 15% des personnes atteintes de dépression sévère sont mortes par suicide.

  1. Symptômes comportementaux

Elles sont habituellement peu actives et moins productives, bougent et parlent lentement, s’irritent continuellement et ont une négligence d’eux-mêmes. Elles passent la plupart de leur temps seul et au lit pendant de longues heures. Sachant que rien ne les rendra heureux et d’autant plus que leur journée sera misérable, elles préfèrent simplement s’allonger sur leur lit.

  1. Symptômes cognitifs

Les personnes qui souffrent de dépression ont une vision négative d’eux-mêmes. Elles se considèrent inadéquates, inférieures, indésirables, des fois même mauvaises. Elles se blâment pour presque tous les évènements malheureux, même certains qui ne leur sont pas liés. Et elles s’accréditent rarement des réalisations positives. 

Un autre symptôme cognitif de la dépression est le pessimisme. Les personnes souffrant de dépression croient malheureusement que rien ne changera jamais, elles se sentent impuissantes à changer quoi que ce soit dans leur vie. Comme elles s’attendent à voir le pire, elles préfèrent tergiverser. Leur sentiment de désespoir et d’impuissance les rend facilement vulnérables aux pensées suicidaires. Elles se sentent habituellement confuses, incapables de se souvenir des choses, facilement distraites, et incapables de résoudre même les plus petits problèmes.

  1. Symptômes physiques

Elles souffrent généralement de maux de tête, de douleur au dos et à l’estomac, d’indigestion, de constipation, d’étourdissements, etc. Alors, de nombreuses dépressions sont diagnostiquées à tort comme des problèmes médicaux au début. Le manque de sommeil et d’appétit sont particulièrement courants. Certaines personnes souffrant de dépression mangent moins, dorment moins et se sentent plus fatiguées alors que d’autres font l’expérience opposée et plutôt excessive.

Accroissement de la dépression chez les haïtiens

La dépression est une tristesse incapacitante qui survient en réaction à une perte. Alors, un pays tel qu’Haïti ayant une situation sociopolitique et économique lamentable, un climat d’insécurité qui atteint son paroxysme (kidnapping, peyi lòk, assassinats, guerres entre gangs), une absence de politique en matière de santé mentale  ̶̶̶̶̶̶  démontre que nous sommes d’une manière ou d’une autre, tous sujets à la dépression puisque toutes les conditions sont réunies.

Certains haïtiens souffrant de dépression déclarent être inquiets voire même désespérés quand ils marchent dans les rues, ils sont traumatisés, méfiants, ont une perte d’appétit, une diminution de l’envie de vivre, des maux de tête à tout bout de champs, etc.

« Depi w Ayiti ou vivan, ou se yon koupab. Ayiti fè nou tounen yon mati. Nou tout nan yon menm bato kap koule, chak moun ap eseye sove tèt yo. Mouri pou mouri, nou tout ap mouri. Avan m mouri nwaye, map chita menm jan ak tout mati ki pa pè pote non an, pou mal fè wout mwen anpè. » déclare un jeune universitaire.

Une adolescente n’est pas exemptée de ce mal « L’insécurité, la pauvreté nous ronge, on fait semblant de vivre comme si de rien était. Nous ne vivons pas, nous ne faisons que survivre. Les bandits, les politiciens déterminent notre quotidien. Je n’en peux plus ! Je souffre constamment de maux de tête, je n’arrive plus à trouver le sommeil, j’ai une difficulté à me concentrer.»

Bref, il est nécessaire d’accorder une attention particulière à la santé mentale de la population. Car, comme le dit si bien Ronald Forestal, psychologue et président de la Fondation haïtienne de Psychologie, il n’y a pas de santé, sans la santé mentale. N’oubliez pas que vous n’êtes pas seul. Cherchez de l’aide auprès de votre famille, vos amis, des spécialistes en santé mentale, vu que le soutien social est considéré comme un facteur de résistance en santé mentale.

Bibliographie

  1. Association psychiatrique américaine (2013), Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, États-Unis, Arlington, VA : édition psychiatrique américaine, 5e édition, 947 p.

Sitographie

  1. https://www.haitilibre.com/article-34966-haiti-sante-mentale-augmentation-des-signes-de-depression-et-d-anxiete-dans-la-population-haitienne.html
  2. https://www.enqueteaction.com/articles/desarroi-peur-pensees-suicidaires-depression-les-manifestations-de-la-nouvelle-epidemie-qui-fait-rage-en-haiti
  3. https://ayibopost.com/depression-suicides-les-troubles-mentaux-tuent-silencieusement-en-haiti/

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