Camp « La Piste » : des femmes handicapées à nouveau sans abris

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Camp « La Piste », aménagé en 2010 par le gouvernement d’alors pour accueillir des femmes et d’autres personnes handicapées, a été victime d’un incendie au mois de juin dernier. Aujourd’hui sans abris, délogées à cause des affrontements entre la police et des bandes armées, elles appellent à l’aide et lancent un SOS aux autorités locales.

Il est environ 9 heures du matin. Nous sommes devant l’école communale de Pétion-ville
où des personnes, la plupart en situation de handicap, font la queue. Ce samedi, elles
reçoivent la visite d’une organisation très connue de la capitale, sur les lieux depuis cinq
heures du matin pour nettoyer l’espace et dispenser des soins appropriés dans le cadre
d’une clinique mobile.
« Ce n’est que récemment, plus précisément au mois de juin, je revenais de mon petit
commerce d’oignons sur ma chaise roulante quand des gens m’ont conseillé de
ne pas rentrer à la maison qui était déjà en feu. J’étais surprise en apprenant la nouvelle, je leur ai demandé qui avait mis le feu à mon toit. Ils ne m’ont rien dit. Ils ont seulement insisté sur le fait que je ne devais pas m’y rendre. Je n’ai donc rien pu sauver à part ces
quelques récipients que vous pouvez observer. J’ai tout perdu. », raconte tristement sœur Mireille Auguste, une quinquagénaire calée dans sa chaise roulante avec en main un bol
de bouillie et un morceau de pain.
Mère de cinq enfants, Mireille Auguste souffre, depuis l’âge de 16 ans, d’un handicap qui l’empêche de se tenir debout. Pour se déplacer, elle est obligée de marcher sur les mains. Depuis environ un mois, elle vit accompagnée de deux de ces enfants encore mineurs à l’école communale de Pétion-
ville.

A l’instar de nombreuses familles dans ce lieu de refuge, elle vit dans des conditions très précaires et inadaptées à son cas. « Je suis obligée de payer 25 gourdes à chaque fois que je veux me baigner puisque je ne peux pas marcher. Il m’est ainsi difficile de me rendre à la douche de l’école, car l’endroit est très sale, lance-t-elle désespérément.

Des conditions de sommeil inquiétantes et précaires

« Nous faisons face à de nombreuses difficultés. Nous ne mangeons pas à temps. Nous
dormons très mal et la plupart d’entre nous dorment par terre sans même un matelas.
Depuis les 25 derniers jours que je suis ici, je dors chaque soir à plat ventre. Mais, cela
me donne des ennuis au niveau du bras. A cause de cela, je dors assise sur un bloc
depuis », explique d’un ton lassant Marie Marthe Joseph, manchot, 46 ans et mère de
quatre enfants.
En Haïti, il n’existe pas véritablement de chiffre disponible sur le nombre de femmes et de
filles handicapées. Cependant, elles demeurent la catégorie la plus
vulnérable de la société haïtienne. Avec le passage du séisme du 12 janvier 2010, le
nombre a augmenté de plus de 10 %, selon des chiffres officiels.
Leurs conditions sociales se dégradent et elles se trouvent quotidiennement exposées à la violence des gangs dans bon nombre de ces quartiers populaires comme La Saline,
Cité Soleil, Martissant, Bel air et Bas-Delmas. Si rien n’est fait pour améliorer la qualité de
vie de ces femmes et des filles, leur situation risque de devenir encore plus dégradante.
« Tout ce que je peux demander à l’Etat haïtien c’est de me trouver une maison où
habiter, mon état actuel ne me permet pas d’en louer une, d’autant je suis sans emploi. Je ne demande qu’un toit. Même sans nourriture, cela m’ira. Je me sentirai beaucoup mieux
que dans ce camp », a indiqué Mme Mireille Auguste, paraplégique depuis plus de dix
ans.
Ils sont nombreux à se trouver dans cette situation, souligne Philogène Toussaint, non-
voyant, coordonnateur général de la Congrégation des Aveugles d’Haïti (COAH) et
responsable du Camp.

L’Etat, le grand absent


« L’Etat est absent pour nous autres, personnes handicapées. Car depuis notre venue dans
ce camp le 17 juin dernier, n’était-ce l’aide de quelques organisations de bonne volonté,
l’état du camp serait certainement plus critique qu’il est maintenant par rapport aux
conditions sanitaires, alimentaires et autres », déplore M. Toussaint.

Depuis son aménagement après le tremblement de 2010, le Camp « La piste » a toujours été
dans le collimateur des groupes armés et de la Police Nationale d’Haïti.
« Depuis le passage du séisme, la Croix Rouge Américaine a aménagé le Camp « La
Piste » de concert avec la Croix Rouge Haïtienne. Mais depuis, nous sommes dans le
collimateur des forces de l’ordre qui nous accuse d’être de mèche avec des bandits. C’est
une allégation que moi personnellement je reproche aux autorités haïtiennes », avance-t-il.
Selon le responsable, le Camp a déjà subi un incendie en date du 25 mai 2020 à la suite
d’une guerre entre deux groupes armés. Mais pour ce deuxième incendie, il pointe du doigt
les forces de l’ordre tout en déplorant la mort de plusieurs de ses camarades lors de cet
affrontement le jeudi 17 juin.
Pendant que les jours se défilent sans se ressembler, ces quelques femmes âgées, jeunes
femmes et adolescentes lancent un cri d’alarme à l’Etat haïtien qui, dans la foulée, tarde
encore à se pencher sur leur sort. « Tout ce que je peux demander à l’Etat haïtien c’est de
me trouver une maison où habiter, mon état actuel ne me permet pas d’en louer une,
d’autant je suis sans emploi. Je ne demande qu’un toit. Même sans nourriture, cela m’ira.
Je me sentirai beaucoup mieux que dans ce camp », a indiqué Mme Mireille Auguste.

Dougenie Archille Michelle


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