Le roman “La dot de Sara” de Marie Célie Agnant vient d’être réédité en version bilingue créole-français aux éditions “Remue-ménage”. Cette nouvelle version sera lancée ce 23 juin et le 29 juin prochain à Montréal.
C’est la professeure Stéphane Martelly, responsable de la collection « Les Martiales » de la maison d’édition en 1995, qui a eu l’idée de cette réédition du livre en version bilingue
Invitée à l’émission Haïti autrement sur CIBL, hier dimanche avec Henry Saint Fleur, Marie Célie Agnant s’est exprimée sur cette traduction en créole de son œuvre : « je pense que c’est la meilleure chose que j’aie pu faire pour moi-même, pour mon rapport non seulement avec le pays, mais aussi avec la langue et aussi pour retrouver ces femmes qui m’avaient accueillie », a-t-elle précisé.
Parlant de femmes qui l’avaient accueillie justement, il faut rappeler que « La dot de Sara » est un roman construit à partir de récits de vie de femmes âgées arrivées à Montréal à la faveur du programme de réunification familiale. « C’est un livre qui s’intéresse à la mémoire de l’exil », a expliqué l’auteure, qui est aussi traductrice du livre.
Le linguiste Robert Berrouët-Oriol, qui précédait Marie Célie Agnant à ce même numéro de l’émission Haïti autrement, réagissait sur le débat plutôt houleux concernant la question du bilinguisme en Haïti. Le spécialiste en aménagement linguistique et en Communications institutionnelles, s’est lui aussi exprimé sur le sens de ce travail : « la publication du roman « La dot de Sara » en version bilingue français/créole est un évènement majeur, de mon point de vue, pour la littérature québécoise et pour la littérature haïtienne. C’est une excellente initiative que Marie Célie Agnant a conduite à son terme. C’est une poétesse, une romancière pour laquelle j’ai la plus grande admiration et la plus grande estime».
La professeure d’université, poète et écrivaine, StéphaneMartelly a préfacé la nouvelle version du roman.
« Ici, le créole vient en effet compléter un lent mouvement de restitution commencé depuis longtemps, vient radicaliser le propos en transformant la « dot » en « héritage » féminin, que nulle union ne viendra justifier. Cette présence du créole inscrite dans le livre vient révéler dans la langue française du récit une rythmique originelle et secrète qu’elle cachait pendant tout ce temps sous ses plis », note Stéphane Martelly dans sa préface.
Voici, ici, un extrait du livre accompagné de sa traduction en créole :
« Pour moi, Sara a toujours été une enfant bien spéciale. J’ai souvent dit à Giselle combien elle me rappelle ma grand-mère Aïda. Elle a tout d’elle, ses yeux de braise et de tendresse, ses cheveux en lianes qui me donnent tant de fil à retordre lorsque je dois les coiffer ».
« Mwen menm, Sara se te yon timoun vreman trèespesyal. Souvan m di Giselle konbyen li fè m sonje grannmwen, Aïda. Sara ak Aïda, 2 gout dlo. Je yo menm jan, ou ta di 2 boukan dife, 2 bwa dife, plen ak chalè lanmou, ak yonkalite voum cheve, w a di lyann, ki te banm kont traka lè pou m penyen l. Adje ! »
Poète, nouvelliste, romancière et conteuse, Marie-Célie Agnant est née en 1953 en Haïti et habite au Québec depuis 1970. Elle a publié une quinzaine d’ouvrages qui sont traduits dans plusieurs langues.
Marie Célie Agnant a eu entre autres distinctions, le Prix littéraire Desjardins en 1995, le Prix du Gouverneur général en 1997, Le Prix Gros Sel en 2007 et le Prix Alain-Grandbois en 2017.
Adlyne Bonhomme