Rencontres des musiques du monde: Immersion complète dans la musique béninoise avec les Teriba

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Les Teriba, duo composé des chanteuses béninoises Tatiana et Carine Ahissou,  ont provoqué, samedi 29 janvier à la Maison Dufort, des éclats de joie, une tempête d’émotions drues. Reportage.

Elles tapent sur la peau dorée d’une calebasse, grattent un banjo, agitent des maracas et, flanquées du guitariste Gabriel Henry, ouvrent le bal avec « Gan na ho », titre de leur premier album publié en 2006. Les Teriba incarnent cette musique incandescente,  exubérante, sculptée avec minutie et couplée à des  textes chantés en langue Fon, portant l’empreinte d’une longue tradition musicale béninoise. Elles avancent, pieds nus, vers la scène avec un refrain a capella qui gicle dans leur poitrine, sur une cour pleine à craquer et qui s’est tue dès les premières notes  distillées. Et c’est tout un bouquet de mélodies rêches qui se déplie sous les yeux amusés du public happé par le charme renversant et le charisme  d’un duo débordant d’énergies, expressif, escaladant les aigus, flottent leur voix ample sur plus de dix morceaux qui ornent leur discographie. « Agogo », « Ago helou », « Atakoun »,  « Nguélé », « Nonvi », « Tololo », « Hondon sal »,  «Fames», «Kpede», «Ewa», «Kinimonche».

Un prénom et un nom

Une aura jamais démentie. Un prénom  qui scella à jamais leur destin ? En Langue Fon, Teriba signifie, humilité, grand respect.  Ce groupe passé de cinq à deux chanteuses béninoises, unit aujourd’hui les deux sœurs Tatiana et Carine Ahissou, il existe depuis 15 ans et a trois albums au compteur. « Dans la culture Béninoise, la femme se doit d’être humble. Ce nom nous a  été imposé d’une manière spirituelle et étant originaires des Yorubas, on l’a tout de suite adopté », dixit Tatiana.  

Elles utilisent dans leur musique des instruments de percussions, principalement le tambour bemdré et la calebasse. Ce sont des instruments typiquement béninois et faits de manière traditionnelle. Pratiquer ce style inspiré de la tradition du Bénin est né d’une volonté  de mettre en lumière la richesse culturelle du pays, de promouvoir le vodou, base même de leur démarche.  

Mais la calebasse charrie une histoire plus singulière, cache une réelle lutte pour l’égalité des droits.  « La calebasse est un instrument que nous avons adopté et arrangé à notre image.  On n’avait  pas le droit de jouer des instruments à peau comme les hommes. On a donc  créé et joué une percussion qui nous ressemblait et qui racontait  notre histoire ».   

Rencontre Haïtiano-béninoise

C’est dans le cadre des Rencontres des musiques du monde, évènement musical annuel créé par les associations Tamise et Caracoli, que les Teriba se sont produites samedi 29 janvier à la maison Dufort. C’est leur première visite en Haiti, première République nègre qu’elles voulaient, depuis des lustres, découvrir.  Du 25 janvier au 1er février, elles co-animaient avec la chanteuse pianiste  Donaldzie Théodore une résidence artistique, montée par l’équipe du festival cette année, question de se renouveler et de créer des passerelles entre artistes étrangers et haïtiens. Ce n’est pas une rencontre,  affirment-elles,  lors d’une entrevue accordée à Mus’Elles, mais des retrouvailles.  La résidence artistique a accouché de la reprise de quatre (4) musiques à la sauce haïtiano-béninoise.

Ago helou ou le symbolisme d’une musique engagée

Les Teriba ont interprété plus d’une dizaine de titres dont quatre accompagnés de Donaldzie Théodore, auteure du morceau « Mache dwat ». Leur répertoire  questionne la condition de la femme, entend valoriser le travail des femmes qui subissent encore le poids du machisme et du sexisme. 

Dans le milieu artistique béninois, c’est difficile pour les femmes d’être artiste, chanteuse ou, encore moins, percussionniste. Elles ont dû grimper une montagne de risques, de braver les interdictions pour embrasser cette filière  et faire d’elle un espace privilégié  d’expression et de liberté.  Leur répertoire porte les traces d’une musique engagée pour la cause féministe, l’égalité des droits et des chances. C’est le cas de Ago Helou qui dénonce les violences faites aux femmes ou encore Agogo qui signifie l’heure, plaidant pour le droit à l’éducation pour tous et toutes.

Une présence sur scène forte où l’on a vu une des Teriba transpirer de l’entregent, voltiger de joie, chanter et inviter le public à la danse.  En moins de deux heures de  concert, elles ont réussi une immersion complète dans la culture musicale béninoise à travers leurs chansons teintées d’une sonorité aux couleurs multiples, convoquant une palette de rythmes nés des entrailles de l’Afrique.   L’un des moments forts du concert a été celui où le vétéran du chant, James Germain, paré d’un boubou africain, attrapa son micro et surfe sa voix éblouissante de feeling soul sur Aloumandia  des Teriba qu’il affirme avoir rencontré en Guadeloupe.

Donaldzie Théodore a procuré un instant de plaisir avec l’interprétation de son titre « Mache Dwat ».  Le concert s’est terminé en mode standing ovation où le public réclamait encore le doyen des groupes féminins du Benin à qui Haiti est culturellement et historiquement liée.

Capter les émotions

On lisait le bonheur sur tous ces visages qui sentaient une franche connexion à l’univers musical des Teriba, les émotions étaient palpables. « J’ai senti une réelle connexion à leur musique, surtout grâce à l’utilisation du tambour qui m’a donné l’impression que tout était en harmonie. Depi tanbou frape, ayisyen leve danse . M pat ka pa danse », souffle un assistant.

Par ces temps qui courent où la situation sécuritaire se dégrade, les Teriba ont dégagé de bonnes ondes et ont apporté une bonne bouffée d’air frais, déclare ce trentagénaire habitue à fréquenter la Maison Dufort.  

Les deux derniers albums des Teriba étaient disponibles à  l’achat lors du concert. Ils sont également en vente sur toutes les plateformes virtuelles de téléchargement : Mais le dernier album est disponible à l’achat sur toutes les plateformes virtuelles de téléchargement de musique : spotify, deezer, etc.

Thara Layna Marucheka Saint Hilaire


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