L’exposition « Ijans » du collectif K2D qui se poursuit jusqu’au 25 février au Villa Kalewès, à Petion-ville, compte une seule photographe femme: Valérie Baeriswyl.
2007, elle dépose ses valises à Port-au-Prince, sillonne de nombreuses villes de province, collabore à des journaux locaux et intègre, quelques années plus tard, un collectif de photographes professionnels. Mus’Elles est allée s’enquérir de ce que ramène l’œil et la lentille de cette photographe suisse passionnée. Le sujet photographique qu’elle traite dans le cadre de l’exposition « Ijans » porte sur un espace boisé ou l’on pratique la coupe effrénée des arbres. Après « Bonne vie à deux : pour le meilleur et pour le pire », son premier livre photographique sur les cérémonies nuptiales en Haiti, Valérie pose cette fois son œil de photographe haut calibre sur la Forêt des pins.
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Depuis la galerie de Villa Kalewès, certaines photos de l’exposition scotchées sur des surfaces faites de contreplaqués soulèvent une kyrielle de questionnements sur la problématique de l’environnement. D’autres sont soutenues par des tiges métalliques. Des affichages de notes expliquant le contexte de l’exposition aussi. Le tout témoignant de cette ambition qui est celle de livrer un message : l’environnement est un bien commun à protéger. Se trouvent accrochés, à droite de la première salle, les clichés de Valérie Baeriswyl en couleurs et verticalement posés sur le mur. Neuf photos posées là, empreintes de limpidité et qui fonctionnent comme un véritable récit qui se tisse au fil des prises.
« L’état de conservation de cette forêt est déplorable, en raison de la déforestation due aux pâturages, aux collectes de bois de chauffage et aux incendies causés par l’homme. Chaque année, des hectares de plus sont incendiés, volontairement ou par négligence. Le déboisement n’est pas sans conséquence sur l’environnement et sur la population. Il accentue l’érosion des sols, ainsi plusieurs millions de tonnes de sols s’en vont dans la mer chaque année », a-t-on lu sur une affiche au bas des images.
La caméra de Baeriswyl met à nu la pression que subit la Forêt des pins en prenant des clichés qui, parfois, illustrent un homme abattant un arbre. D’autres montrent une femme remplissant des sacs entiers de charbon ou encore un camion saturé de ces sacs qui quittent la forêt. Ces photos poignantes racontent l’exploitation à outrance dont on en fait et mettent plus d’un en garde contre le danger auquel cette réserve de plus en plus éprouvée par les habitants se trouve exposée.
Dans d’autres clichés, la photographe capture des scènes de combat de coq, de jeu de poker. Mais surtout, la celebration d’un mariage : cette pièce est affichée en première loge, si l’on parcourt le mur ayant les clichés de l’artiste à partir de l’entrée.
Un poumon vert vital
Cette profusion de vie que l’on découvre à travers certaines photos de Valérie soulève d’autres questionnements : une forêt devrait-elle abriter une population d’une telle densité ? Ces gens se trouvant sans emploi réel qui habitent cet espace, jouant au poker et s’adonnant au combat de coq, se serviront-ils plus abruptement de la coupe des arbres pour survivre en les transformant en monnaie de change, mettant davantage en péril la forêt ?
Baptisée « Ijans » et fruit de quatre années de travail d’une équipe de rédacteurs, photographes et vidéastes, cette exposition a pour thème L’environnement dans tous ses états. Elle rassemble une belle palette de photos en couleurs et en noir, montrant l’environnement haïtien sous divers angles, dessinant surtout et avant tout la fragilité d’un lieu qu’elle sensibilise à protéger.
Cette exposition montre des lieux et des situations pouvant agir plus positivement sur le comportement des citoyennes et citoyens appelés à préserver ce bien commun. Mais ne devrait- elle pas aussi inciter les autorités concernées à la préservation de ce poumon vert, si vital mais qui se dégrade sous l’œil impuissant de nous toutes et de nous tous?
Adlyne Bonhomme