Magalie Marcelin, icone immortel de la lutte féministe haïtienne

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Magalie Marcelin a, au cours de son vivant, porté de nombreux chapeaux.  Avocate, gestionnaire, conteuse, comédienne, danseuse, artiviste. Celle qui a joué dans les longs métrages « Anita »  ou « Haïti dans tous mes rêves »,  est l’une des figures de proue du mouvement féministe haïtien contemporain. Morte 12 janvier 2010 lors du séisme du 12 janvier 2010, sa vie fut un hymne à l’engagement et au militantisme féministe.

Le récit de cette militante est tissé dans les colonnes de nombreux journaux dont la Gazette des Femmes où,  en 1999, la journaliste Sophie Marsolais a relaté que Magalie Marcelin, née en 1962, aurait été élevée et éduquée par sa marraine. Dès l’adolescence, vers 14 ans, elle adhère au mouvement marxiste, croyant fermement que justice sociale doit rimer avec changement politique.

Ce qui n’est pas évident sachant qu’à ce moment précis dans l’histoire de la politique haïtienne, le pays vit sous le régime dictatorial des Duvalier. Mais, comme Rodrigue le dit dans le Cid de Pierre Corneille : « Aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années ».

La pépite marxiste et démocratique grandissante dans son cœur, finit par lui faire comprendre que le climat sociopolitique du pays était anormal et injuste. Décidant de militer au moyen de l’art, elle fait  du théâtre de rue pour dénoncer la dictature, ce qui conduit  à son expatriation au Venezuela, après avoir été expulsée du pays par le gouvernement d’alors,  elle n’avait que 18 ans. Apres quelques passés au Venezuela, elle met le cap sur Montréal où elle y réside jusqu’à la fin du règne ténébreux et sanglant  des Tontons Macoutes. Elle y  a fait des études en sciences juridiques à l’Université du Québec À Montréal (UQAM)  et en gestion des coopératives à l’Université de Montréal (UM).

Legs et héritage

A son retour au pays natal en 1984, motivée plus que jamais par la cause féministe, Magalie Marcelin et Daniel Magloire fondent Kay fanm, première organisation féministe à apporter de l’assistance aux femmes et filles victimes de violences basées sur le genre.  En sa qualité d’avocate, Mme Marcelin offrait de l’aide aux  survivantes dans la préparation de leur dossier, mais en les représentant également en tant qu’avocate de manière bénévole pour qu’elles aient accès à un procès plus ou moins équitable.

Elle organise et participe à divers plaidoyers dont celui pour le maintien du Ministère de la Condition Féminine en 1997.

Elle réalise des projets en tout genre pour la réhabilitation des survivantes dont REVIV qui accueille les fillettes et adolescentes victimes de violences sexuelles. Elle promeut l’émancipation féminine, en proposant une loi sur le sujet. Elle participe à l’organisation d’un tribunal international symbolique pour la criminalisation des violences faites aux femmes en 1997 dont découle, plusieurs années plus tard, le décret-loi du 6 juillet 2005, criminalisant les agressions sexuelles et éliminant les discriminations contre les femmes .

Elle a aussi travaillé pour donner la possibilité aux survivantes de recevoir un certificat médical, utilisé comme preuve en cas d’agression, ce qui permettra aux femmes agressées d’intenter des actions en justice contre leurs bourreaux.

De mère en fille, la lutte continue

Dans la famille de Magalie Marcelin, la fibre féministe se transmet de mère en fille puisque tout comme elle, sa fille Maïlé Alphonse est féministe et s’engage activement dans la lutte pour l’obtention de l’égalité totale entre hommes et femmes, que ce soit par ces prises de positions sur les réseaux sociaux que dans sa vie de tous les jours. Ou encore en tant que chargée de projet du programme Economie sociale et solidaire. Elle a conduit plusieurs campagnes de sensibilisation, formé des travailleurs et travailleuses sociales au sein de Kay Fanm, a animé des ateliers sur les violences basées sur le genre.

Dans notre génération 2.0 où tout se passe sur le net, il est impossible de parler de féminisme et de rater Maïlé Alphonse. Elle suit visiblement les pas de sa défunte mère.

Magalie Marcelin s’est éteinte en 2010 à l’âge de 47 ans, lors du tremblement de terre du 12 janvier mais les empreintes qu’elle a laissées restent indélébiles. 12 ans après sa mort, Kay Fanm fonctionne à plein régime, la cause féministe gagne en ampleur et a fait école. Son combat, sa vision, ses prises de position politiques et publiques font d’elle une icône incontournable, quoique peu connue des profanes. Elle demeure une figure de proue du mouvement féministe haïtien contemporain qui a milité pour une  société égalitaire dont elle a tant rêvé, qui lutte pour l’obtention de l’intégralité de nos droits, une bataille qui n’est pas gagnée d’avance.

Thara Layna Marucheka Saint Hilaire


 


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