Marie Maxline Saintil et son goût du conte

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Marie Maxline Saintil est native de Petit-Goâve. Elle a fait des études en lettres modernes à L’école Normale Supérieure à l’université d’État d’Haïti. Elle est comédienne et conteuse. Maxline est l’aînée de son père et la huitième enfant de sa mère qu’elle confie n’avoir connue que de nom.

Maxline Saintil et moi sommes rencontré avec plus d’une heure de retard par rapport à l’heure prévue pour cet entretien. Elle a été coincée au niveau de la route de Plaine du cul-de-sac par le bouchon habituel, mais qui était renforcé soudain par la guerre des gangs armés. Elle m’arrivait pressée et visiblement affectée :  le choc, me dit-elle, d’un jeune homme tué par balles sur la route. Nous nous en plaignions impuissantes, le temps de nous installer sur un muret de la cour de la Maison Dufort, à côté  de quelques  fleurs en pot. C’est là, à cet endroit un peu frais, que s’est déroulée calmement notre conversation.

Maxline a dû vivre dans un premier temps avec sa marraine jusqu’à ses 9 ans. Après la mort de celle-ci, elle a retrouvé une tante avec qui elle a vécu pendant de nombreuses années.

« Cela se passait de cette façon-là, parce que mes frères et sœurs aîné.e.s ne voulaient pas que (ma) leur mère ait d’autres enfants », confie Maxline désolée.

« Ma tante était dure et donnait du bâton en veux-tu en voilà. Mais elle était aimante à sa façon. Elle était une victime aussi de sa mère, qui croyait la battre pour la protéger. C’était une forme d’amour qu’elle croyait nous donner », avoue la normalienne . Elle était dure mais lui a toutefois inculqué les valeurs du travail, entre autres. Et surtout, comme femme, celle de ne jamais attendre qu’un homme la prenne en charge.

S’il y a eu du difficile dans ses rapports avec sa tante, elle a connu aussi du terrible à la maison de celle-ci. Quelque chose qui ne la quittera peut-être jamais : les 3  tentatives de viol qu’elle a subies, deux du mari de sa tante et l’autre, d’un autre proche, entre13 et 17 ans.

Le comble, dit-elle, « c’est de rester dans la même attitude pour éviter d’être celle que blâme la société. Et surtout, ne rien piper pour éviter qu’il n’y ait écho et pour éviter que la réputation de la famille ne soit en danger».

Les premiers contacts avec les livres

« J’ai découvert les livres très tôt dans ma vie, grâce au fait que les filles et fils de ma tante aimaient lire et ramenaient à la maison en particulier des  livres de la collection « Arlequin ».

Les racines de cette passion précoce pour les livres allaient être nourries, confie Maxline, du fait de son besoin parfois de s’isoler du reste de la maison. À chaque isolement donc, toujours un livre. « Je m’enfermais pour lire », dit-elle.

Ça a pris ensuite des proportions, quand les fils et les filles de sa tante atteignaient les classes littéraires. « Je les suivais dans leurs lectures et leurs devoirs de résumé de textes. », dit-elle, soulignant que ce goût pour les livres l’a bien suivie après au lycée.

La passion de conter

Maxline fait du conte une autre forme de vie à l’intérieur de sa vie propre. Et cela ne vient pas comme un coup de magie.

« Le goût pour le conte, cela remonte déjà au temps où je vivais avec ma mère adoptive, qui était voduisante. On était plusieurs gosses. Elle ne nous tapait que fort rarement. Quand nous faisions quelque chose qui lui déplaisait le jour, elle nous réunissait la nuit et nous contait une histoire. Dans l’histoire contée, elle fait exister un personnage qui fait quelque chose proche de ce que nous avons fait. Elle tue le personnage après pour ce qu’il à fait ou lui donne un sort exagéré. Nous partions dormir avec cette peur dans la tête et c’était difficile après de refaire la même chose ».

Si le goût se formait pour le conte chez Maxline avec sa marraine, il lui fallait un jour de l’année 2013 rencontrer Chelson Ermoza et Jimmy pour se réconcilier avec ce moment de l’enfance et s’y jeter depuis à corps perdu.

