« Kafou yo », une pièce de théâtre sur les conséquences de la violence en Haïti

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Entre une histoire qui questionne et des comédien-ne-s à la mesure des rôles incarnés, amateurs de théâtre et simples curieux ont été transportés par un spectacle autant émouvant que beau le week-end écoulé, agrémenté de chants, de danse et de textes scandés.

 “Thedu’20” ou Théâtre du 20 est une structure théâtrale créée en 2018 par des étudiants et au sein même de l’école normale supérieure. En partenariat avec Transfòmatis, une structure socio-culturelle dirigée par Neno Garbers du Centre culturel Brésil, Thedu20 a fait une représentation de sa pièce “K-Fou yo”, le vendredi 12 aout dernier à place Boyer à Pétion ville. Ce beau spectacle, qui compte pour le lancement, entre dans le cadre d’une série d’activités nommée ‘’Teyat San Sal’’, annoncée dans des lieux publics à Port-au-Prince. Ces activités qui comprendront créations et performances artistiques vont se faire du 22 au 24 août et mettront à l’honneur le carrefour de l’aéroport.

’K-Fou yo’’, jouée sur une mise en scène du comédien et metteur en scène Marc Édouard Jean, est une pièce sur « la santé mentale ». Elle est représentée dans le format d’un théâtre contemporain, dans le sens où, a expliqué Marc Édouard Jean, se trouvaient mis ensemble plusieurs disciplines artistiques, comme le théâtre, la danse, le chant. Deux lieux collés octroyaient donc l’espace fictif, qui est le cimetière et la rue.

Le cimetière où ne sont enterrés que des personnes assassinées :  on y a vu la tombe de Jean Dominique, celle de Rospide Pétion. On y a vu la tombe de Grégory Saint Hilaire, celle d’Evelyne Sincère, celle de Diego Charles. On y a vu la tombe d’Antoinette Duclaire. Et une fosse commune où se trouvaient les noms des villes d’Haïti.

Et la rue où défilaient des fous/folles. Des fous/folles, qui le sont pour la grande majorité, à cause du fait que quelqu’un qui lui était cher ait été assassiné.

La scène se déroulait en racontant l’histoire d’un rabatteur de client (befchenn), devenu fou à cause de  sa famille assassinée à la Saline. On montrait en même temps nombre de  fous/folles qui peuplaient la rue et le voisinage du cimetière, chacun-e dans ce qu’il/elle aimait faire avant de devenir fou/folle. On rencontrait ainsi quelqu’un qui faisait du commerce, un autre qui rabattait des clients ou  un autre qui lisait…

Certain-e-s fous/folles racontaient, faisaient des gestes étranges, riaient, hurlaient. Alors que d’autres, dans un coin voisin du cimetière, donnant l’impression d’être très passifs et silencieux, exécutaient des gestes de fous qui sont plutôt évocateurs pour les spectateurs.

Et chacun de ces fous à la fin, qui se dirigeait vers les tombes pour s’adresser à son mort ou à ses morts. Certains à grands cris, d’autres caressant une épitaphe ou tapant sur une tombe.

K-Fou yo est ainsi une pièce pour dénoncer et dire le poids de la violence qui affecte la vie en Haïti et rendre hommage aux personnes assassinées. Elle s’expose un moyen pour dire les dégâts mentaux que peuvent provoquer les assassinats.  C’est par ailleurs une pièce pour faire voir la catégorie des troublé-e-s mentaux/mentales, la plupart du temps incompris. Et surtout pour montrer de ces êtres, leur côté lumineux et leur humanité.

 « Le spectacle K-Fou yo, c’est un appel à considération. Parce qu’il a mis en évidence un certain nombre de gens invisibles dans la société. Le spectacle permet de comprendre comment ils vivent leur vie et leur niveau d’humanité », a expliqué Marie Maxline Saintil, membre de Thedu20 et responsable des relations publiques de Teyat San Sal. « Mais aussi un devoir de mémoire par rapport aux personnes qu’on a assassinées et sur lesquelles nous avons mis les projecteurs»,  a poursuivi la comédienne.

« Ce n’est pas seulement la folie que nous voulions représenter, c’était aussi la cause de la folie », a confié Agenor Sophia, qui incarnait une folle dans le spectacle. « Chaque personnage avait son histoire et on pouvait le voir grâce aux accessoires que les uns et les autres utilisaient. Et chacun avait un rapport aussi avec une tombe. Dans la plupart des cas, le fou l’était par rapport à la perte d’un membre de sa famille », a-t-elle fait savoir.

Adlyne Bonhomme


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