Le théâtre haitien est un espace d’expression artistique riche auquel nous devons des comédiennes gravées dans l’imaginaire collectif comme Florence Jean-Louis Dupuy ou Paula Clermont. Si le théâtre haitien est aussi prolifique c’est non seulement grâce au travail d’écriture des auteur-ice-s, mais aussi et surtout grâce au travail d’interprétation des comédien-ne-s qui donnent vie aux personnages. Parmi ce florilège de comédien-ne-s que les planches ont vu passer, une se distingue du lot de part sa carrière et l’influence qu’elle a eu en tant que comédienne et par la suite chanteuse.
C’est dans la ville du Cap que naît Toto Bissainthe, de son nom complet Marie-Clothilde Bissainthe, à la fin de la première occupation des États-Unis, en 1934. Très jeune, elle suit sa famille en exil en France, pour fuir l’instabilité politique dont l’occupation avait allumé les braises. Si elle ne garde que de vagues souvenirs d’Haïti, elle a quand même grandi, bercée dans les histoires de son île, et le créole n’a pour elle pas de secret.
Très tôt inspirée par le jeu théâtral, elle entame une carrière de comédienne. En 1956 elle crée la compagnie Griot, à Paris. Première compagnie de théâtre africaine en France, le nom est une référence aux compteurs d’histoires dans certains pays d’Afrique. Entre temps elle joue dans plusieurs pièces d’auteurs comme Lonesco et Beckett, tout en mettant en chanson des poèmes d’Aimé césaire et de René Dépestre.
Son travail de chansonnière passe rapidement de la mise en musique à un travail ethnographique, qui l’amène à collecter diverses chansons vaudou et populaire afin de les interpréter. À côté de son travail d’archivage, elle compose et écrit ses propres textes, elle enregistre en 1977 son premier album titré Toto Bissainthe Chante Haïti. Dedans, on y retrouve dans les paroles et la mélodie, les couleurs d’Haïti et les références vaudou qui feront sa signature tout au long de sa carrière de chanteuse.
Dans les années 70 elle publie Chants Populaires d’Haïti. Avec les griots, elle fait des tournées dans toute l’Europe et en Afrique se faisant ainsi connaître un peu partout et servant de passerelle entre Haïti et l’alma mater.
Au-delà du talent de Toto Bissainte, c’est son travail de gardienne de la mémoire et du patrimoine culturel haïtien qui marque les esprits. Elle a su réinventer la musique populaire haïtienne en y ajoutant une touche d’authenticité, facile à reconnaitre.
Au-delà du talent de Toto Bissainte, c’est son travail de gardienne de la mémoire et du patrimoine culturel haïtien qui marque les esprits. Elle a su réinventer la musique populaire haïtienne en y ajoutant une touche d’authenticité, facile à reconnaitre. Et pendant que la dictature des Duvaliers plongeait les habitants dans la peur et dans l’exil forcé, elle faisait un travail d’ambassadrice du pays en Europe et en Afrique, devenant une icône de la musique afro caribéenne. De plus, son influence sur les créateur-icess contemporains est incontestable, l’un des exemples les plus flagrants est dans l’envie de la metteure en scène Dieuvela Etienne, qui a nommé sa compagnie de théâtre après la chanteuse.
En 1983, elle sort son second album, qui vient quelque temps avant la chute des Duvaliers qui lui permet de revenir s’installer dans le pays. Elle s’intègre en 1994 après avoir consacré sa vie entière à chanter Haiti, sa souffrance et ses traditions.
Melissa Béralus