Depuis 2014, Maxline se forme en conte à travers des programmes mis en place par Foudizè Théâtre avec des formateurs tant haïtiens qu’étrangers. Ces formations donnent des techniques à la fois sur la manière de conter mais aussi sur celle d’écrire des contes.

« Je conte dans des écoles un peu partout dans le pays, à Lascahobas, à Port-au-Prince et à Petit-Goave, entre autres », explique Maxline, qui croit que le conte a vocation de véhiculer les mœurs et les coutumes. Mais aussi d’éduquer, voire même d’instruire.

« Les gens sont plus aptes à apprendre en riant. Quand on est dur avec les gens, ils apprennent peu », dit la conteuse, qui voit dans le conte cette possibilité à faire couler une histoire et faire prendre conscience à des gens.

Un conte peut amener à agir autrement. « Des enfants peuvent changer d’attitude envers les gens en leur montrant un enfant compensé à travers un conte, pour avoir été respectueux des grandes personnes », explique la conteuse, qui croit que l’acculturation vient aussi de ce que nous laissons ces traditions s’effriter.

La conversion au protestantisme est parfois un facteur qui tue le conte. Car une fois convertis, les gens délaissent le conte parce qu’ils l’assimilent avec le vodou.

La vie de la scène

Difficile de l’imaginer, mais ceux qui font la scène et se trouvent souvent devant un public savent avoir du trac. Un peu comme ceux qui ne sont sur scène qu’accidentellemnt

 « 5 minutes avant de jouer, les gens qui me regardent bien, me voient trembler. Je suis très timide. Mais une fois avoir pris contact avec le public, je me sens bien dans ma peau», dit elle.

« Quand je conte, je laisse l’histoire couler. J’y prends plaisir. Parce que je me dis toujours, si je n’y prends pas plaisir, je n’arriverai pas à emballer le public », dit la comédienne, qui avoue s’être toujours oubliée pour donner toute sa place au personnage qu’elle incarne.

« Et, que de prêter mon corps, c’est une sorte de thérapie par rapport à ça », confie Maxline réconfortée.

Expérience comme femme dans le milieu du théâtre et du conte

L’expérience comme femme dans le milieu du théâtre pour Maxline :  ça oscille.

« L’expérience n’est ni facile ni difficile. Ça m’arrive une fois d’être choisie pour un rôle et de voir quelqu’un du groupe voter pour une autre. Il avait quelque chose contre moi, mais le metteur en scène était lucide et avait décidé de me laisser jouer. Le spectacle avait bien réussi, d’après le public », raconte Maxline.

« Sinon, il y a des gens qui m’appellent sur des projets, à les écouter et à mesurer leurs insistances pour m’inviter autour d’un verre, je décline », déclare la comédienne, qui ne dit pas non envisageable une aventure avec quelqu’un, mais ça se passera parce qu’elle en aura envie ou parce qu’elle l’aura tentée.

« J’aime le théâtre, j’aime y jouer, mais je ne veux la faveur de personne. », déclare Maxline, qui dit vouloir toujours mériter son rôle et non l’avoir par accointance. « Sinon, ça m’aurait fait mal et je ne serais pas fière », ajoute-t-elle.

Importance du conte dans le lien familial

Le conte est un moyen efficace pour rendre forts les liens familiaux. Maxline pense qu’il est un geste vital pour les membres d’une famille de partager des contes. Il faut à un moment poser le téléphone et, grâce aux contes, reprendre contact avec son entourage.

« le moment des contes, c’est une des rares occasions où enfants, jeunes et adultes ont la chance d’être sur la même longueur d’onde. Les adultes ont ainsi l’occasion d’écouter les jeunes et les enfants et de discuter avec eux», assure Maxline, qui dit aimer regarder des films, aller à la plage et faire la fête.

Maxline regorge aussi de projets :« Je me propose un travail de récupération de conte. Je l’avais commencé, mais j’ai dû l’arrêter pour manque de moyen et d’autres problèmes plus personnels. Il s’agit de me rendre dans des provinces, repérer les contes de chacun des lieux pour les retranscrire et en faire un recueil un peu comme Daudet et Perrot. »

Souhaitons lui du succès!

Adlyne Bonhomme


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