Les humiliations et les injures à l’endroit des élèves sont des pratiques courantes dans les établissements scolaires en Haiti. Oui, malgré quelques bonnes intentions pour les combattre , des petits textes ici et la tentant d’aborder ce phénomène, le problème reste entier.Témoignages.
Vanessa J a 30 ans, elle est licenciée en droit, actuellement dans un programme de maîtrise en Belgique. La jeune femme a fait ses études secondaires au Lycée Marie Jeanne, une des écoles non mixtes les plus populaires qui accueillent les jeunes filles dans la capitale haïtienne. Si sonécole a marqué la jeune femme, c’est notamment à cause d’une des responsables qui, d’après les dires de divers anciennes du lycée, se permettait de les agresser verbalement.
Émue, la jeune femme se remémore la surveillante qui la traitait de prostituée, pour s’être maquillée pour venir à l’école un jour. “Sur le coup je n’ai pas eu l’impression d’être agressée. Il était de notoriété publique que la responsable n’avait pas la langue dans sa poche, et ça n’aurait servi à rien d’être outrée, elle était une adulte et moi, dans ma prime adolescence.
Si ni J, ni aucune de ses condisciples ayant subi le courroux de la surveillante n’est allée porter plainte, c’est à cause de la normalisation dans l’institution scolaire de ce genre d’agressions.
Guerdie Bonhomme qui a réalisé son travail de mémoire de licence sur la violence verbale en milieu scolaire explique que même s’il y a une disparité de genre dans la violence verbale, tous les enfants en sont généralement victimes. « Il peut s’agir de violence d’un professeur, ou un membre de l’administration sur l’élève, ou d’un élève à l’encontre d’un autre élève », explique t-elle.
Dans les deux cas, la travailleuse sociale alerte sur les conséquences à long terme qui peuvent être néfastes sur les victimes, notamment les jeunes filles qui en viennent à perdre confiance en elles, et normaliser le fait de se faire insulter, en privé comme en public.
Nous sommes plus alerté-e-s sur les violences physiques confie Bonhomme, alors qu’aujourd’hui encore nous reléguons au rang de blague les propos qu’on peut tenir à l’égard d’un-e élève.
Pour son travail de mémoire, la jeune femme a travaillé dans deux écoles publiques de la capitale qu’elle a prises comme échantillon. Il résultait de son travail de terrain que les insultes à l’endroit des jeunes filles font référence à leurs corps, ou à leur sexualité, participant de ce fait à un cercle de dégradation du corps et de la sexualité de l’adolescente. « Une élève m’a confié que même si elle tentait de répondre fermement aux agressions qui portent atteinte à sa sexualité, ou d’insulter la mère des garcons, cela reviendrait encore à dégrader une autre femme ».
L’autre handicap majeur dans la prise en charge des violences verbales en milieu scolaire est le tout pouvoir déléguer aux responsables dans certains établissements, en particulier les écoles publiques. D’après Ricardo Brunel qui enseigne à l’école a plusieurs fois été témoin des insultes proférées par un de ses collègues en salle de classe. « Malheureusement dans les écoles publiques, on manque de professeurs et non pas d’élèves. On préférera se passer d’un ou de deux élèves que d’un professeur sans compter le casse-tête tête administratif que cela comporte de faire renvoyer un-e enseignant-e de la fonction publique. », permet-il de souligner.
L’enseignant qui compte 5 ans d’expérience dans son travail confie avec une tristesse apparente que dans une école congréganiste l’enseignant ne se serait pas senti à l’aise d’insulter un ou une élève.
Bonhomme rappelle que le harcèlement verbal est tout aussi dangereux que le harcèlement physique car il peut prendre des formes contemporaines comme le cyber harcèlement. Ce dernier, qui a alerté les autorités de divers pays occidentaux comme les États- unis d’Amérique et la France est à la base de plusieurs cas de suicides d’écoliers. Le cyber harcèlement est très mesquin et peut même prendre plusieurs formes. En Haiti nous connaissons bien le revenge porn, qui consiste à poster des photos nues d’une personne, le plus souvent la jeune femme avec laquelle une personne etait en couple.
Ce harcèlement peut aussi s’illustrer par le fait de lancer de fausses rumeurs à l’endroit des élèves qui ensuite en font les frais, comme ce fut le cas pour Sarah Placide qui a eu son baccalauréat en 2021. La jeune fille se rappelle qu’on avait lancé une rumeur de grossesse à son encontre sur un groupe Whatsapp composé de plusieurs élèves de sa classe.
Pour la travailleuse sociale, il est aujourd’hui important de reconnaître et mettre en place une procédure afin de combattre le harcèlement scolaire qui s’illustre très souvent par la violence verbale à répétition m, en partie dans le milieu scolaire qui est un des principaux espaces de socialisation des enfants, et un piliers important dans la lutte pour une société plus égalitaire.
Melissa Béralus