La banalisation de la pédocriminalité et des violences sexuelles et sexistes en Haïti

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En 2020, nous apprenions que 74 adolescentes étaient tombées dans la localité de Beaumont. En début d’année 2023 l’Initiative départementale contre la traite et le trafic des enfants (IDETTE) publiait un rapport qui faisait état de 131 cas de viols sur des filles âgées de trois à dix-sept ans pour l’année 2022, et 107 cas pour 2021.

Toujours en 2021 dans la commune de Pestel un père de 40 ans était accusé d’avoir violé sa fille de 10 ans avant de prendre la fuite. Dans la nuit du 26 au 27 janvier dernier, lors d’une mutinerie à la prison civile des Gonaïves, 17 femmes, dont une mineure, ont été violées par une cinquantaine de détenus. En 2022, des témoignages d’agressions sur mineurs de l’école saint louis de Gonzague refont surface et les scènes décrites sont d’une violence inouïes.  Des chiffres accablants que nous pouvons lire dans des articles de journaux, dans des rapports des organisations de défense des droits humains, ou que nous pouvons encore entendre à la radio, mais qui captent de plus en plus une attention moindre, qui ne choquent plus. Ces chiffres sont jetés dans une mêlées d’informations qui noient leur gravité. Elles illustrent des histoires racontées comme des faits divers dans les médias. Tous ces cas ont en commun le silence froid et macabre de la machine judiciaire et le constat d’une impunité honteuse vis-à-vis des coupables. Mais si la police et la justice ne se mettent pas en branle pour couper court à ces pratiques, c’est parce qu’il y a longtemps qu’en Haïti, nous avons fait des violences sexuelles et sexiste des fais divers dans l’imaginaire collectif, laissant aux organisations féministes le devoir d’indignation, de colère et de quête de justice. 
Nous refusons le soin aux victimes, en particuliers aux victimes de sexe féminin parceque c’est plus facile de parler de l’insécurité dans le flou de la neutralité que d’accepter que les femmes, en tant que catégorie sociale sexisée est la plus fragile et la principale victime de cette insécurité. Principales habitantes des quartiers populaires, leurs corps et leur intimité sont utilisés comme arme de guerre dans une guerre pour laquelle elles n’ont pas signé. Et quand bien même elles se seraient enrôlées. Nous refusons à nos petites filles l’enfance en faisant de leur trauma une histoire de plus qui viendra gonfler les chiffres des Organisations non gouvernementales qui prennent le temps de les inclure dans leur statistiques. Nous aussi avons droit à la justice. 


Nous avons presque laissé les espaces de sororité être les seuls espaces de confession de ces crimes. En effet, la liste de mes amies qui confessent avoir été victimes d’actes à caractère incestieux et pédocriminel en dit long sur notre incapacité à nommer et à condamner cette violence. Même dans l’usage de la langue nous préférons dire avec un rire nerveux, ras kabrit et passer à une autre conversation au lieu de collectivement réfléchir sur des moyens de punir ces hommes (oui, disons le, se sont des hommes qui commettent ces crimes). À la place nous disons à nos sœurs/ amies/ connaissances de faire attention. Imposer à une petite fille de 10 ans de faire attention est irresponsable. C’est à nous de faire attention d’arrêter de juger et de condamner les criminels. Il faut dire les choses, combien c’est mortel d’être une/un enfant en Haïti aujourd’hui et il est temps que ca change.

Melissa Béralus


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