Tire Baton, une pratique sociale, culturelle, martiale et historique en Haïti

Spread the love

Il est 10h du matin, une dizaine de jeunes hommes et femmes sont réunis au local du centre culturel Anne Marie Morisset à Delmas. Solennellement, dans un enchaînement de mouvements lents et contrôlés, l’écrivain Lyonel Trouillot se place devant l’assemblé et dit d’une voix rocailleuse: saluez le bâton. 

Alors, d’un seul chœur la foule mime un salut solennel. 

En effet, il faut saluer le bâton avant l’affrontement. Celui qui tient le bâton doit aussi faire attention à la manière de le tenir car la position du bâton dans la main de son manieur rentre dans une sémantique propre.  

À titre d’exemple, au son de la phase hors de salut, les pratiquants laissent tomber la posture offensive pour revenir à une posture normale, qui indique la fin des hostilités. 

Pratiquer dans le département de l’Artibonite et la Grand Anse, le bâton est un art martial haitien hérité de l’Afrique. Comme son confrère la capoeira  pratiquée au brésil, le bâton mélange danse, croyance spirituelle et pratique martiale. 

D’après Lyonel trouillot, qui détient le titre de maître dans la pratique, on retrouve des traces de cet art dans les écrits de Moreau de Saint Merry. Malgré sa longue existence, c’est une pratique peu connue et ce, des haïtiens eux même, alors qu’il s’agit d’un patrimoine important à plusieurs égards.

Pour l’anthropologue Emmanuel Chéry, le caractère sacré du tiré bâton vient du fait que cet art a en grande partie servi dans les mouvements révolutionnaires pendant la colonisation.

Il existe peu d’études sur les techniques martiales utilisées lors de la révolution haïtienne. Cependant, il ne fait aucun doute que la pratique du tire bâton que nous connaissons ait servi à l’indépendance de l’ancienne colonie française. 

Dans un article intitulé: Les femmes guerrières haïtiennes et le rôle des arts martiaux africains et des traditions militaires, l’auteure K.Y. Ajani fait le lien entre la révolution haïtienne et l’influence qu’ont eue les divers pratiques martiales africaine, durant cette révolution. Parmi les pratiques martiales africaines en question, elle cite le tahib, qui utilise lui aussi des bâtons en guise d’armes. 

L’historien Gabriel Hilaire, quant à lui, fait un lien direct entre les *kalinda haïtienne de la période coloniale d’avec le tire bâton.

Selon lui, on ne parle pas assez des moyens techniques qui ont amené à l’indépendance haïtienne. Si une partie de l’armé indigene avait reçu une formation officielle dans le maniement des armes à l’exemple de Toussaint Louverture, le reste des soldats avaient développés les techniques de combat au corps à corps qu’ils avaient non seulement importer de l’Afrique, mais aussi trouver sur l’île, chez les Amérindiens et plus tard chez les marrons. 

-L’armée indigène n’avait certes pas les moyens techniques de l’oppresseur affirme l’historien, mais ce n’était pas le groupe d’hommes innexpérimentés et sans défenses qu’on pourrait croire au vu de l’histoire enseignée aux enfants, affirme t-il. 

Aujourd’hui, des figures comme Guy Gérald Ménard et Lyonel Trouillot militent pour une meilleure connaissance de cet art martial sur le territoire national. À cet effet, Ménard est revenu sur un des principaux maîtres de cette technique de combat, Mèt Jonas, qui fut aussi son professeur. Trouillot quant à lui, anime depuis plusieurs années des ateliers pour hommes, femmes et enfants. Parmis ces élèves récents, nous comptons la comédienne Esther Monpoint et le rappeur Rebèl Pa ka mò. 

Cet art, au même titre que d’autres pratiques culturelles du peuple haitien est un patrimoine et mérite que la communauté universitaire et les spécialistes du patrimoine s’y intéressent. 

Melissa Béralus


Spread the love

Leave a Reply

Your email address will not be published.