Connue sous le pseudonyme de Reina, Daphena Rémédor affectionnait l’idée de devenir médecin dans un premier temps. Une autre rencontre disciplinaire tout aussi passionnante va changer sa vision des choses. Le théâtre, pourquoi pas ? “Il n’y a pas de sots métiers” nous rappelle ce vieux proverbe français qui souligne la valeur de chaque métier, il suffit de trouver sa voie et avoir les qualités requises.
Suite à deux échecs consécutifs au concours d’entrée de la Faculté de Médecine et de Pharmacie (FMP), celle qui fait partie de la promotion Lobo capitule. Sa famille, étant aux prises à un manque de moyens financiers, ne favorise pas son entrée dans un institut d’enseignement privé. Une période assez sombre de sa vie se souvient l’assistante de programmation du festival En Lisant “J’attendais donc le prochain concours de l’UEH. Entre-temps, j’avais abandonné le choix de devenir médecin, je m’étais tournée vers les sciences humaines et sociales”. Au cours de sa préparation pour les concours de la FDSE, de la FASCH et de l’ENS, elle rencontre la Troupe de théâtre Sèk Gramsci. C’était en 2018.
Daphena Rémédor, durant cette même année, participe à l’atelier Lire et Jouer du festival En Lisant. De la étant, elle est repérée par Eliezer Guérismé, le directeur artistique du Festival. Depuis, elle avait quelque chose pour canaliser sa “colère” et sa “haine”. En effet, cette débâcle l’a rendue dépressive. “Je haïssais ma vie, j’étais en colère contre moi. Je me disais que j’étais nulle parce que je n’avais pas réalisé mon rêve d’être médecin, quoique je sais qu’au fond de moi, j’avais tout donné. Le théâtre s’est donc imposé dans ma vie comme un oasis “. Souvent dans la vie, les meilleurs choix sont devant nous.
Après avoir désormais intégré deux facultés de l’Université d’état d’Haïti, la FDSE et l’ENS, la performeuse voient dans ses expériences avec la Troupe de théâtre Sèk Gramsci de vraies séances de thérapie. Elle a pu compter sur des colonnes comme Michèle Lemoine, Gaëlle Bien-Aimé et surtout Eliezer Guérismé.
L’actuelle journaliste à Ayibopost, se confie être une grande timide, pour une telle profession. La comédienne a trouvé toutefois une astuce pour vaincre cet embarras. “Je déteste avoir les regards rivés sur moi, j’ai toujours une peur affreuse. Pourtant, mon métier réside dans le fait que je dois faire face à des spectateurs. A chaque fois, je dois donc affronter cette phobie. Pour m’y faire, je me parle. C’est toujours une conversation avec moi-même”. Sur scène, l’ancienne étudiante de Acte déclare que chaque mot, chaque phrase, chaque expression, chaque geste et chaque écoute de l’autre réside dans un échange d’abord avec sa personne. “Je me parle pour pouvoir parler aux autres. Je me libère pour être libre pour et avec les autres”. Une pensée aux effets poétiques qui provient d’une âme qui ne jure que par sa relation avec le public.
L’étudiante en sciences juridiques est également une grande fan de la mode et de la photographie. Celle qui se voit telle une spartiate, une battante, ambitionne d’une part d’obtenir un master en art du spectacle. Et d’autre part, travaille pour devenir une grande performeuse mais par-dessus tout, Daphena Rémédor souhaite avoir une carrière cinématographique en réalisation. Cependant, elle reste inquiète pour l’avenir dans ce métier qui est “riche en ressources humaines mais pauvre en ressources techniques et financières”. Elle rouspète qu’un.e comédien.ne ne peut vivre de son métier pleinement en Haïti.
Il faut toujours avoir un autre recours. “Rares sont ceux et celles qui ne font que du théâtre. En tant que professionnelle du théâtre, je devais pouvoir me dire que ça me suffit, ce qui m’aurait donné la possibilité de créer et de jouer plus. Il faut du temps et de l’argent pour avoir une liberté de création”, signale-t-elle. Daphena Rémédor, une belle et encourageante histoire de vie. À toutes, tous les jeunes de ce pays, l’avenir ne s’arrête pas qu’aux métiers traditionnels.
Shylene Prempin