Il fallait être collé.e à son smartphone ou son ordinateur, ce jeudi 17 Février 2022 dès 18 heures, pour régaler aux premières loges, le premier concert virtuel de ” LIMINASYON”, une production de la compagnie Bazou, diffusée en partenariat avec l’Institut Français en Haïti.
“Nou respekte tout lakou lwa yo/ Lapriyè pou n mande pasaj”, une séquence du morceau éponyme de l’album LIMINASYON, ouvre le concert semblable à l’initiation d’une cérémonie religieuse. Sous un fond noir épais comme si la silhouette pouvait disparaître à tout moment dans la profondeur de l’obscurité, un danseur torse nu effectue une chorégraphie sous la complainte de ce dit morceau. Le bas enroulé d’une simple carabela nouée jusqu’à la ceinture, deux assiettes plates blanches dans chaque main, en la personne de Mackenley Georges, ce danseur dessine avec finesse ses mouvements: tantôt replié sur ses genoux, tantôt les bras tendus dans le vide avec les assiettes comme s’il invoquait une présence singulière. C’est donc ainsi, qu’en guise de propos de bienvenue ou quelconque autres salutations, le public, qui rejoignait petit à petit le live, se retrouvait vite dans un moment de consécration.
La diversité au rendez-vous
Plus d’une dizaine d’interprétations se sont défilées lors du concert virtuel de LIMINASYON: des morceaux de l’album, des textes, de l’instrumental. Les costumes, pour la plupart de couleurs vives, changeaient à chaque représentation tout aussi bien que le décor. Et comme un rideau qui se lève au déroulement de chaque acte en théâtre, les différents moments du concert étaient séparés par des chorégraphies ou des morceaux de textes qui se défilaient à l’écran.
Les chansons disponibles sur l’album LIMINASYON et reprises au cours de ce concert, font principalement écho à la lutte pour les droits humains. Elles explorent des thèmes comme: les violences faites sur le genre, l’homophobie, l’intolérence, l’absence, le non-respect, la résilience; pour ne préciser que ceux-ci. D’une voix commune, électrisée par l’émotion, les chanteurs et chanteuses, ont chanté ces situations quotidiennes qui gangrènent notre société et que les personnes qui devraient être concernées, font semblant de ne rien voir. Combien devait-il en être cruel de ne pas être entendu quand on a tant à dire? Combien devait-il en être pénible pour une victime de ne pas être crue même par ses proches lorsqu’elle dénonce son bourreau? Refren doulè, interprétée par Néhémie Bastien, exprime cette triste réalité. Debout face au micro, bougies à ses pieds, les cheveux remontés en chignon et décorés de fleurs rouges, munie d’une large robe de couleur verte et accompagné que du piano et d’une guitare , l’interprète de Freda, donne tout. Ce sont les cris étouffés de ces jeunes enfants dont l’inonnence est souillée par des proches de la famille et que des parents comme la mère, le père ou encore la tante, refuse de croire. Et troublée par la marée de sentiments partagés que procure ce morceau, on se sent presqu’écorché.e vif ou vive en l’écoutant.
Le concert LIMINASYON a aussi rassemblé une pléiade d’artistes et de musiciens. L’invité spéciale Fabienne Denis, une grande voix de la musique vodoue en Haïti, s’est ralliée aux voix de: Ketsia Vaïnadine Alphonse, Vanessa Jeudi, Néhémie Bastien, Charline Jean-Gilles, Ralph Valéry Joe Alfred, Makenson Brutus, Hadler Chéry, Estalove Woklo et Dérilon Dérilus Fils.
Impressions & moments forts du concert
Tout au long du concert, ce qui fait l’avantage d’un live bien évidemment, le public n’a pas manqué pas de réagir sans cesse pour alimenter une belle audience. Les réactions fusaient en plus de dix par seconde. À chaque fois qu’un morceau se diffusait, les internautes donnaient littéralement leurs impressions et écrivaient par moment le nom de l’interprète ou des interprètes en commentaires. Celleux, à citer Néhémie Bastien,Vanessa Jeudi, Ketsia Vaïnadine Alphonse ou encore Makenson Brutus, répondaient avec joie. C’était un fort moment de complicité, de partage et de solidarité.
Sur les seize morceaux disponibles sur l’album, douze ont été repris. Parmi lesquels: le fameux titre Lantouray que certains internautes prenaient plaisir à écrire les paroles en commentaires, Pinga, Ti bout Souf, Congo, Legba, Gade Lorizon, Brav…
Et pour clôturer le concert, comme une maestria dirige son orchestre, Fabienne Denis, sublime dans sa longue et large robe noire, accessorisée d’un collier et de bracelets aux poignets, menait la cadence du dernier morceau: Koulè lanmou. Dans une ambiance fort décontractée, chaleureuse, micros en main, pas de danse et corps en mouvements, les artistes prêchaient la tolérance et revendiquaient ce droit naturel qu’ils ont d’être différent l’un de l’autre, en couleur, en orientation sexuelle et en tout point.
“Mwen mande w respekte chwa m sou sam santi, sou moun m renmen ak tout sa map viv…”, ont-ils chanté en choeur, sous les doigts du percussionniste Cisco qui accompagnait les autres musiciens.
Jessie Lisa A.R TATAILLE