« Déconstruire, créer » : des jeunes femmes témoignent

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Portes ouvertes, la Maison Dufort acceuille actuellement une installation multimédia baptisée Féminin Masculin- Déconstruction de l’ordinaire, qui couvre une semaine. Partant de la problématique de la violence basée sur le genre, 3 créations faites par des artistes hommes et femmes sont proposées suite à deux ateliers que le FOKAL avait organisés respectivement en 2021 et 2022.

Ce samedi 10 février, plusieurs dizaines de jeunes ont fait le déplacement pour le premier jour de l’activité. Le temps de revenir sur les impressions de quelques étudiantes et élèves qui y on pris part au vernissage. Il est 2h dans l’après-midi. Sous un ciel ensoleillé, la maison gingerbread se dresse fièrement. Son architecture historique fait penser à un siècle jadis, qui n’est pas des nôtres. Néanmoins l’histoire peut attendre. Car les va-et-vient extirpateurs des organisateur-ice-s transfèrent regards et imagination dans une autre ambiance. Au rez-de-chaussée, deux salles sont ouvertes. Séparément et simultanément, deux projections se défilent. Les plus curieux.ses s’installent déjà. Les autres tardent à s’y mettre, pour quelques minutes. 

En noir et blanc, le film expérimental, « Pourtant je m’élève » titre qui provient du poème de l’illustre poétesse américaine Maya Angelou provoque, choque et intrigue. Sous la direction artistique de Miracson Saint-val, il met en scène des corps de jeunes hommes et de jeunes femmes abordant des thématiques telles que la menstruation, l’orientation sexuelle les nouvelles masculinités, l’homophobie, le féminicide, la violence conjugale…

D’une voix timide, assez gênée cette étudiante en sciences comptables à l’Université de Port-au-prince confie s’être reconnue dans l’une des scènes du film, en proie à un ex petit violent dans le passé.  «Je me suis vraiment retrouvée dans cette protection. Il met non seulement de viol mais aussi de violence dans les relations de couple. Ce qui m’a fait penser à ma propre histoire. « En fait mon ex copain ne m’avait pas forcé physiquement « li pa t met zam nan tet mwen » mais au fond de moi je n’en voulais pas vraiment », avoue la jeune femme concernant leurs relations sexuelles. « J’ai pleuré. J’ai vraiment été touchée. J’ai compris le message. Et j’espère que d’autres jeunes femmes ne vont pas faire la même erreur que moi. Elles ne doivent pas se laisser forcer par leur conjoint dans l’idée de vouloir éviter la rupture » déclare-t-elle. Alors qu’ils ont rompu, cette dernière affirme sa difficulté à aller de l’avant. Les sequelles sont toujours présentes.

Quant à cette éleve en NS3 du lycée Marie Jeanne, elle regarde comme dans un miroir la réalité haïtienne à travers ce film. « Ce qui m’a le plus intrigué c’est la scène du viol entre deux hommes. Le violeur non seulement savait ce qu’ il faisait mais prenait un plaisir malsain à en jouir. Le fait qu’il était en train de rire a failli m’emener dans une colère noire” témoigne la membre du club de débat de Bourdon.

Look décontracté. T-shirt, pantalon en jeans. Debora Torchon explore. Elle salue le travail des artistes. “San moun yo pa pale. Ou konprann mesaj ki ap degaje a. Ou santi tout emosyon yo. En gros j’estime que l’activité est assez intéressante pour les idées qu’elle véhicule». L’ étudiante à l’ Université Notre Dame d’Haïti de la faculté Lettres et sciences humaines, exigeante, n’est pas sortie satisfaite de la création “Pourtant je m’elève ». Une œuvre qui fait cohabiter photographie, création audio, création plastique à l’étage de la bâtisse. “Je m’attendais à plus. L’exposition photo pourrait être plus artistique et stimulante » indique-t-elle.

La création «Mo-vè » conférence-spectacle d’une trentaine de minutes dénoncent de son côté, des « expressions utilisées dans le langage et l’espace public qui portent atteinte à la dignité et l’honneur des filles et des femmes” (à titre d’exemple poto mitan, fanm se kajou, ti bifet gran tiwa, timoun 2000, wana…). Artistes et spécialistes s’accentuent en chant, poésie et discours sur ces discriminations. N’ayant pas la même côte que les deux autres, elle a été fortement appréciée.

Concernant le calendrier de l’activité,  dant les 7 jours, du 10 au 17 février, il y  aura des visites guidées pour les écolièrs à partir de 16 ans, pour des membres de club de débat pour des jeunes membres d’organisation dans la société telles que les organisations féministes. Des discussions autour des projections audiovisuelles. Les artistes seront sur place pour discuter avec ces gens assure Vanessa Jeudi.

«Cette campagne de sensibilisation doit continuer. Nous en avons besoin. Surtout on est dans une période où les femmes subissent beaucoup de violences dans notre société. C’est important qu’elles soient davantage informées » souhaite cette ancienne étudiante en psychologie à l’UNDH.

Réalisée dans le cadre du projet Accès à la justice et lutte contre l’impunité en Haïti, Déconstruire, créer est à sa deuxième présentation. La première fois a eu lieu en décembre 2022 au cours du festival En Lisant. Cependant un tel travail a été offert au prix de grands sacrifices selon Vanessa Jeudi, la chargée de communication pour l’installation. Les obstacles liés aux préparations de ce projet ont été costauds.  Les artistes étaient en pleine période de peyi lòk. « On créait pendant que le pays connaissait une crise socio-politique. On avait des difficultés à se rendre dans les répétitions. On avait des difficultés à se concentrer sur les créations. On avait pas grand chose pour créer en fait. Pas de matériels. Pas de salle de répétitions ouvertes. Pas de public. Pas de scène. En tant qu’artiste on doit pouvoir créer et trouver où ejecter ces créations», se souvient la chanteuse.

En outre, les auteur.e.s des 3 créations multidisciplinaires sont nombreux.ses. On y retrouve Vanessa Jeudi, Eliézer Guerismé, Miracson Saint-val, Jenny Cadet, Ketsia Vaïnadine, Alphonse StaloffTropfort, Ricardo boucher. Des artistes comme Néhémie Bastien, Tafa mi-soleil, Charline Jean Gilles, Micaëlle Charles. Le photographe David Duverseau et le vidéographe qui est Reginald Louissaint Junior, pour ne citer que ceux, celles là.

Shylene Prempin


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