Portrait de la situation que nous avons surnommée Peyi lòk, Nap boule est un court-métrage d’Alexandrine Benjamin, étudiante finissante en cinématographie à l’université de Greenwich à Londres, dans le cadre de son travail de mémoire.
Nap boule en tant qu’ expression est populaire en Haïti. Elle signifie :” Ça va ou encore on se maintient”. C’est une manière détachée et désinvolte de dire qu’on est là, qu’on s’accroche même si la situation va de mal en pis. C’est exactement cela que la réalisatrice Alexandrine Benjamin souhaitait traduire à travers un titre comme “Nap boule” au lieu de “Lòk” qu’elle avait choisi au préalable. Elle raconte que chaque haïtien saura ainsi se reconnaître quelque soit le pays où il se trouve. D’ailleurs, ce court-métrage a pour fond le “peyi lòk”; ces troubles socio-politiques qui ont boycotté toutes activités et circulations sur toute l’étendue du territoire national pendant des mois et de manière répétitive. “ Ce court-métrage, c’est notre reflet dans le miroir car il nous permet de nous attarder sur notre situation actuelle. Il est aussi un cri d’alarme, un S.O.S ou encore un appel à l’aide pour signifier que nous n’en pouvons plus”, avoue Alexandrine.
Ericka Julie Jean-Louis, danseuse, comédienne et la lead vocale du groupe Siwomyèl; est l’actrice principale de “Nap boule”. Elle joue le rôle de Rose, l’épouse de Jean interprété par Kenny Laguerre. “ Je joue le rôle de Rose, la femme de Jean, un chauffeur de taxi moto. Rose est sur le point d’accoucher à cause d’une rupture accidentelle de la poche des eaux et doit se rendre à l’hôpital. Avec son mari, elle rencontre de nombreuses difficultés sur la route: barricades, gangs armés, et se font également kidnappés. Il arrive aussi un moment où Rose se voit obligée de prendre soin de son mari blessé d’une balle alors qu’elle-même souffre déjà atrocement. Lorsqu’ils arrivent enfin à l’hôpital, Rose ne peut bénéficier de soins car ils ont été rançonnés et n’ont plus d’argent pour payer les frais” , explique ainsi Ericka.
Pour monter ce court-métrage, Alexandrine confie qu’elle a dû procéder par “ financement participatif”. “ Sur la page officielle du projet, on a lancé une levée de fonds sur une période de 29 jours afin de récolter 12 à 13 milles dollars américains”, précise-t-elle. Quant aux matériels, elle a reçu des donations et des emprunts de plusieurs institutions en Haïti ainsi qu’à l’étranger. Malgré ça, elle affirme que les acteurs n’ont pas été si bien rémunérés que ça; une situation qui ne les a pas empêché de tout donner. Ericka, pour qui cela a été une première expérience au cinéma, raconte:” Mon expérience avec Nap boule, ça a été extraordinaire parce que dans un premier temps, c’est vraiment une première expérience dans le cinéma. Deuxièmement, je trouve qu’ Alexandrine est vraiment et sincèrement quelqu’un de super humain. C’est quelqu’un qui se soucie de comment tu es sur le plateau, de ton état d’esprit et qui te booste au maximum. C’était extraordinaire aussi parce que sur le plateau, les gens savaient tous ce qu’ils faisaient”.
Nap boule a été tourné à Jacmel et il a été filmé majoritairement la nuit. Alexandrine explique qu’au début, le tournage devrait s’étendre sur environ cinq jours mais qu’il a été interrompu le deuxième jour à cause de l’assassinat du président de la République. Ensuite, il y a eu beaucoup de pluies lors du passage cyclonique, ce qui a encore retardé le tournage. Mais heureusement, ils ont réussi à tout boucler et le trailer a été mis en ligne le 22 Septembre dernier.
Pour l’instant, aucune date n’est retenue pour la grande première mais Alexandrine souhaite que ce court-métrage soit projeté dans des festivals à l’étranger ainsi que dans les dix départements du pays.
Jessie Lisa A.R TATAILLE