Si la nuit est libre ailleurs, elle est ici partout menacée. Bâillonnée. Et, nous sommes menacé.e.s avec elle. Contraint.e.s, toujours, de nous habituer à son silence qu’à nous déclarer à elle, malgré l’envie. La nuit est fusillée. Kidnappée. Violée. Rendue laide.
Le 31 décembre est une de ces dates, où malgré tout, on essaie ici de posséder la nuit. Pour la faire ressembler à autre chose. Sinon, de nous y risquer profondément. Généralement, on la possède désordonnée, la nuit. Sans plan apparent. Ce qui est juste, puisqu’elle a toujours été difficilement vivable, disponible à être prise à volonté. Mais cela doit forcément avoir un autre ton, être l’esquisse de quelque chose, quand tout un réveillon poétique est proposé par l’association Banquet poétique au 31 décembre au Centre Pen Haïti, sis à Delmas 75, Rue Levasseur:
« On veut réapprendre les caprices de nos villes la nuit, la passion des rues quand il fait minuit et la froideur du macadam par imprudence à l’alcool. » nous confie Cherlie Rivage, coordonatrice de Banquet poétique, structure qui organise le réveillon.
Si l’on saisit son propos dans sa chair, on comprend mieux que le réveillon, loin d’être au diapason de la mode, est l’ancrage à une décision de se réapproprier la nuit. Ce qui est mieux perçu, quand elle ajoute, pas sans évoquer la mort: « pour mourir, il faut d’abord vivre. Alors vivons insoumis.e.s et osons défier les limites. »
La poésie est depuis toujours le lieu privilégié de la résistance à la nuit. Quelque puisse être la forme prise. C’est Char qui écrit que « la réalité ne peut être franchie que soulevée ». Si le réveillon poétique que nous propose « Banquet poétique », ce 31 décembre à partir de 7 heures du soir se fait réappropriation de la nuit, il se fait possibilité aussi d’échanger depuis un lieu qui ne blesse pas les fleurs avec, entre autres moments, les auteur.e.s Inéma Jeudi, Darly Renois, Celimène Bastia qui signeront leur titre respectif. Mais enfin, de retrouver la poésie bien dans sa définition : le ferment de l’altérité. « c’est toujours merveilleux de commencer une nouvelle année dans le partage et dans l’amour et si c’est la poésie qui sert de levier, de base pour que cet amour, ce partage prenne corps, alors c’est tant mieux. »
Le théâtre de cette belle nuit agrémenté d’un bouillon. Cerise sur le gâteau, avec seulement 1000 gourdes ( le prix des tickets, à retirer à l’avance) , les participant.e.s partiront avec le titre signé d’un des auteurs disponibles et un beau T-shirt frappé du logo de banquet poétique.
Adlyne Bonhomme