Retour sur la Ligue féminine d’Action Sociale et son héritage

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Il est important de revenir sur la ligue féminine d’action sociale car en plus d’avoir ouvert la voie pour les questions féministes et féminines dans le débat public dans le pays  a aussi permis dans une certaine mesure à poser les bases du féminisme contemporain que nous retrouvons aujourd’hui en Haïti, c’est à dire un féminisme qui prend en compte les réalités sociales, historiques et économiques des femmes haïtiennes afin de contribuer à résoudre les problèmes particuliers auxquels elles font face individuellement et collectivement.

C’est en 1934 qu’est créée la ligue sous l’impulsion de Yvonne Sylvain Bouchereau, première femme medecin du pays et militante politique qui s’est battue toute sa vie pour que les femmes haitiennes aient accès à l’éducation, mais aussi à une formation politique. Dans la perspective de participer à l’opposition face à l’occupation américaine, il n’est pas étonnant que toutes les femmes qui se sont réunies pour créer l’association aient été des femmes impliquées dans la militance et comptant de nombreuses actions dénonçant l’occupation états-unienne du pays. Dès sa création, la ligue s’applique à donner des espaces de parole et de visibilisation aux femmes. C’est ainsi qu’est créé en 1935, le journal « Voix des femmes », qui est l’organe de propagande de la ligue. Dans la suite de la revue  « La Semeuse », créée et dirigée par des femmes, Voix de femmes dénonce des cas de violences de tous genres, dont des violences conjugales. Elles ont fait paraître leur programme politique, qui recommandait l’amélioration de la situation économique des femmes, mais aussi de leur condition physique et sociale, tout en appuyant sur la nécessité pour ces dernières de bénéficier des mêmes droits civiques et politiques que leurs pairs et concitoyens.

Les réactions face à la ligue ne se sont pas faites attendre, c’est ainsi que le gouvernement de l’époque interdit qu’elle continue ces actions et la promotion de la formation politique des femmes dans le pays dans laquelle elle s’était lancée. Il faudra attendre le gouvernement de Élie Lescot pour que la ligue reprenne ses activités. La ligue, suite au refus du gouvernement de Lescot d’accorder le droit de vote aux femmes et pour dénoncer son inaction face à la crise politique, économique et sociale, participera aux mouvements qui provoquèrent sa chute en 46. Sous la dictature des Duvalier les femmes en générales et la ligue en particulier verra son travail reculer de plusieurs pas, cependant, plusieurs militantes continueront leur combat dans l’ombre afin d’éduquer les femmes et hommes politiquement et de les encourager à prendre part de manière active à l’opposition à la dictature. Des campagnes d’alphabétisation seront lancées dans les villes de provinces où le plus souvent les dispensaires et les écoles font défaut. Une fois la dictature finie, Haïti verra émerger de nouvelles associations féministes héritières de la ligue, telle que SOFA, Kay fanm ou encore Fanm yo la, qui, comme pour la ligue, militent pour que le cahier des charge de la ligue soit appliqué et que les femmes haïtiennes puissent bénéficier des mêmes privilèges que les hommes haïtiens et ce, toutes classes et origines confondues.

Melissa Béralus


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