Alexa Cherrelus reprend un morceau culte de Tabou Combo pour parler de l’exil

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Après sept mois d’inactivité musicale, la chanteuse Alexa Cherrelus revient sur le devant de la scène avec une reprise du morceau culte « Yo » de Tabou Combo. Une façon pour elle de parler pour les sans voix, pour ceux qui risquent la mer sur de frêles embarcations, qui tressent des rêves de fuite dans l’espoir de mieux redessiner leur avenir ailleurs.

Le tube « Yo » a déjà trente ans. Sorti en 1991 sur l’album Zap Zap de Tabou Combo, les paroles sont du martiniquais Patrick Chamoiseau et la musique de Fred Désir.  Alexa Cherrelus  s’en empare pour parler d’un phénomène qui défraie la chronique : l’exil, le désir de fuir un pays laminé et dont le chaos ponctue chaque storytelling de la presse sensationnelle. Alexa nous livre ici une interprétation neuve, teintée de blues, trainant une bouée de frissons.

Cracher le ras-le-bol

« Nous sommes tous témoins de ce qui se passe actuellement en Haïti. De mon point de vue, en parler ne pouvait pas juste se résumer à l’écriture d’un texte car tout ce qui devait être dit sur la question est déjà dit. De toute façon, l’inspiration ne serait pas au rendez-vous », nous avoue Alexa pour expliquer ce qui l’a inspiré cette version du morceau « Yo », un de ces titres qui ont accompagné le succès du groupe.

La parution de ce titre est un cadeau que je me suis fait pour mon anniversaire, non pas pour exprimer ma joie mais pour chanter les douleurs de mon pays, malade jusqu’aux moelles, a-t-elle confié dans un entretien téléphonique, crachant son ras-le-bol.  

N’ayant pas personnellement vécu cette obligation de fuir la misère du pays en proie à une grave crise économique et sécuritaire pour se réfugier ailleurs, où les chances de survie seraient garanties, la jeune femme exprime plutôt ce que ceux qui prennent la fuite vivent au cours de leur périple.

Tremper dans l’encre du récit

Avec sa voix douce et harmonieuse, frôlant la soul et posée sur des accords à la fois planants et économes du guitariste Edison Philippe, Alexa Cherrelus de son vrai nom Alexandra Cherrelus, a abordé une thématique qui a maintes fois fait couler l’encre de nos femmes et hommes de lettres. La romancière Emmelie Prophète, celle qui a poussé les portes de la reconnaissance avec « Village de Dieu », récompensé par l’Académie française,  en a parlé dans son ouvrage « Un ailleurs à soi ».

Dans ce livre publié en 2018 chez les éditions Mémoire d’encrier au Québec, l’écrivaine décrit la réalité de milliers de compatriotes haïtiens, éduqués ou non, seuls ou en famille, qui sont obligés de laisser leur terre natale en quête d’un eldorado où ils ne savent pas pourtant ce qui les attend.   La romancière américaine d’origine haïtienne Edwidge Danticat a, elle aussi, parlé de la migration à travers son monumental récit « Adieu mon frère », sorti en 2008 chez Grasset, combinant autobiographie et bribes de témoignages.

« Je n’ai pas vécu l’exil. Je continue de me battre dans mon pays, dans ma terre natale. Au nom de ceux qui sont partis, je demande aux autorités de donner une chance à la population afin qu’elle puisse rester chez elle au risque d’être victime de vols, de viols ou pire de mourir en essayant de changer de vie », requiert Alexa qui a profité de l’entrevue pour remercier tous ceux qui l’ont soutenue au cours de sa carrière musicale : Belot, Sony Lamarre, Milove Nazaire, Stéphane Saintus.

Voyager en avion n’est pas la seule option de gens qui font choix de partir, certains risquent leur vie sur de frêles embarcations pour s’offrir un meilleur avenir ailleurs.

 Au cours de l’année 2021, plusieurs cas de naufrages ont été répertoriés. Le dernier enregistré remonte au mois de décembre aux larges des Iles Turks. Au moins sept migrants haïtiens y ont laissé leurs peaux. Dès le lendemain de l’incident, les rescapés exigeaient l’ouverture d’une enquête internationale car selon eux, le drame n’était pas anodin.

Accidentel ou provoqué, la possibilité d’arriver à bon port quand les ressortissants choisissent les bateaux de fortunes sont minimes et très risqués. « Yon ti jès, yon tandrès, yon favè ak yon lonè pou yo », souffle la chanteuse.

Diane Bussereth


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