Le prix d’une vie

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Je me suis toujours demandé quel était le prix d’une vie ou si une vie valait plus qu’une autre. Ça n’a rien à voir avec la rançon qu’un kidnappeur demande quand il enlève quelqu’un et fixe un prix estimant – ou pas – la vie de cette personne par la rançon exigée. C’est plutôt une estimation sans pression et qui concerne tout le monde et n’importe qui. Est-ce que toutes les vies se valent ? Ou est-ce qu’il y a certaines qui comptent plus que d’autres ?
Certains iront à se dire qu’on est tous pareils, peu importe la fortune ou l’infortune, on finira tous dans un trou à se désosser, à puanter tout seul, jusqu’à ne devenir qu’un souvenir. Oui mais en étant vivant, qu’en est-il ? Nos vies ont-elles toutes les mêmes valeurs ? Un pasteur, un prêtre, qui prêche ses fidèles qui le fournissent en bien, compte-t-il autant qu’eux ? Le président d’un pays compte-t-il autant qu’un simple citoyen ? Bien sûr que non. C’est le président, c’est le prêtre, c’est untel : on a tous des personnes que l’on met sur un piédestal, qu’il le mérite ou non.
D’autres diront que c’est évident, que la vie d’un pauvre ou d’une personne de la masse, ne vaut en aucune manière la vie d’un riche, à la peau blanche (comme nos « élites » ‘soit-disant’), ou encore d’un riche issu de la masse qui a fait ses preuves. Elles n’ont en aucun cas la même valeur, la preuve on peut enlever celui de l’un sans que cela n’émeute grand monde. A votre avis, lequel des deux meurtres laissera plus de gens indifférents ?
Voyez, un garde du corps qui risque sa vie pour sauver celle de la personne qu’il protège le fait-il forcément pour son travail comme quoi c’est son devoir ou parce que sa vie n’est pas aussi importante que celle de son employeur ? D’ailleurs, les recrutements ne sont pas équitables en termes d’égalité de fortune entre l’employé et son employeur ; autrement dit, j’achète ta vie pour me sauver parce que la mienne est beaucoup plus importante que la tienne ou parce que j’ai une mission à accomplir et toi, la tienne est de me protéger pour que j’y arrive. Prenons un autre exemple, l’assassinat du noir qui a suscité le flot de revendications (Black Lives Matter) au niveau mondial en témoigne : la vie de certains ne vaut pas autant que d’autres et c’est très bien expliqué dans le film « The Hate U Give », le policier (noir) a dit à l’actrice jouant dans le rôle de Starr : ‘‘si c’était un blanc, je lui dirais les mains en l’air d’abord’’, alors que pour un noir il n’hésiterait pas à tirer.
C’est ainsi qu’on nous a forgés : à croire que certains nous sont supérieurs, que certaines vies ne peuvent égaler en rien d’autres. C’est exactement sur cette base que les blancs nous ont asservis. Il faut dire que le colonialisme, le système esclavagiste a réussi son coup. Mais cela ne veut pas dire qu’on ne peut pas renverser les choses, au contraire il nous faut une autre socialisation, une autre base sociétale sur laquelle considérer l’humain : non sur ses avoirs, sur sa position ou sa couleur mais sur la base de l’humanité.
Bourdieu (1998) le dit très bien : « lorsque les dominés appliquent à ce qui les domine des schèmes qui sont le produit de la domination ou en d’autres termes, lorsque leurs pensées et leurs perceptions sont structurées conformément aux structures même de la relation de domination qui leur sont imposée, leurs actes de connaissances sont, inévitablement, des actes de reconnaissances et de soumission, mais il y a une possibilité de révolte si les dominés prennent conscience que leur domination est socialement construite et qu’il est possible de défaire les nœuds ».
Je ne sais pas si vous remarquez dans certains films américains, que des forces spéciales seraient prêtent à faire exploser une sale entière avec un seul coupable et pleins d’innocents mais avorteraient tout et repenseraient une autre stratégie si jamais il y avait un seul américain parmi eux. D’ailleurs ils le disent très bien : “Je suis citoyen des Etats-Unis d’Amérique” et ça, dès qu’ils le disent c’est comme dire : tu t’attaques à moi, tu en paies le prix fort, car leur nation est grande et forte. L’actuel président le dit bien : America first.
Elle domine sur le monde, ils sont dans les coulisses du pouvoir, ont une main mise sur notre justice, notre économie et sont aptes à décider de notre sort, de notre aptitude à vivre malgré tout, à tester notre résistance, à décider ce qu’on peut avoir sous la dent et quand on peut l’avoir, à choisir qui doit vivre ou mourir, quelle zone mériterait d’être effacée sur la carte, à nous armer pour nous entretuer ; et surtout à rire de nous, de notre naïveté à croire qu’ils font partie de nous parce que rester loin de nous n’est pas toujours la meilleure tactique : il faut se rapprocher et voir les réactions de sa proie pour mieux savoir où l’enfourcher et comment.
Ce n’est surement pas moi qui vais vous dire qu’il y aura toujours des subalternes dans ce monde, des dirigeants et des dirigés, des forts et des faibles, des leaders et des suiveurs… Mais ce n’est pas seulement une question d’argent, c’est d’abord une question de perception, de conviction (c’est aussi le cas pour la situation des femmes, tant qu’elles croient que les hommes leur sont supérieurs, elles n’iront nulle part, et le féminisme aura beau faire son chemin le poids lourd de la domination masculine restera ancrée). Tu crois que sa vie est plus importante, il en est convaincu et moi aussi je le crois, donc la machine continue de rouler avec son lot d’inégalités. C’est pour cela que la justice, l’Etat, les médias et tout le monde restent silencieux par rapport aux massacres multiples de Lasaline, aux kidnappings des gens de la masse, au rasage de Shada, et surtout et encore à l’assassinat de Mamoune Régis, de Nancy et de Sébastien. Leurs vies, nos vies ne comptent peut être pas.

Rodeline DOLY


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