Clin d’oeil sur Lina Mathon Blanchet, et son héritage

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Quand on parle de la musique populaire haïtienne aujourd’hui, on tend à penser à des artistes comme James Germain, Erol Josué ou encore à Vanessa Jeudi et Jehyna Sahyeir, mais bien avant ces artistes au talent incontestable, une créatrice dont le travail n’est pas assez mis en valeur est passé par là, afin de donner à la musique traditionnelle haïtienne ces lettres de noblesse. L’artiste en question s’appelle Lina Mathon Blanchet. 

Née le 3 avril 1903, elle fut la premiere femme directrice du conservatioire National en Haiti. Pianiste et compositrice, Lina a dédié sa vie à faire la promotion de la culture populaire haïtienne, à une époque où le discours occidental, notamment à travers le cinéma décrivait le peuple haitien comme un peuple barbare et cannibal. À la même époque, le vaudou et tout ce qui s’en rapprochait était nommé de tous les noms et mis de côté sous prétexte qu’il s’agissait de pratiques sataniques

De la même manière que Carmen Bouard -qui naîtra quelques années après elle-, Lina fit un travail presque d’ethnologue en rassemblant, écrivant, et reprenant plusieurs chants du répertoire vaudou. En effet, le vaudou étant une religion presque exclusivement orale, il y avait de grandes chances sans le travail de Lina, que plusieurs des chansons que nous connaissons aujourd’hui, ne nous soient jamais parvenues.

Le travail de Lina est d’autant plus exceptionnel qu’elle l’a réalisé à une époque où le folklore était considéré de manière générale et en Haïti en particulier, comme un sous genre de la culture, et non pas comme une représentation immatérielle de la culture. D’ailleurs à la sortie d’une cérémonie vaudou elle se fera interpeller par la police et réprimander (comme si elle était une enfant) pour avoir assister à une “chose aussi immorale”

Comme l’a fait comprendre le professeur en patrimoine Frantz Délices, “le patrimoine culturel se présente sous deux formes: Matériel et immatériel, si le patrimoine est sujet à la destruction quand il n’est pas conservé, le patrimoine immatériel est particulièrement sensible car lui, regroupe croyance, savoirs et savoirs faires”. Les chants collectés par Lina font donc partie du patrimoine culturel immatériel haitien. 

Lorsqu’elle s’installe avec son époux aux Etats-Unis en pleine guerre mondiale, elle continue son travail de folkloriste en se servant de la musique populaire pour écrire ses propres partitions. D’ailleurs, elle s’était déjà fait connaître en Haïti parce que son travail n’était pas dans la tradition classique qui copiait les sonorités occidentales, notamment françaises.  

Le travail de Lina trouvera du soutien auprès des indigénistes qui prônent le retour aux racines nationales, mais aussi culturelles, c’est-à-dire, à ce qui est propre à Haïti, dont le populaire -dans tous les sens du terme-. C’est d’autant plus compréhensif que les indigénistes voient d’un bon oeil le travail de Lina car, c’est pendant l’occupation américaine que naît cette école littéraire, artistique et politique, en opposition à la politique ségrégationniste et anti haïtienne de l’oncle sam. 

En plus de son travail de gardienne de la mémoire, l’artiste a aussi été une promotrice du travail de ces contemporains. En effet, c’est elle qui fut à l’initiative du groupe de chanteurs connu sous le nom de “Chanteurs Legba”, qui a représenté Haïti à la Conférence Panaméricaine de 1941 à Washington. 

Malheureusement le nom de Lina n’apparaît pas dans les rares cursus d’histoire de l’art que  propose le ministère de l’éducation, alors que son travail mérite d’être connu. Son travail de compositrice a presque entièrement disparu, cependant, l’importance de la contribution de Lina d’un point de vue anthropologique reste entière et pour cela elle mériterait une reconnaissance à la hauteur de Price Mars et Roumain. Si vous souhaitez en savoir plus sur elle et son impact dans la promotion de la musique populaire haïtienne, allez voir la vidéo qu’Haïti inter a réalisé sur elle et qui est disponible sur youtube via ce lien https://youtu.be/okapVc8D0_I.

Melissa Béralus


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