Centré sur la pratique du « dlo cho » après l’accouchement, le projet documentaire « Sere bouboun », pour lequel la jeune photographe Phalonne Pierre-Louis est sortie lauréate du Fonds pour la Photographie Émergente en Haïti ( FPEH) , part à la rencontre des femmes de la ville de Hinche.
« Sere bouboun » questionne une tradition vieille de plusieurs générations : la pratique du « dlo cho » après l’accouchement, celle où les nourrices sont appelées à s’asseoir sur un saut rempli d’eau chaude, touffue sous un drap épais de la tête jusqu’aux pieds. Pratique très prisée dans les milieux reculés, elle permettrait, si l’on en croit la croyance populaire, de muscler ou de resserrer le vagin. Cependant, question qu’il est d’autant plus nécessaire de soulever, c’est le regard de l’homme sur celle-ci. C’est comment cette tradition s’intègre- t-elle dans une représentation de la féminité ? Se resserrer le vagin, parce qu’apparemment après l’accouchement celui-ci perd un peu de sa tonicité, n’est-ce pas une pratique qui s’accompagne d’un enjeu social qui ramène à nouveau au centre de débat le patriarcat?
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Porté par la photographe Phalonne Pierre-Louis qui travaille depuis maintenant trois ans sur ce projet, « trois ans de recherches et de prise d’images », nous dit-elle, « Sere bouboun », lauréat au FPEH, va à la rencontre de certaines femmes dans la ville de Hinche pour comprendre leur perception de la pratique. Toutes ne la conçoivent pas d’ailleurs de la même façon. Ce projet lève donc le voile, poursuit-elle, sur la manière dont chacune des hinchoises s’approprie cette pratique et la place qu’occupe l’homme au regard de cette tradition.
« Je dresse le portrait de quelques personnes, hommes et femmes, de la communauté hinchoise pour comprendre les enjeux sociaux liés à cette tradition ancestrale », explique l’auteure.
Phalonne Pierre-Louis, en tant que lauréate, bénéficiera d’une bourse de production et sera accompagnée de Maya Inès Touam pour les besoins nécessaires liés au projet. Mis à part l’exposition prévue par le FPEH pour la restitution de tous les travaux primés par la Fokal, la photographe affirme ne pas avoir, pour le moment, des idées claires en tête à propos du tournant définitif que prendra son documentaire. Car, selon elle, réaliser un projet photographique est un voyage au cours duquel elle apprend à mieux appréhender le sujet et se positionner face à lui.
« En dehors du travail que j’effectue sur le terrain, travailler sur un projet implique bon nombre de recherches au niveau de la production qui doivent avoir lieu avant, pendant et après les différentes prises de vue. Moi, dès que je me penche sur un sujet, je tiens à développer un rapport intime avec mes personnages. »
À propos du Fonds pour la Photographie Émergente en Haïti, Phalonne affirme que c’est la seule initiative qui, jusqu’à date en Haïti, soutient les photographes avec leurs projets. Elle est ravie d’être l’une des deux lauréates. Ce qui lui montre la nécessité pour son projet mérite « d’être approfondi et découvert par un public beaucoup plus large ».
Elle travaille actuellement sur son premier long-métrage documentaire portant le même titre, « Sere bouboun », que le reportage photographique mais diffère de celui-ci dans la mesure où les deux travaux ont utilisé des médiums différents.
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Lauréate d’une bourse de développement du Fonds Jeune Création Francophone en 2021 avec le film, Phalonne Pierre-Louis est la vice-présidente de l’association KIT Media et membre de Fotokonbit.
Jessie Lisa A.R TATAILLE